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Arbitrage et développement durable

Par Vanessa Thieffry, trésorière de la Paris Arbitration Week et avocate au sein du cabinet Reed Smith

Le développement durable, en tant que moyen de mitigation des crises environnementales actuelles (changement climatique, biodiversité, désertification, pollution atmosphérique, gestion des déchets), s’est imposé comme un impératif dans toutes les sphères de la société et dans l’industrie. Des mouvements tendant à la réduction de l’empreinte environnementale de l’intégralité du cycle de vie d’une activité donnée ont pu être notés dans des secteurs aussi divers que ceux de la construction, de l’énergie, de la finance, des nouvelles technologies, de l’immobilier, ou encore du transport maritime.

Cette exigence durabilité s’est accentuée ces dernières années. Dès 1992, le Sommet « planète Terre » avait posé le principe du développement durable, avec pour piliers l’économie, le développement et l’environnement. En découlèrent trois conventions internationales intrinsèquement liées, relatives (i) aux changements climatiques (la CCNUCC), (ii) à la diversité biologique et (iii) à la lutte contre la désertification, en tant qu’instruments pour contribuer aux objectifs de développement durable posés par le Sommet « planète Terre ». Par la suite, s’agissant plus particulièrement du changement climatique, le protocole de Kyoto pris dans le cadre de la CCNUCC n’a pas emporté l’adhésion mondiale, dans la mesure où il proposait un modèle jugé trop contraignant, tout en apparaissant insuffisamment ambitieux. C’est à la suite de l’accord de Paris de 2015, également conclu dans le cadre de la CCNUCC, qu’un certain nombre de procès d’initiative citoyenne ont été initiés, et un mouvement profond en faveur du développement durable, lancé. Une étude récente a conclu que le nombre de contentieux liés au changement climatique avait doublé depuis 2015, avec environ 1200 nouvelles actions depuis 8 ans1 devant des juridictions variées. Si, initialement, les Etats étaient principalement mis en cause, aujourd’hui les entreprises sont également visées. Cette conscience environnementale sociétale s’est accrue avec la crise du Covid-19, puis la guerre en Ukraine. Sans compter la multiplication des instruments législatifs et réglementaires en faveur du développement durable tant nationaux, supranationaux et internationaux.

L’arbitrage n’est pas en reste, tant sur le fond que sur la forme

Sur le fond, la compatibilité entre arbitrage et environnement n’allait pas de soi. Il y a près de 20 ans, un auteur relevait que l’arbitrage était essentiellement privé, alors que l’environnement « appartient à la plus publique des sphères »2. Un autre, examinant des sentences rendues sous l’égide de la CCI, concluait que « […] les problèmes de droit de l’environnement sont le plus fréquemment abordés dans les affaires de cession et acquisition de sociétés »3. Aujourd’hui, après notamment des rapports rendus par l’International Bar Association4 et par la Commission d’arbitrage et d’ADR de la Chambre de Commerce Internationale5, la compatibilité entre l’arbitrage et l’environnement ne fait plus aucun doute. Ainsi, lors de la dernière édition de la Paris Arbitration Week (« PAW »), pas moins de 14 événements ont été consacrés à des thématiques environnementales et énergétiques, soit 10 % des événements. Les thèmes abordés touchaient non seulement à la résolution de litiges d’arbitrage d’investissements et commerciaux en matières environnementale, énergétique et climatique, mais interrogeaient également sur le rôle que l’arbitrage avait à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Sur la forme, la communauté arbitrale se penche également sur la manière par laquelle elle pourrait réduire l’impact environnemental de ses activités. Le « Green Pledge », lancé par la Campaign for Greener Arbitrations en 2019, compte désormais plus de 1 000 signataires. Ce Green Pledge, qui comprend 10 principes directeurs pour réduire l’impact des activités d’arbitrage, est également accompagné de protocoles d’application. Les centres d’arbitrage ne sont pas en reste : le centre de Stockholm (SCC) a ainsi récemment publié un « Sustainability Commitment ». La PAW, quant à elle, s’engage depuis 2021 non seulement pour la diversité (son thème de prédilection historique), mais également en faveur du développement durable en encourageant ses partenaires à adopter des mesures de nature à lutter contre le changement climatique. À l’occasion de la prochaine édition de la PAW qui se tiendra du 27 au 31 mars 2023, le Comité d’organisation invite les partenaires de la PAW à mettre en place un lot de mesures concrètes en faveur du développement durable, parmi lesquelles : la réduction ou l’élimination des déchets lors de l’organisation d’évènements en présentiel, le recours à des services écologiques de livraison et à des fournisseurs en circuits courts, le recyclage et/ou la compensation de l’impact environnemental de l’événement.