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Sanctions américaines : les cryptomonnaies dans le viseur de l’OFAC

Par Olivier Attias, counsel, et Manon Krouti, cabinet August Debouzy

Si les cryptomonnaies, à l’instar du Bitcoin, ont gagné en popularité ces dernières années, elles restent pour la plupart non réglementées en ce qu’elles ne sont pas toujours considérées comme des instruments financiers sur le plan juridique.

L’OFAC (Office of Foreign Assets Control), l’agence du Trésor américain chargée du contrôle des programmes de sanctions économiques, vient de rappeler que ce n’est pas pour autant que les opérateurs de ce marché ne doivent pas se conformer à la réglementation applicable.

La société américaine BitPay Inc. en a fait les frais en acceptant, le 18 février dernier, de payer une amende civile de 507 375 $ pour mettre un terme à des poursuites engagées à raison de transactions enfreignant les lois et réglementations américaines relatives aux sanctions économiques internationales. Le 31 décembre 2020, l’opérateur de cryptomonnaies BitGo avait dû payer une amende de 100 000 $ pour les mêmes raisons alors que le montant total des transactions litigieuses ne dépassait pas 10 000 $.

Il est reproché à BitPay d’avoir facilité plus de 2 000 opérations pour un montant total de 129 000 $ avec des tiers situés dans des pays sous sanctions américaines (Cuba, Syrie, Iran, Soudan, Corée du Nord) desquels elle recevait des paiements en monnaie digitale qu’elle convertissait en dollars américains avant de les reverser à ses clients commerçants américains.

Or, comme l’a relevé l’OFAC, BitPay n’avait aucune procédure lui permettant de s’assurer que les émetteurs des cryptomonnaies ne provenaient pas de pays sous embargo, ou n’étaient pas identifiés sur la fameuse liste recensant l’ensemble des personnes physiques ou morales visées par des sanctions américaines (Specially designated nationals list), alors même qu’elle disposait de leurs adresses IP et, par conséquent, de leurs données de localisation.

Là où la vigilance exercée par des opérateurs bancaires traditionnels les aurait sans doute conduits à spontanément révéler ces violations potentielles à l’OFAC avant que les faits ne soient découverts par d’autres moyens, BitPay et BitGo ne semblent pas s’être inquiétées de ce point. Ni l’une ni l’autre n’ont en effet entrepris de telle démarche, laquelle permet pourtant, via la procédure de volontary self-disclosure, de bénéficier d’une réduction significative de la sanction maximale susceptible d’être prononcée.

Ainsi, BitPay s’exposait à une amende de près de 619 M$. L’OFAC a néanmoins récompensé sa coopération à l’enquête et les efforts de remédiation entrepris (notamment des campagnes de formation et le blocage des utilisateurs dont les adresses IP bornent dans des pays sous sanctions) en minorant nettement ce montant.

Cet accord met en évidence la volonté de l’OFAC de s’attaquer à un secteur réputé – peut-être à tort – pour son manque de transparence et de vigilance. Il est à parier que les prochaines décisions ou sanctions de l’OFAC à l’égard du secteur, y compris s’agissant d’acteurs non américains, seront moins magnanimes. Le régulateur américain a en effet mis un point d’honneur à rappeler que toutes les entreprises qui opèrent sur le marché des cryptomonnaies sont assujetties aux mêmes obligations de vigilance que les institutions financières traditionnelles (KYC, due diligences), non seulement s’agissant du respect de la réglementation en matière de sanctions économiques, mais également au titre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

En France, une ordonnance du 9 décembre 2020 a d’ailleurs défini de nouvelles règles applicables aux opérateurs de cryptomonnaies. Concrètement et sous le contrôle de l’AMF, les plateformes françaises qui vendent des cryptomonnaies ou permettent leur échange devront, dans un délai de 6 mois, se doter d’un dispositif plus rigoureux de connaissance de leurs clients au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition. 

Olivier Attias Manon Krouti August Debouzy Crypto Finance Blockchains & cryptomonnaies