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Du difficile rachat d’Areva NP par EDF

Par Chloe Enkaoua
Depuis février 2015, EDF négocie l’acquisition d’une participation majoritaire dans le capital de la société Areva NP, la filiale d’Areva spécialisée dans l’ingénierie des réacteurs des centrales nucléaires. Mais entre les nombreux obstacles liés à un contentieux en cours chez Areva et les anomalies de fabrication détectées dans l’usine du Creusot, le chemin est long et pour le moins périlleux. Trois questions à Hervé Pisani, associé de Freshfields Bruckhaus Deringer à Paris, conseil d’EDF.

Quelle est la genèse de cette opération et où en est-elle actuellement ?
Hervé Pisani : Nous conseillons EDF depuis février 2015 dans le cadre du projet de prise de contrôle des activités de conception et de construction de centrales nucléaires, exploitées par Areva NP, filiale d’Areva SA. La transaction est toujours en cours : Areva et EDF ont conclu le 28 juillet dernier un protocole d’accord non engageant. Nous finalisons en ce moment les discussions en vue d’une signature dans les prochaines semaines, sous réserve de l’achèvement des procédures de consultation des institutions représentatives du personnel.

Qu’est-ce qui a freiné à ce point l’aboutissement de cette opération ?
H.P. : Il s’agit d’une opération par nature complexe, dans un contexte de réorganisation de la filière nucléaire française. Certaines difficultés spécifiques ont notamment fait l’objet d’une attention particulière. La presse s’est largement fait l’écho des difficultés rencontrées par Areva dans le cadre du chantier OL3, actuellement en cours à Olkiluoto, en Finlande. Areva y avait lancé le chantier de son premier réacteur EPR et avait conclu avec son client finlandais TVO un contrat clé en main. Ce projet a pris beaucoup de retard et donné lieu à un contentieux entre Areva et son client finlandais, avec de forts enjeux financiers, actuellement soumis à arbitrage. Après avoir analysé les implications de ce projet, EDF a toujours dit très clairement que, d’une manière ou d’une autre, l’entité dont elle prendrait le contrôle, regroupant les activités comprises dans le périmètre de l’opération ainsi que ses actionnaires autres qu’Areva, devraient être “immunisés” contre les risques et les coûts du chantier OL3. Areva et EDF ont d’abord privilégié une approche collaborative avec TVO. Cette approche n’ayant pas prospéré, il a fallu revenir à un schéma aux termes duquel les contrats OL3 et les moyens nécessaires à l’achèvement de ce chantier seraient conservés par Areva, dans le respect des accords conclus avec TVO, EDF acquérant le contrôle d’une entité au sein de laquelle seraient regroupées les seules activités relevant du périmètre de l’opération. Il a également fallu traiter les conséquences attachées à la découverte par Areva d’anomalies dans le contrôle qualité aux forges du Creusot.

Cette reprise est-elle synonyme d’une réorganisation de l’industrie nucléaire française ?
H.P. : Oui. Cette opération est une étape importante pour la filière nucléaire française. À l’issue de cette opération, EDF deviendrait non seulement un exploitant mais également un concepteur et un constructeur de centrales, Areva conservant pour sa part les activités amont (traitement de l’uranium) et aval (traitement des déchets nucléaires).