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Linklaters, une nouvelle dynamique en M&A

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

L’arrivée d’Hubert Segain, en septembre 2024, au sein du bureau parisien de Linklaters pour diriger la pratique corporate M&A a constitué une étape majeure de la nouvelle dynamique mise en place par la firme depuis déjà quatre ans. Recrutements d’associés-stars, vague de promotions internes, nouvelle organisation de travail grâce au développement de l’IA en interne… Le changement est palpable.

Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge ». Ces mots attribués à Winston Churchill font écho à la stratégie déployée, depuis près de trois ans, par le bureau parisien de Linklaters. Les recrutements des stars de la place s’enchaînent, les clients historiques manifestent leur satisfaction, de nouveaux leur font confiance en les mandatant pour leurs dossiers stratégiques. Le chiffre d’affaires du bureau a cru de près de 10 % depuis 2023.

Cette dynamique est le fruit de plusieurs changements stratégiques. D’abord celui de la gouvernance au niveau mondial. En 2021, Aedamar Comiskey a été nommée senior partner de la firme tandis que Paul Lewis en a été désigné managing partner. Dès leurs prises de fonctions, ils insufflent une nouvelle impulsion pour réveiller la maison qui s’était un peu endormie de l’avis des commentateurs, se reposant sans doute trop longtemps sur son statut de firme du Magic Circle. Leur ambition est forte pour redynamiser certaines régions, et notamment la France, considérée comme un marché clé. Nommé au même moment, le partner responsable du M&A au niveau mondial, Simon Branigan, de nationalité irlandaise, partage cette vision d’un bureau français stratégique pour le développement européen de la firme.

 

Rapidement, des décisions sont prises avec l’arrivée de Florent Mazeron pour redynamiser le pôle private equity en 2021. Avec le soutien des associés parisiens, Françoise Maigrot est également désignée managing partner du bureau au début de l’année 2023. Alors que la firme s’apprête à fêter ses cinquante ans dans la capitale, la nouvelle patronne donne le cap. « L’audace et l’ambition seront nos moteurs pour les prochains mois », annonce-t-elle alors, à l’occasion d’un entretien avec la LJA. Et elle ne s’y est pas trompée. Depuis deux ans, sept associés ont été recrutés : Fanny Mahler, en droit public, énergie et infrastructures ; Hubert Segain en corporate M&A ; Marc Perrone en réglementation bancaire et financière ; François Kopf et Mathieu Della Vittoria en restructuring, Shirin Deyhim et Pierre-Arnoux Mayoly en droit bancaire. Dans le même temps, huit associés ont été promus en interne : Mehdi Boumedine en coporate private equity, Julien Bourmaud-Danto en corporate M&A, Rhéa Christophilopoulos en droit bancaire, Samuel Bordeleau et Aymeric Voisin en énergie et infrastructures, Éléonore Hannezo en contentieux, arbitrage et investigations, Jonathan Abensour en droit fiscal / structuration de fonds et Gaëlle Bourout en propriété intellectuelle.

Le Corporate M&A,
une équipe clé pour le cabinet

L’équipe corporate M&A a joué un rôle clé dans le redéploiement du bureau français de Linklaters. Il faut dire que certains départs d’associés avaient porté un coup de frein à la pratique.

Mais 2024 a été une grande année pour le bureau. Au printemps, Julien Bourmaud-Danto est promu au rang d’associé, intervenant sur des opérations de fusions-acquisitions, en droit des sociétés et en droit boursier. Puis, juste après l’été, Hubert Segain rejoint le cabinet comme associé. L’annonce de ce mouvement avait été largement remarquée par la place. L’associé avait en effet déjà son actif une belle carrière dans des firmes internationales et, surtout, une large base de clients, très attachés à lui. Présenté comme un avocat efficace et rassurant, il fait partie des rares avocats à avoir une place, chaque année depuis la création du classement, dans le Top 40 des avocats du CAC 40. « Il est concret, réaliste, factuel et très orienté résultats », a-t-il été indiqué aux enquêteurs par un directeur juridique d’un groupe de l’indice phare. « Il fait preuve d’une grande aisance dans le dialogue avec les dirigeants », a précisé un autre. Il intervient aussi bien sur les opérations de fusions-acquisitions stratégiques françaises et internationales, que sur des dossiers de gouvernance et d’assistance aux conseils d’administration.

 

Son expertise corporate vient compléter celle des associés historiques : Bruno Derieux, Pierre Thomet et Pierre Tourres. « J’ai découvert de grands professionnels et une ambiance de travail très agréable et motivante. L’ADN de la maison est incontestablement collaboratif », explique Hubert Segain. Les associés interviennent bien souvent en binôme sur les dossiers et travaillent en synergie avec les autres départements et bureaux de la firme sur les opérations internationales. Les arrivées, cet été, de François Kopf et Mathieu Della Vittoria en restructuring, puis de Pierre-Arnoux Mayoly et Shirin Deyhim en droit bancaire, sont un autre coup d’accélérateur à la pratique M&A, les praticiens ayant vocation à travailler main dans la main sur les dossiers. « Il n’y a aucune concurrence entre bureaux ou départements, témoigne Hubert Segain. Le modèle de Linklaters permet le partage ». Même les collaborateurs sont encouragés à exercer quelques mois dans d’autres implantations de la firme, et à Paris, il n’est pas rare qu’ils soient envoyés travailler dans d’autres départements pour mieux s’imprégner des spécialités adjacentes.

Forte de cette nouvelle dynamique et alors que le marché français est pour le moins ralenti depuis un an, l’équipe de Linklaters a réussi à se faire remarquer sur de beaux dossiers de fusions-acquisitions. Cet été, elle a accompagné Capgemini dans le cadre de la signature d’un accord en vue de l’acquisition de Cloud4C, leader des services de plateformes cloud hybrides et partenaire mondial premium de SAP. Elle a également accompagné Allianz Direct pour l’acquisition d’Eurofil,Brisa – Autoestradas de Portugal dans le cadre de son entrée en négociations exclusives avec Vinci Autoroutes, Eiffage, la SFTRF et l’ATMB en vue de la cession éventuelle d’Axxès, ou encore John Cockerill Hydrogen dans le cadre de la reprise McPhy Energy, spécialiste de la production d’hydrogène bas-carbone. On l’a par ailleurs repérée auprès de Bpifrance sur le lancement d’une coentreprise avec MGX, Mistral AI et NVIDIA pour construire le plus grand campus d’IA d’Europe en France. Elle est régulièrement conseil d’ Unibel et du Groupe Bel, et est notamment intervenue aux côtés d’Unibel et de Comptoir général des fromagers français (CGFF)sur l’offre publique d’achat simplifiée suivie d’un retrait obligatoire initiée par CGFF sur les titres Unibel.

Un positionnement équilibré
entre M&A et private equity

L’une des forces, historiques, de Linklaters est d’avoir toujours su concilier une pratique en private equity aussi solide que l’activité fusions-acquisitions. De nombreux cabinets d’affaires proposent également cette double expertise. Dans les faits, peu d’entre eux peuvent se vanter d’avoir des pratiques véritablement équilibrées.

 

Si le corporate M&A a connu un sérieux coup de boost au sein du bureau parisien de Linklaters, ce n’est pas sans avoir dynamisé, en parallèle, le pôle private equity. Dès 2021, Florent Mazeron avait rejoint le navire pour porter l’activité en France, en interaction avec les autres bureaux européens. Il faut dire que le Brexit venait tout juste d’avoir lieu. Mais là encore, les bureaux britanniques de la firme en sont persuadés : Paris doit constituer un hub pour le développement du private equity sur le continent européen. Le nouveau venu est jeune mais a déjà été repéré sur le marché comme l’un des futurs leaders du marché. Il a d’ailleurs une clientèle solide de fonds : Antin, Carlyle, La Caisse (CDPQ), Blackstone, …… Certains sont déjà des clients de Linklaters, d’autres ne tardent pas à le devenir comme EQT, InfraVia ou AIP. « J’ai été attiré par le positionnement historique de Linklaters au niveau mondial, son vaste réseau international, mais aussi par les objectifs de développement ambitieux du bureau parisien, explique Florent Mazeron. Le management prend le temps de constituer des équipes de très grande qualité pour pouvoir s’imposer sur le marché ».

Deux ans après son arrivée, le pôle private equity se voit renforcer par la cooptation de Mehdi Boumedine, lui aussi spécialisé en capital investissement, en particulier dans les secteurs réglementés (santé, énergie, finance, etc.). Positionnés sur des deals large et midcap, les associés conseillent des fonds de private equity, d’infrastructures et souverains sur l’ensemble de leurs opérations : investissements minoritaires, opérations hybrides et LBO. On les a notamment remarqués récemment auprès de La Caisse (CDPQ) dans le cadre de la cession de sa participation minoritaire dans QIMA à TA Associates. Mais aussi auprès de La Caisse (CDPQ), Ardian, et Sagard dans le cadre de leur entrée en négociations exclusives avec PAI Partners pour acquérir une participation majoritaire dans Alvest. Ils sont également intervenus auprès d’AXA IM Prime sur sa prise de participation minoritaire dans Hayfin, conjointement avec Mubadala Investment Company.

Le positionnement de Linklaters sur l’activité infra est particulièrement remarqué. Les expertises de Florent Mazeron et de Mehdi Boumedine s’adossent à celles de l’équipe corporate. Il faut dire que le bureau bénéficiait en la matière de l’expérience de Bruno Derieux, associé corporate historique de la maison. En 2022, Nicolas Le Guillou avait été coopté associé pour accompagner des fonds d’investissement, des compagnies d’assurance et des investisseurs institutionnels dans le cadre de leurs opérations en énergie et infrastructures. La matière permet de mêler intelligemment les savoir-faire des experts du capital investissement avec les spécialistes des fusions-acquisitions. Leur positionnement est également renforcé par la réputation de l’équipe de Bertrand Andriani et François April, associés spécialisés en financement de projet

« C’est l’une des grandes forces de Linklaters, témoigne Florent Mazeron. Ce type d’opération impose de mettre en place des schémas hybrides mêlant de l’equity et de la dette. Nos équipes de spécialistes interviennent de manière soudée sur les dossiers et les clients apprécient ». On aura ainsi remarqué l’équipe auprès d’InfraVia pour son entrée en négociations exclusives avec Iliad en vue de former un partenariat stratégique visant à développer une plateforme de data centers hyperscale de référence en Europe. Dans le cadre de cette opération, InfraVia a acquis, via ses fonds d’infrastructures, une participation de 50 % du capital d’OpCore.

L’expertise client au cœur

Fort de ces remaniements, l’équipe corporate M&A connaît un souffle nouveau. L’âge moyen des associés est de 46 ans. La relève est déjà assurée puisque le pipeline de counsels est prometteur, encouragés par une ambiance de travail stimulante. Le nombre de curriculum vitae de collaborateurs reçus a d’ailleurs été en augmentation de 40 % au premier semestre 2025, par rapport à la même époque l’année précédente. Et alors que l’activité des affaires s’est ralentie en France depuis la dissolution de 2024, le département fait preuve d’une activité soutenue en business development : + 40 % de pitchs au premier semestre 2025.

Il faut dire que l’expérience client est au centre de la nouvelle stratégie. « La firme Linklaters a mis en place une panoplie de produits à l’attention de nos clients : newsletter, formations et divers produits intégrant l’intelligence artificielle pour faciliter nos interactions et le travail de nos équipes », détaille Hubert Segain. SPA automatisée, rapport de due diligence intégrant l’IA, recours à Copilot… Autant d’outils qui permettent de faire baisser, à la fin, la facture des avocats. « On va plus vite, le client a un accès direct à notre travail, le partage de la collaboration est d’autant plus fructueux. De quoi satisfaire tout le monde ! », conclut l’associé responsable du département. T