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Brevet à effet unitaire et juridiction unifiée du brevet : organisation et impacts sur les droits de PI

Par Camille Pecnard, avocat associé et Damien Colombié, associé, Lavoix

Après de nombreux soubresauts, le brevet unitaire (BU) et la juridiction unifiée du brevet (JUB) devraient voir le jour au printemps 2023 et visent à apporter une certaine harmonisation dans la gestion des brevets en Europe. Pour la première fois, un nouveau droit et une nouvelle juridiction sont créés en même temps. Prendre les devants pour identifier les impacts sur son portefeuille PI et définir la meilleure stratégie est plus que jamais d’actualité.

Aujourd’hui, protéger une invention en Europe se fait notamment par l’inter- médiaire d’un dépôt de brevet dans les différents États souhaités ou d’un système centralisé de délivrance de brevets à l’Office Européen des Brevets. Une fois validé dans les États contractants souhaités, le brevet européen a en principe les mêmes effets et est soumis au même régime qu’un brevet national. Le système européen actuel engendre des coûts de dépôts et des frais de maintien importants empêchant les dépo- sants de valider leurs droits dans l’ensemble de l’Europe. En cas de contentieux, il convient aussi de mettre en œuvre et défendre son brevet dans chacun des pays concernés devant les juridictions nationales en question.

Un brevet partout, un litige centralisé

La mise en place simultanée du BU et de la JUB est appelée à compléter et à renforcer le système actuel. Le déposant obtiendra un titre unique produisant ses effets sur tout le territoire des états signataires.1 À terme, le brevet unitaire permettra d’obtenir une protection dans 25 États membres de l’UE. En parallèle, les litiges associés seront gérés par la JUB, tribunal international composé de 34 juges juristes et 51 juges qualifiés techniquement, déjà nommés et issus de toute l’Eu- rope. Concrètement et contrairement à aujourd’hui, une seule action devant ce tribunal sera suffisante pour agir dans tous les États signataires.

Période transitoire et opt-out

La JUB aura une compétence exclusive et automatique notam- ment en matière de contrefaçon et de nullité des brevets euro- péens, tant pour les nouveaux brevets à effet unitaire que pour les brevets européens classiques sans effet unitaire. Une période transitoire de sept ans renouvelable va être mise en place pour les titulaires de brevets européens sans effet

unitaire. Ils pourront déroger à la compétence de la JUB (« opt-out »), sauf si un litige devant la JUB aura déjà été engagé. Ceci permettra à ceux qui souhaitent attendre de rester dans le système traditionnel de compétence des tribunaux nationaux. Il est à noter que le titulaire d’un bre- vet européen ayant demandé un opt-out pourra revenir dans la compétence de la JUB, en renonçant à son opt-out, s’il constate par exemple qu’un contrefacteur agit dans plusieurs États membres.

À quoi faut-il faire attention
pour se préparer ?


La naissance du BU et de la JUB était nécessaire pour renforcer la sécurité juridique à l’échelle européenne et permettre de demeurer une zone

compétitive. Le brevet à effet unitaire va permettre d’optimiser certains coûts (validation, traduction, annuités). Il présente également des risques comme celui de se faire annuler son brevet sur tous les pays concernés en même temps et en une seule fois. Les délais de procédure devant la JUB sont particulièrement courts.

La mise en œuvre de ce système nécessite donc d’analyser dans le détail son portefeuille existant, d’identifier les contrats et licences diverses qui pourraient être impactés, les procédures à risque, les problématiques liées à la copropriété, afin de prendre les décisions les plus pertinentes pour l’entreprise, tant en termes de stratégie de PI, commerciale et financière. Il convient également de mettre en place des équipes dédiées, à la fois juridiques et techniques, capables d’agir de concert et de réagir rapidement à toute situation qui se présenterait.