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Commerce international : des attentes européennes à l’aube d’une nouvelle Commission

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1388 du 11 mars 2019
Par Marie-Sophie Dibling, associée, et Hervé Jouanjean, of counsel, cabinet Fidal.

À l’heure de quitter le Berlaymont, la Commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, laissera un bilan relativement positif concernant la place de l’Europe sur la scène commerciale internationale.

Alors que l’administration Trump s’est employée à déstructurer le système commercial international sur les plans bilatéral et multilatéral, elle a maintenu de manière ferme la stratégie de l’Union européenne visant à la fois à préserver les acquis au niveau multilatéral et poursuivre, en parallèle, une stratégie offensive d’ouverture des marchés sur le plan bilatéral, dans l’attente de jours meilleurs à l’OMC.

La Commission Juncker a, de ce point de vue, enregistré un certain nombre de succès. Elle a à son actif deux succès qui revêtent une portée symbolique, le CETA, premier accord bilatéral de l’Union avec un membre du G7 et le JEFTA, avec le Japon, en vigueur depuis peu et qui est le plus large accord commercial bilatéral jamais conclu.

Autre point positif, la Commission Juncker est également à l’origine de révisions qui ont permis de muscler les règles européennes de défense commerciale visant à combattre plus efficacement les nouvelles formes de pratiques déloyales tout en respectant l’acquis OMC. Dans ce contexte, il faut se féliciter de la solution trouvée pour traiter la question du statut transitoire de la Chine au titre de la réglementation anti-dumping (économie de marché) qui venait à échéance à l’issue d’une période de 15 années après son accession à l’OMC.

La Commission Juncker a pu aussi être perçue comme trop lente dans son positionnement face à la politique commerciale de Donald Trump et à sa remise en cause du multilatéralisme. Néanmoins, il faut reconnaitre les efforts réalisés par l’Union européenne qui ont permis d’éviter une escalade du conflit commercial avec les états-Unis et d’engager une coopération sur les deux sujets essentiels que sont la Chine et la réforme du système commercial multilatéral. Le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien et le retour des sanctions américaines avec leur dimension extraterritoriale reste néanmoins un sujet de discorde profond.

La Commission Juncker a également pu être vue comme trop naïve lorsqu’il s’agit de défendre efficacement ses industries contre des attaques commerciales étrangères qui remettent en cause les emplois européens. Même si elle semble enfin avoir pris conscience que certains partenaires, comme la Chine, sont de réelles menaces pour l’avenir industriel européen, elle peine encore à montrer les dents et s’engager davantage pour l’avenir du tissu industriel européen.

Dans ce contexte, la nouvelle Commission aura son lot de défis à relever : une approche ferme et constructive avec l’administration américaine, un contrôle sévère du comportement de la Chine et d’autres pays qui ne jouent pas le jeu du systéme multilatéral, une mise en œuvre loyale des nouveaux accords de libre-échange qui ouvrent de nouvelles perspectives pour les entreprises européennes, et un rôle de leader dans la rénovation et le renforcement du système commercial multinational qui est un mécanisme essentiel de régulation du commerce et un réducteur de tensions puisque tout pays peut y défendre ses intérêts sans discrimination en raison de sa taille.

Dans ses différents rôles, la Commission européenne doit avoir bien conscience qu’elle porte la responsabilité, avec les états, d’assurer un espace où les citoyens européens peuvent s’épanouir, en favorisant l’emploi et en leur offrant toujours plus de perspectives. Cette nouvelle Commission devra donc encore agir pour mieux faire connaitre ses objectifs et son action. Elle devra davantage aller vers les entreprises européennes, répondre à leurs attentes et ainsi renforcer sa légitimité. La conduite des négociations concernant le Brexit est un exemple de cette ouverture et de cette disponibilité qu’il faudra développer à l’avenir.

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