Connexion

Clause attributive de juridiction et lien hypertexte : un pas de plus vers la dématérialisation

Par Fabienne Panneau, associée et Zélie Héran, cabinet DLA Piper

Dans un arrêt en date du 24 novembre 20221, la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE ») valide la pratique contractuelle du renvoi par un lien hypertexte à des conditions générales de vente en ligne et l’opposabilité de la clause attributive de juridiction. Rendue sur le fondement de la convention de Lugano II2, sa solution est applicable au règlement Bruxelles 1bis3, dont l’article 25 « prorogation de compétence » est similaire dans son libellé à l’article 23 de la convention de Lugano II.

Dans l’espèce opposant deux sociétés commerciales ayant conduit la Cour de cassation belge à saisir la CJUE d’une question préjudicielle, la clause attributive de juridiction était stipulée dans des conditions générales accessibles uniquement en ligne et auxquelles il était expressément renvoyé au moyen d’un lien hypertexte du site Internet inséré dans le contrat conclu entre les parties. Questionnant l’opposabilité de cette clause attributive de juridiction ainsi que la preuve du consentement de la partie contractante, la juridiction belge invitait la CJUE à déterminer si une telle clause répondait aux conditions posées par l’article 23 de la convention de Lugano II alors même que la partie à laquelle cette clause était opposée n’était pas « invitée à accepter ces conditions générales en cochant une case sur ledit site Internet ».

Après avoir observé qu’il n’était pas contesté que le texte du contrat en cause contenait un renvoi explicite aux conditions générales intégrant la clause attributive litigieuse, la Cour s’est attachée à vérifier si ces dernières avaient été effectivement communiquées à la partie contractante. Sa décision est la suivante : « une clause attributive de juridiction est valablement conclue lorsqu’elle est contenue dans des conditions générales auxquelles le contrat conclu par écrit renvoie par la mention du lien hypertexte d’un site internet dont l’accès permet, avant la signature dudit contrat, de prendre connaissance desdites conditions générales, de les télécharger et de les imprimer, sans que la partie à laquelle cette clause est opposée ait été formellement invitée à accepter ces conditions générales en cochant une case sur ledit site internet »4.

La CJUE illustre ainsi sa faveur pour les clauses attributives de juridiction et prend soin de ne pas entraver les usages commerciaux, tout en neutralisant les clauses qui risqueraient de passer inaperçues. L’arrêt du 24 novembre 2022 donne aussi l’occasion de lister les bonnes pratiques à mettre en place dans les relations entre entreprises commerciales pour s’assurer de l’opposabilité des conditions générales accessibles en ligne :

• le lien hypertexte doit fonctionner et pouvoir être « actionné par une partie appliquant une diligence normale »5. Il importe peu que la page contenant ces conditions générales ne s’ouvre pas automatiquement lors de l’accès au site Internet ; en revanche, il est impératif de s’assurer que le lien reste fonctionnel durant toute la relation contractuelle6 ;

• il suffit que la « possibilité » soit offerte de consigner durablement les conditions générales avant la conclusion du contrat, en les sauvegardant et les imprimant, indépendamment de la question de savoir si le texte des CGV a effectivement été consigné durablement par l’acheteur ou s’il les a acceptées en cochant une case.