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Arbitrage : une réforme sous les projecteurs

Par Flore Poloni, associée, cabinet Signature Litigation

Quatorze ans après la dernière réforme, le droit français de l’arbitrage s’apprête à connaître un nouveau tournant. Portée par le ministère de la Justice, une réforme ambitieuse est en cours, née d’une volonté stratégique : celle d’affirmer le droit comme instrument de souveraineté et de stabilité. Paris est déjà une place forte de l’arbitrage international. L’objectif de la réforme est de conforter cette position en dotant la France d’un cadre toujours plus lisible, cohérent et performant. C’est dans ce cadre qu’un rapport sur la réforme du droit français de l’arbitrage a été publié en mars 2025, à l’issue des travaux d’un groupe d’experts co-présidé par François Ancel et Thomas Clay.

Une ambition structurée
autour de quatre piliers

Tout d’abord, la création d’un code de l’arbitrage. Aujourd’hui éparpillées entre le code de procédure civile et d’autres codes (civil, de commerce, etc.), les règles de l’arbitrage seraient réunies. Cette unification devrait permettre non seulement une meilleure accessibilité, notamment pour les praticiens étrangers, mais devrait aussi renforcer aussi la lisibilité et la pédagogie du droit français.

 

Ensuite, l’unification des régimes d’arbitrage interne et international. Actuellement distincts, ces régimes seraient réunis autour d’un socle commun de règles générales, complété par des dispositions spécifiques à l’arbitrage interne. Cette évolution vise à simplifier le droit applicable tout en garantissant le maintien de protections adaptées, notamment pour les parties plus vulnérables dans l’arbitrage interne.

 

L’augmentation du champ de l’arbitrabilité. Il est proposé d’étendre le champ de l’arbitrabilité au droit de la famille, aux litiges du travail et à ceux de la consommation. Les règles de l’arbitrage s’y appliquent déjà dans une certaine mesure mais faute de clarté notamment de la notion de droits «disponibles» pour ce qui concerne le droit de la famille, l’arbitrage n’est quasiment jamais choisi.

 

Régime spécifique du recours devant la cour d’appel. Aujourd’hui, la procédure de recours en annulation ou d’appel d’ordonnance d’exequatur est identique à celle de l’appel. Un régime spécifique permettrait d’augmenter la lisibilité du droit de l’arbitrage et de tenir compte des spécificités de la matière. La procédure dédiée comporterait des points distincts de la procédure d’appel classique tels que la mise en place d’un calendrier impératif, la suppression de la possibilité de la cour d’appel de statuer sur le fond et l’introduction de la possibilité d’entendre l’arbitre.

En plus de ces quatre piliers, quelques autres innovations méritent d’être mentionnées.

Un juge d’appui aux
pouvoirs étendus

Le juge d’appui est le juge dont le rôle est d’assurer le bon déroulé de la procédure arbitrale. Il intervient notamment dans le cadre de la constitution du tribunal arbitral et dans la prorogation du délai d’arbitrage. Disposer d’un juge spécialement qualifié à cet effet est une des spécificités du droit français qui témoigne de la faveur donnée à l’arbitrage. La réforme repense son rôle pour l’élargir dans certains cas de blocage procédural : soit pour donner force exécutoire à certaines décisions du tribunal arbitral pendant l’arbitrage (hypothèse des mesures provisoires qui pourraient dès lors avoir une efficacité renforcée) soit pour empêcher que l’arbitrage n’ait pas lieu (hypothèse du déni de justice ou de l’impécuniosité d’une partie, qui demeurent des questions délicates dans le cadre d’un système de justice privée).

Capturer les principes directeurs
du droit français de l’arbitrage

Enfin, la réforme propose de codifier certains principes directeurs du droit français de l’arbitrage. Ces principes, issus pour beaucoup de la jurisprudence, seraient intégrés dans le code pour accroître leur visibilité et renforcer la sécurité juridique :
autonomie de la clause compromissoire, compétence-compétence, confidentialité, proportionnalité, reconnaissance des sentences annulées à l’étranger, choix par les parties du droit applicable, principe d’indépendance et d’impartialité…

Une réforme en plein débat

Ce projet de réforme suscite de nombreux débats au sein de la communauté arbitrale française. Loué pour sa cohérence et son ambition, il interroge sur ses modalités concrètes : rédaction finale des textes, articulation avec la jurisprudence, risques de rigidification… Une consultation est lancée par le Comité Français de l’Arbitrage à laquelle il est possible de répondre jusqu’au 1er juillet. 

LIEN : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSflkghbRXT_-ZwiMf92DtKbHV--IMqQkfxQo77bY1Z5qbopYQ/viewform?usp=sharing&ouid=106167623677892182740