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Consultations ponctuelles du CSE et la consultation sur les orientations stratégiques : une autonomie clarifiée

Par Amanda Galvan, avocat counsel et Mathilde Le Roux, juriste apprentie, cabinet Racine

Depuis sa création en 2013, l’obligation de consultation récurrente du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise est source d’interrogations juridiques et pratiques. Outre l’incertitude s’agissant de son contenu, la question fréquente est celle de son articulation avec les consultations ponctuelles du CSE. 

Avant l’instauration de la consultation sur les orientations stratégiques, la Cour de cassation avait précisé l’articulation entre la consultation ponctuelle sur un projet de licenciement économique et la consultation récurrente sur l’évolution des emplois : la régularité de la première n’était pas subordonnée à la réalisation, à titre préalable, de la seconde (Cass. soc. 30 déc. 2009, n° 07-20.525). Cette solution, rédigée en termes non généraux, semblait néanmoins affirmer une certaine autonomie entre les consultations récurrentes et ponctuelles. En 2018, la cour d’appel de Paris avait fait application de cette autonomie en jugeant qu’une consultation ponctuelle et les consultations récurrentes (dont celle sur les orientations stratégiques) étaient autonomes, l’employeur n’étant pas tenu d’attendre l’échéance de la consultation récurrente pour consulter le CSE dans le cadre d’une consultation ponctuelle (CA Paris, 3 mai 2018 n° 17/09307). Toutefois, la position des juges du fond restait hésitante. Ainsi, en 2019, le TGI de Nanterre avait retenu l’interdépendance entre les consultations sur les orientations stratégiques et la consultation ponctuelle sur un projet de cession. L’entreprise avait été condamnée à mener la consultation sur les orientations stratégiques avant la remise d’un avis sur le projet de cession (TGI Nanterre, 11 juillet 2019, n° 19/02211).

L’autonomie affirmée

L’arrêt du 21 septembre 2022 de la Cour de cassation met un point final à cette hésitation. Dans cette espèce, un organisme de gestion d’établissements scolaires privés engage une consultation ponctuelle sur le projet de fermeture d’un lycée et de résiliation du contrat avec le ministère correspondant. Quelques jours plus tard, il engage la consultation récurrente du CSE sur les orientations stratégiques. Le CSE a obtenu du juge la suspension de la consultation ponctuelle sur la résiliation du contrat jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques. Pour les juges, le projet de résilier le contrat et de fermer le lycée était un « choix stratégique » et « une déclinaison concrète d’une orientation stratégique », justifiant la consultation sur ce thème préalablement à la consultation ponctuelle sur le projet de fermeture. La Cour de cassation a censuré ce raisonnement et consacré l’autonomie entre la consultation ponctuelle sur le projet de fermeture et la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise. La Cour de cassation justifie sa solution par la différence d’objet et de temporalité des deux types de consultation : celle sur le projet de fermeture du lycée concerne un projet précis sur un laps de temps déterminé. En revanche, celle sur les orientations stratégiques vise à associer le CSE au processus de définition des orientations stratégiques et des projets globaux à plus long terme.

L’autonomie en pratique

Cette solution de la Cour de cassation va permettre de « simplifier » les procédures de consultation du CSE dans le cadre notamment des projets de réorganisation. Il n’est désormais plus nécessaire de précipiter la consultation annuelle sur les orientations stratégiques pour la finaliser avant ou concomitamment à celle sur un projet précis. De même, l’administration (Dreets) ne pourra plus exiger des entreprises, comme elle le faisait fréquemment, la preuve de l’achèvement de la consultation sur les orientations stratégiques avant la remise de l’avis du CSE sur le projet de licenciement économique. Il reste néanmoins toujours opportun d’utiliser la faculté légale de conclure un accord collectif afin de fixer la périodicité (1 à 3 ans) de la consultation sur les orientations stratégiques, son contenu et d’acter le principe d’autonomie avec toute consultation ponctuelle du CSE.