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Derains & Gharavi : tradition et diversité

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°62 - septembre / octobre 2019

Le cabinet parisien d’arbitrage international aborde sa seconde décennie d’existence avec enthousiasme et entend encore consolider sa position de place. Il tire sa force et son agilité de son esprit d’équipe qui cimente la diversité de ce cabinet où plusieurs nationalités, langues et cultures se côtoient.

Derains & Gharavi est à la croisée du droit continental et du droit anglo-saxon. Le rapprochement des deux fondateurs n’avait, a priori, rien d’évident. Mais le cocktail a pris dès le début et les différents éléments ont réussi à s’assembler en un ensemble homogène. Yves Derains, qui a fondé son cabinet au début des années 1980, y exerçait avec son fils Bertrand. Il a rencontré Hamid Gharavi par l’entremise de Serge Lazareff. « C’était le premier cabinet de niche de Paris et j’avais besoin de lui donner une base plus solide. Je voulais qu’il puisse rivaliser avec des cabinets plus importants. » Hamid Gharavi avait, lui fait ses armes dans de gros cabinets anglo-saxons, au sein desquels il s’était forgé une belle notoriété. Il souhaitait se libérer des contraintes administratives imposées par les grandes structures et avait soif de souplesse et d’adaptabilité. « Nous avions la même approche des dossiers et la volonté de privilégier la qualité et le sur-mesure. » Les deux avocats, tous deux arbitres, ont déjà à l’époque une forte renommée et leurs clients les suivent naturellement.

Souplesse, adaptabilité, réactivité

Seulement l’arbitrage et tout l’arbitrage. Telle pourrait être la devise du cabinet Derains & Gharavi, au sein duquel les dossiers sont équitablement partagés entre arbitrage commercial et arbitrage d’investissement, activité d’arbitre et activité de conseil. Cet équilibre, les associés y tiennent. « Alterner les fonctions d’arbitre et de conseils nous enrichit », lance Hamid Gharavi. Cette double casquette leur permet également d’attirer les beaux profils. C’est d’ailleurs pourquoi Mélanie Van Leewen a décidé de rejoindre le cabinet en 2011. Au sein de la grande structure à laquelle elle appartenait naguère, elle ne pouvait plus développer son activité d’arbitre qui était, par principe, moins rémunératrice que celle de conseil. « Rejoindre le cabinet Derains & Gharavi m’a offert la liberté nécessaire au développement d’une pratique d’arbitrage réussie, aussi bien comme arbitre que comme conseil », se réjouit-elle.

Dans le monde feutré de l’arbitrage, le cabinet jouit d’une belle notoriété et se positionne comme une alternative performante. L’un de ses clients fidèles, Karl Hennessee, senior vice-président chargé du règlement des litiges chez Airbus, loue le raffinement de l’équipe. « C’est un cabinet très spécial, leur finesse et leur sens stratégique me conduisent à faire appel à eux pour les dossiers qui comptent. » Les associés savent notamment gérer les multiples facettes d’un dossier international, comprenant par exemple un volet pénal.

« En tant que conseils, nous agissons comme une structure commando, en constituant à chaque fois de petites équipes sur mesure, adaptables et agiles », explique Hamid Gharavi. Cette souplesse permet aussi au cabinet d’adapter les règles de facturation. « Dans une grande structure, lorsque nous voulions faire accepter une convention d’honoraires qui sortait de l’ordinaire, il fallait demander une série d’autorisations », se souvient Hamid Gharavi.

La maison se donne, elle, les moyens de donner une réponse au client dans la journée, que ce soit pour une convention d’honoraires ou l’existence d’un conflit d’intérêts. Car du fait de sa taille, le cabinet a une visibilité rapide sur les potentiels conflits d’intérêts qui pourraient se poser. Les six associés, trois hommes et trois femmes, à parité parfaite et rare dans ce secteur où les hommes dominent, discutent entre eux en permanence. Leur système de rémunération mis en place encourage d’ailleurs à la coopération et à la bonne entente. Yves Derains estime que l’absence de conflit commercial entre différents bureaux présente aussi un avantage. « Dans les grandes structures, il arrive souvent que le bureau de Hong Kong déploie des efforts sur une durée importante pour séduire un client important et au moment où il rentre le dossier, le bureau parisien lui dira qu’il y a un conflit d’intérêts… Pas question de cela chez nous. »

Une équipe soudée

Ici, l’entraide est de mise en cas de crise. « Nous sommes adaptables et très attentifs les uns aux autres », reconnaît Bertrand Derains. Chaque associé sait quel dossier est la préoccupation du moment chez l’autre. « Lors d’une situation de crise dans un dossier contre la Libye sur lequel je travaillais avec Nada Sader et deux collaborateurs, l’État libyen aggravait le différend et refusait de nommer un arbitre. L’enjeu était de plus d’un million de dollars. Marie-Laure Bizeau et Bertrand Derains ont aussitôt été appelés à la rescousse pour saisir la cour d’appel pour des mesures conservatoires et la nomination d’un arbitre. » Yves Derains se souvient, lui aussi, d’un dossier délicat impliquant le Kazakhstan. « Dans cette affaire, des témoins ont fait l’objet d’intimidations. Nous avons mobilisé les ressources nécessaires pour rassembler les preuves et prendre les conclusions requises pour demander des mesures d’urgence dans les 24 heures » Isabelle Stefani, office manager, le constate d’ailleurs régulièrement : « En cas d’urgence, associés et collaborateurs s’impliquent tous pour mener à bien la mission qui a été confiée à l’un d’eux, même si ce n’est pas leur dossier. » Et en pareil cas, il n’est pas rare de voir des associés faire des photocopies, l’entraide étant de mise et naturelle, ajoute Marie-Laure Bizeau. La jeune associée, qui représente la nouvelle garde aux côtés de Nada Sader, se sent parfaitement à sa place dans cet univers multiculturel où tout le monde parle plusieurs langues. « La parité n’est pas un sujet au sein du cabinet. Il m’arrive parfois d’oublier combien c’est une préoccupation importante dans d’autres cabinets », confie l’avocate. Mère de deux enfants, elle indique que tous les associés comprennent les impératifs parentaux et qu’au cabinet, l’ambiance est presque familiale. « C’est l’esprit d’équipe qui règne au sein du cabinet qui nous permet de faire face à la quantité de travail. Il est certain que pour entrer chez Derains & Gharavi, il ne faut pas être individualiste ! » Et même si le cabinet se développe, cet état d’esprit quasi familial persiste.

Se développer en conservant l’excellence

Les associés veillent également aux promotions internes. Marie-Laure Bizeau a rejoint le cabinet comme collaboratrice lorsque Serge Lazareff est parti vers d’autres horizons. Puis en a naturellement été promue associée. C’est ce cocktail singulier des personnalités du cabinet qui l’a séduite. « Le profil d’arbitre d’Yves Derains et son incroyable connaissance de la matière et le dynamisme de Hamid Gharavi, litigator dans l’âme, auprès de qui j’ai appris la pratique contentieuse », dit-elle. Nada Sader, qui a fait toute sa carrière au sein du cabinet, le confirme : « Avoir pu apprendre le métier auprès d’eux est une chance. » Yves Derains incarne la force tranquille, aux côtés de l’énergie communicative de Hamid Gharavi. Stagiaire de ce dernier, elle a vécu le rapprochement des deux équipes et a gravi les échelons jusqu’à devenir associée, il y a cinq ans, portée par la confiance que lui faisaient les autres associés. « Elle faisait des remarques tellement pertinentes lors d’une réunion, qu’un jour, je l’ai poussée à plaider une partie d’un dossier important, alors qu’elle n’avait que deux ans d’expérience », dit son mentor. D’origine libanaise, la jeune femme est passionnée par l’arbitrage. « Il n’y a pas une affaire qui soit identique. On découvre à chaque fois une industrie, une culture, ou encore un pays », s’exclame-t-elle. Elle a ouvert, il y a quelques années, une antenne du cabinet à Beyrouth. Un avantage certain dans la région où les cabinets étrangers ne peuvent pas s’installer. Géographiquement, le cabinet, bien implanté en Amérique du Sud du fait de la pratique d’Yves Derains, s’est ouvert avec Hamid Gharavi vers les pays de droit anglo-saxon et le Moyen-Orient. Mélanie Van Leewen exerce, elle, devant les tribunaux et les instances arbitrales aux Pays-Bas. Le cabinet est également très présent en Europe de l’Est, dans les anciennes républiques soviétiques. L’une des pistes de développement est aujourd’hui le continent asiatique.

Sur fond de mondialisation grandissante du commerce, force est de constater que l’arbitrage est de plus en plus à la mode. Ce qui exige, selon eux, de plus en plus de professionnalisme. « Faire de l’arbitrage en amateur crée beaucoup de difficultés », relève Yves Derains. Le premier danger est celui de la lenteur, reproche récurrent qui est fait à la matière. La question de l’indépendance est un autre sujet régulièrement rappelé dans la presse. Pour les associés, il est aujourd’hui demandé aux arbitres et aux conseils une transparence et une exemplarité qui n’existait pas il y a 20 ans. Et le fleurissement de nouvelles institutions arbitrales, qui proposent parfois de faire résoudre des litiges par des arbitres sans expérience, peut nuire à l’image de l’institution tout entière. « C’est la maladie d’un domaine en développement. Il nous appartient d’avertir nos clients sur le choix des institutions et le choix des arbitres pour assurer le développement sain de l’arbitrage », prévient Hamid Gharavi.

L’équipe se méfie d’ailleurs du recours aux outils technologiques aux promesses un peu trop belles. « Une intelligence artificielle ne remplacera jamais l’expérience et la curiosité humaine », avertissent les avocats. Ils se remémorent ainsi un dossier dans lequel toutes les données concordaient pour conclure qu’aucun traité bilatéral n’existait entre le Yémen et l’État d’Oman, faute de ratification. « Une collaboratrice a passé trois semaines à chercher, à questionner, à investiguer. À force de persévérance, elle a découvert que le fameux traité avait été ratifié alors que les sites accessibles en ligne indiquaient tous le contraire », se souvient Hamid Gharavi, qui n’a qu’une confiance toute relative dans les outils de justice prédictive. « Ces outils fonctionnent uniquement pour des dossiers comparables. Or, en arbitrage, ce n’est jamais similaire. » Il ne faut, selon eux, pas négliger l’importance cruciale de l’audience et des plaidoiries. « Un témoignage peut faire basculer un dossier », rappelle Yves Derains. « Lorsqu’un arbitre pose une question en pleine audience, il faut répondre tout de suite. Nous connaissons tous nos dossiers sur le bout des doigts, pour les avoir lus et relus, tout en anticipant les questions », dit Hamid Gharavi. Guy Lepage, directeur général du fonds d’investissement La Française, qui travaille avec le cabinet depuis ses débuts, relève d’ailleurs que l’investissement des associés dans leurs dossiers, tout le long de la procédure, est remarquable.  Tous les associés, qui enseignent, exhortent d’ailleurs leurs étudiants et leurs collaborateurs : « Lisez toutes vos pièces sur papier, car la lecture sur écran ne développe pas la mémoire visuelle. ».

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