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Arbitrage : le Covid-19 comme argument de cas de force majeure

Par Par Marily Paralika, associée, et Martha Alexiou, cabinet Fieldfisher

Quatre ans après le début de la pandémie du Covid-19, il est devenu manifeste que cette crise a profondément perturbé le commerce international à bien des égards. L’arbitrage international n’a pas été épargné pas ses effets. L’un des sujets les plus débattus a été la reconnaissance du Covid-19 comme un cas de force majeure, influant sur les obligations contractuelles des parties dans des contrats internationaux.

Les parties peuvent être libérées de leurs obligations contractuelles lorsque survient un événement imprévu et hors du contrôle des parties. Les conditions requises pour l’application du principe de force majeure sont les suivantes : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité de l’évènement par rapport à la partie qui l’invoque. La partie doit aussi établir un lien de causalité entre l’évènement externe et l’incapacité d’exécuter ses obligations contractuelles, et cet évènement doit être la principale cause de l’inexécution de l’obligation contractuelle.

En conséquence, l’application de la force majeure entraîne l’exonération de toute responsabilité pour les dommages causés par ce manquement. Elle varie selon les stipulations contractuelles qui peuvent adopter une formulation générale ou contenir une liste exhaustive d’événements spécifiques, comme des catastrophes naturelles, des guerres ou des épidémies.

Lesdites clauses seront toutefois interprétées selon le droit applicable qui peut varier d’une juridiction à une autre. Par exemple, en droit anglais, l’absence d’un principe général de force majeure implique que la qualification d’un événement comme tel dépendra de l’interprétation contractuelle. Dans ce contexte, l’exécution d’un contrat en raison de circonstances inattendues sera exonérée uniquement selon la doctrine relativement étroite de la frustration. En revanche, en droit français, l’article 1218 du code civil reconnaît explicitement le principe de la force majeure en matière contractuelle.

Dans le cadre de l’arbitrage international, la pandémie a été invoquée par des parties à des contrats, principalement de construction ou de supply chain, faisant valoir la crise sanitaire comme un événement imprévisible, rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse, voire impossible.

Les tribunaux arbitraux, confrontés à ce sujet, ont examiné si l’événement était imprévisible et hors du contrôle raisonnable de la partie et si celle-ci avait pris des mesures raisonnables pour l’éviter ou atténuer ses effets.

Dans de nombreux cas, les tribunaux arbitraux ont souligné l’importance de démontrer un lien de causalité direct entre la pandémie et l’incapacité d’exécuter les obligations contractuelles. Par exemple, un tribunal arbitral appliquant un droit civiliste a jugé que l’application d’une clause contractuelle exigeant le paiement d’une somme fixe annuelle dans le cadre d’un contrat de concession n’était pas conditionnée aux résultats financiers du concessionnaire, et par conséquent, la pandémie et/ou les mesures gouvernementales adoptées pour y faire face, qui auraient affecté ces résultats ne pouvaient être invoquées comme justification pour le défaut de paiement. Dans cette affaire, le tribunal a conclu que si la pandémie n’a pas rendu le paiement impossible, la clause de force majeure ne pouvait pas libérer la partie de son obligation de paiement, qui n’était pas devenue plus onéreuse en raison de la pandémie ou des mesures gouvernementales.

Dans un autre cas, un tribunal arbitral a statué sur un litige où le défendeur a fait valoir que son incapacité à livrer des marchandises était due à un cas de force majeure provoquée par la pandémie de Covid-19. Le tribunal a jugé, sur la base du droit thaïlandais, que la charge de la preuve incombe à la partie qui allègue l’existence de force majeure. En l’absence de preuves fournies par le défendeur, ce dernier ne pouvait pas être exonéré de sa responsabilité pour les dommages résultant de son non-respect de l’obligation contractuelle.

En conclusion, la reconnaissance du Covid-19 comme cas de force majeure dans l’arbitrage international a souligné l’importance des clauses contractuelles claires et prévoyantes. Il est donc essentiel que les acteurs du commerce international soient prudents lorsqu’ils sélectionnent le droit applicable à leurs contrats car toute interprétation du contrat ou d’une de ces clauses par les tribunaux arbitraux en dépendra. T

M. Paralika