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Actionnariat salarié : comment maintenir son attractivité face aux nouvelles habitudes de la génération Z ?

Par Frédéric Cohen, associé, Benjamin Bernard et Mylène Sabé, cabinet Foley Hoag

La génération Z, jeunes actifs âgés de 25 à 35 ans, a profondément transformé le marché du travail en imposant de nouvelles dynamiques : turnover accru, recherche de flexibilité et mobilité internationale. Dans ce contexte, les dispositifs traditionnels d’actionnariat salarié, conçus pour un salariat stable et localisé, peinent à les séduire. Pour demeurer attractives et fidéliser les talents, les entreprises doivent repenser en profondeur leur stratégie d’intéressement.

Les entreprises ont principalement recours à deux types de mécanismes d’intéressement pour impliquer les salariés sur le long terme et les fidéliser. D’abord, l’attribution gratuite d’actions ou de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSCPE). Ensuite, l’attribution de stock-options aux salariés, qui leur permettent d’acquérir des actions de l’entreprise à une date et à un prix déterminé par avance. Ces mécanismes sont accessibles exclusivement aux salariés et aux dirigeants de l’entreprise ; ils sont généralement conditionnés à une durée de présence au sein de l’entreprise et/ou à des objectifs de performance économique.

Or, depuis une quinzaine d’années, l’organisation du travail a connu de profonds bouleversements, qui se sont fortement amplifiés avec la pandémie du Covid-19. Les jeunes actifs sont plus mobiles et n’hésitent pas à changer régulièrement d’entreprise. Lorsqu’ils possèdent des expertises recherchées, ils peuvent préférer le statut de free lance à celui de salarié. Cette mobilité est aussi géographique avec le phénomène des digital nomads, qui résident hors de France et se déplacent parfois d’un pays à l’autre. De leur côté, les entreprises tirent également profit de cette externalisation qui leur apporte une flexibilité plus importante que le salariat mais qui créée aussi une plus forte volatilité.

Face à ces nouvelles pratiques, ces mécanismes d’intéressement sont moins attractifs pour cette cible de collaborateurs dont le rôle est souvent clé pour le développement des entreprises. Les contraintes que leur fonctionnement impose ne sont plus en ligne avec les pratiques de ces professionnels. De plus, leur régime fiscal dépend d’une résidence en France.

La nécessité d’une réforme pour aligner ces mécanismes sur les nouvelles attentes de leurs bénéficiaires

Il apparait dès lors nécessaire de repenser les procédés d’intéressement à l’aune des attentes de cette nouvelle génération. Les contraintes de durée et de statut liées à ces mécanismes pourraient être assouplies, par exemple en introduisant des dispositifs de liquidité anticipée ou des principes de prorata temporis en cas de départ de l’entreprise avant l’arrivée à maturité des instruments attribués. Ils pourraient également être étendus aux non-salariés, afin de leur permettre d’accéder à une part de la valeur créée par l’entreprise. Enfin, mais c’est peut-être utopique, ils pourraient être soumis à une fiscalité qui ne soit pas affectée par une modification de leur résidence entre la date d’attribution de l’instrument et celle de sa liquidation.

 

Dans l’attente d’une réforme de ces mécanismes, il existe déjà certaines alternatives. Les entreprises peuvent mettre en place des actions fantômes (phantom shares) afin d’attribuer aux personnes clés de leur choix des droits fictifs, indexés sur la valorisation des actions de l’entreprise, qui donneront droit à un versement en numéraire lors d’un évènement de liquidité prédéterminé. Le versement de ces sommes est généralement assimilé à de la rémunération et soumis à la fiscalité du lieu de résidence du bénéficiaire. L’émission de bons de souscription d’actions (BSA) peut aussi être une solution puisqu’elle n’est pas corrélée à un statut particulier. La souscription de BSA doit néanmoins se faire à leur valeur de marché, ce qui peut représenter un coût important pour le professionnel concerné. Enfin, l’actionnaire principal de l’entreprise peut apporter une quotité du capital de cette dernière à une société civile pour permettre ensuite aux collaborateurs concernés – salariés ou non – de devenir associés de ce véhicule. Ce mécanisme a le mérite de limiter la dilution résultant de l’ouverture du capital de l’entreprise aux collaborateurs. Il permet de créer des droits politiques et financiers différents en fonction des caractéristiques des souscripteurs et, si cela est souhaité, de décorréler ces droits de la présence dans l’entreprise. Ainsi, lorsqu’un collaborateur quitte l’entreprise, il est possible de maintenir ses droits à hauteur de la valeur qui aura été créée jusqu’à la date de son départ.

La nature ayant horreur du vide, gageons que d’autres mécanismes se développeront pour favoriser l’intéressement de collaborateurs appelés à jouer un rôle essentiel dans la création de valeur des entreprises.