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Benoit Marpeau, la promesse

Par Ondine Delaunay |  | Photos : Mark Davies

Associé M&A du cabinet Peltier Juvigny Marpeau & Associés, Benoit Marpeau a tout juste 40 ans et a grimpé les marches de sa carrière quatre à quatre. Toujours avec le sourire et une apparente facilité. Rencontre.

Étonnante. C’est l’impression que laisse Benoit Marpeau après une première rencontre. D’abord parce qu’à tout juste 40 ans, il est déjà associé de l’une des boutiques les plus en vue de la capitale, à laquelle il a d’ailleurs adjoint son nom et dont il a été nommé président. Étonnante également parce que ce spécialiste du corporate est loin d’être l’archétype du jeune premier, imbu de sa personne et suffisant. Son sourire est large, son regard est droit, franc, sans faux-semblant. Son discours est posé, clair et l’humour n’est jamais loin. Une chose est sûre : Benoit Marpeau est très à l’aise en société. Il a un contact facile et authentique. «Il a une énergie solaire, témoigne son associé Olivier de Juvigny. Il pousse tout le monde vers le haut. » Une qualité essentielle pour un avocat qui a toujours préféré la voie entrepreneuriale française au confort et à la sécurité d’une firme internationale.

Une trajectoire ascendante

Benoit Marpeau est un homme ambitieux. Il ne s’en cache pas et, d’ailleurs, pourquoi le ferait-il puisqu’il s’est toujours donné les moyens de sa réussite ? Rien ne lui a été servi sur un plateau, aucun membre de sa famille n’ayant jamais travaillé dans l’univers juridique. Il n’a fait que suivre les conseils d’autres professionnels et a su saisir les opportunités lorsqu’elles se présentaient. Tout est parti d’un stage au sein du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, à la fin de son DESS de droit des affaires et fiscalité à l’université Paris II au sein duquel il avait été remarqué. De ces quelques mois passés avenue Victor Hugo, il se souvient de son entretien avec Marie-Noëlle Dompé, de ses premiers écrits pour Philippe Villey, de ses échanges avec David Scemla et, bien sûr, de François Sureau fumant sa pipe dans les couloirs en récitant des poèmes. «C’était un autre monde, sourit-il, avec des personnalités incroyables, totalement fascinantes. Elles m’ont donné envie d’y croire. » Ayant prêté serment en 2006, sur recommandation de David Scemla, il débute chez Cotty Vivant Marchisio Lauzeral. À cette époque, le cabinet français est en pleine ascension. Présentée comme une alternative sérieuse aux Bredin et Darrois, l’équipe a le vent en poupe. Les dossiers sont nombreux, stratégiques. Mais surtout, l’ambiance est amicale et dynamique. « CVML était un cabinet d’entrepreneurs qui ne s’interdisaient rien. Fabrice Marchisio, l’un des fondateurs, avait une formidable énergie qui nous portait tous. Tout nous semblait possible », raconte-t-il. Il intervient alors aussi bien en corporate qu’en contentieux et exerce souvent aux côtés d’Arthur Dethomas, qui vient d’être coopté au rang d’associé. Les dossiers s’accumulent, les soirées sont longues, mais Benoit Marpeau est un marathonien, comme le dit aujourd’hui son associé Olivier de Juvigny. « Il a une force de travail inouïe. Il donne toujours l’impression que c’est facile, mais il produit un travail immense derrière. »

Après deux ans, l’avocat commence néanmoins à se poser quelques questions. « Au début de ma vie professionnelle, j’ai fonctionné par cycle de six mois. Deux fois par an, je m’interrogeais sur ma situation et sur mon package. Si je n’étais pas satisfait, j’en parlais très ouvertement aux associés », raconte-t-il. Et alors qu’il est déjà marié et père de famille, l’avocat âgé de 27 ans s’interroge sur ses perspectives. « Je voulais aller vite, indique-t-il. Je ne suis pas d’un naturel très patient. » Or, c’est à cette époque que le cabinet CVML débute son expansion à l’international. L’associé Laurent Dubois vient tout juste d’ouvrir un bureau au Japon et Benoit Marpeau saisit l’opportunité. Il y est envoyé pour deux ans avec sa famille.

L’autonomie rapidement acquise

2008 est sans aucun doute une année charnière dans la carrière de l’avocat. Benoit Marpeau découvre Tokyo, une ville qu’il qualifie de « fascinante », tout comme la population japonaise au sein de laquelle « tu ne t’intègres vraiment jamais mais qui fait toujours attention à ce que tout aille bien pour toi ». Au sein du cabinet, il est entouré d’une équipe composée d’un associé et de deux avocats japonais. « Laurent Dubois m’a laissé une grande autonomie. Je faisais le lien avec les groupes français qui réalisaient des opérations sur le sol japonais. J’ai été immédiatement placé au contact direct des clients. Au regard de ma séniorité, c’était une chance inespérée. J’ai beaucoup appris. »

C’est à ce moment-là qu’il découvre sa capacité à créer rapidement des liens de confiance avec les clients, quel que soit le type de profil qu’il rencontre. Force est en effet de reconnaître qu’il a le don d’instaurer un climat propice à la discussion et à l’échange. Il convient de cette capacité de séduction qu’il explique d’abord par son sens de l’humour. « Puis les gens comprennent que j’ai certaines capacités techniques, ce qui les rassure », ajoute-t-il. Olivier de Juvigny ajoute : « Benoit est à l’aise avec toutes les personnalités, quel que soit leur caractère. Sa joie de vivre est communicative. Dans les négociations, il fait preuve de sang-froid, de sérieux et dédramatise les situations bloquées par des astuces juridiques. » Cette capacité de travail alliée à ce caractère heureux et sympathique permettent à l’avocat de se faire remarquer par plusieurs grands comptes alors même qu’il n’a pas encore trente ans. Parmi eux, Sofiprotéol, Agrial ou encore Jacques Veyrat qu’il conseille toujours depuis.

À la fin de l’année 2009, la famille Marpeau rentre à Paris. « Le retour a été un peu dur, reconnaît-il. J’ai longtemps été nostalgique de cette expérience au bout du monde dans laquelle la nouveauté était quotidienne et donnait l’impression d’avoir une vie professionnelle et personnelle très riche. » La réinstallation dans les bureaux de la rue du Faubourg Saint-Honoré lui laisse un goût amer, comme une sorte de retour en arrière. Et l’avocat n’aime pas ça. Comme à son habitude, il s’en ouvre à ses associés qui le rassurent en lui promettant la cooptation. Il y parviendra au bout de trois ans.

L’association chez CVML à 32 ans

« L’autonomie que j’avais acquise au Japon m’a permis de monter en gamme sur les dossiers parisiens. Je travaillais souvent aux côtés de Thierry Cotty qui m’a rapidement fait confiance pour traiter les deals corporate en première ligne, indique-t-il. C’était la culture CVML : quel que soit ton âge, tu dois sortir de ton bureau, ramener des dossiers et les traiter efficacement. » Au sein du cabinet, toute une génération d’avocats suit ce chemin et développe plusieurs expertises parallèlement : le social avec Romain Chiss, le fiscal avec Franck Le Mentec, l’IT avec Guillaume Seligmann… L’ambiance est alors dynamique et motivante.

Benoit Marpeau raconte : « Fabrice Marchisio m’a donné plusieurs conseils dont je me souviens encore aujourd’hui. D’abord de ne pas perdre de temps à développer des petits clients perso, car rédiger des statuts de société a rarement pour conséquence de se voir confier la belle opération de M&A quinze ans plus tard. Il m’a plutôt encouragé à me construire une image, en multipliant les occasions de rencontrer des gens, en rédigeant des articles et en donnant des cours à l’université. Il m’a également dit qu’on ne sait jamais pourquoi un client nous choisit et qu’il faut donc tout faire pour qu’il pense à nous quand il a un dossier à confier. Alors je me suis dit que j’allais m’acharner à tout faire. » Et il est nommé associé, comme prévu, en janvier 2013 à 32 ans.

Alors que ses jumeaux viennent de naître, complétant ainsi sa famille de quatre enfants, Benoit Marpeau s’épanouit dans ses nouvelles fonctions. Son chiffre d’affaires se développe et ses relations avec tous les fondateurs sont excellentes. Mais c’est entre ces derniers que les choses commencent à se corser et l’ambiance devient pesante. « Je me suis retrouvé au milieu de la bataille sans doute parce que j’étais un facteur commun entre tous, se souvient-il. Mais à 35 ans, je voulais connaître autre chose que des seniors partners qui s’affrontent ». Tout en reconnaissant qu’il a eu du mal à sauter le pas — « j’étais un bébé CVML », rappelle-t-il – il débute les démarches pour changer de cabinet.

Le goût pour les challenges

Arthur Dethomas avait quitté CVML à la fin de l’année 2012 puis avait monté, aux côtés de Frédéric Peltier, d’Olivier de Juvigny et de François Kopf, le cabinet Dethomas Peltier Kopf & Juvigny. « J’avais croisé François sur un dossier à Strasbourg et c’est lui qui m’a contacté car ils étaient en recherche d’un associé spécialisé en M&A », raconte-t-il. Le cabinet avait déjà prospecté le marché en cherchant d’abord des associés à la pratique très établie. Et Benoit Marpeau n’était alors même pas encore reconnu comme une étoile montante du marché. « Peu de personnes me connaissaient en M&A, reconnaît-il. Frédéric et Olivier ont sans doute été un peu sceptiques lors de notre première rencontre. Ils ont d’ailleurs été très clairs : "ne viens pas chez nous pour chercher des clients, tu dois les développer toi-même". » Olivier de Juvigny se souvient de ce déjeuner : « Nous étions d’accord pour nous associer avec des poulains, mais pas avec des poneys. Nous cherchions des jeunes à l’esprit compétitif, qui voulaient grandir et s’épanouir dans l’équipe, sans se satisfaire de la clientèle des autres. » Le ton est clairement donné.

Une équipe avec des personnalités fortes et reconnues. Une structure bien tenue et très rentable. Le challenge est alléchant et il n’en fallait pas plus pour décider Benoit Marpeau qui rejoint l’équipe en juillet 2015. Il se souvient des premiers appels de client au sein de sa nouvelle maison. « Je savais que mes nouveaux associés m’écoutaient car tout le monde garde la porte de son bureau ouverte. Je me suis senti jugé, je devais faire mes preuves. C’était très bénéfique pour moi car ils m’ont permis de me tester et de renforcer mon niveau de confiance en moi. » Rapidement, il apporte plusieurs dossiers au cabinet.

Mais le véritable test, c’est Casino. Le groupe est en effet l’un des plus fidèles clients d’Olivier de Juvigny, spécialiste du droit de la concurrence, et a déjà une flopée d’avocats en M&A, sans compter une équipe juridique interne étoffée et extrêmement compétente. Pourtant, sur le dossier de l’alliance conclue avec DIA sur les achats, Olivier de Juvigny propose à Jean-Yves Haagen, le directeur juridique du groupe, de venir accompagné de son jeune associé M&A. Et la magie se crée. Le dossier permet à Benoit Marpeau de rencontrer une partie des équipes internes, avec qui -sans surprise- l’entente est immédiate. Puis d’autres dossiers corporate sont par la suite envoyés, surtout de small cap. « Il ne faut pas me donner un fil sinon je tire dessus » plaisante le jeune premier. Et en début d’année, c’est Benoit Marpeau qui prend en charge la vente à Aldi de 567 magasins Leader Price et de trois entrepôts. Montant de l’opération : 735 millions d’euros. « Il est rare qu’un spécialiste de la concurrence puisse apporter un client à un associé en M&A, note Olivier de Juvigny. Nous y sommes parvenus avec Benoit. L’étincelle est venue de moi, mais le feu a pris grâce à lui. » Il ajoute : « Benoit est vraiment quelqu’un de bien. »

Bientôt cinq ans après son arrivée, Benoit Marpeau a remporté son pari. On lui avait fait confiance pour déployer son business et pour développer son équipe librement. Il a aujourd’hui gagné son titre de Rising Star en M&A. Il a réussi à coopter récemment son collaborateur historique François Dietrich. À la suite du départ d’Arthur Dethomas à la fin de l’année dernière, il a pu accoler son nom à la structure devenue Peltier Juvigny Marpeau & Associés. Quoi de plus ? « Mon expérience chez CVML m’a convaincu qu’il fallait oser. Je ne m’impose désormais aucune limite. Si la réalité m’en fixe j’essaierais de m’adapter. Mais pour l’instant, chaque fois que je parviens à un objectif que je m’étais fixé, je ne m’en contente pas. » C’est dit. 

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