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L'arbitrage international à l'épreuve de la transparence

Par Miren Lartigue
Cet article a été publié dans LJA Le Magazine n°42 (mai-juin 2016)
Le formidable essor de ce mode de résolution des litiges internationaux a fait de l’arbitrage international une discipline juridique à part entière et un secteur d’activité aux enjeux considérables. Mais si son succès ne se dément pas, ce marché aujourd’hui arrivé à maturité est confronté à un nouveau défi.

L’arbitrage international connaît un essor continu et soutenu depuis trente ans un peu partout dans le monde et les acteurs économiques – entreprises privées, États et entités publiques – y ont aujourd’hui largement recours pour résoudre leurs litiges transnationaux. Lié à la globalisation et l’accroissement des échanges depuis les années 1980, le développement de la pratique répond à la volonté des entreprises de résoudre les conflits internationaux en dehors des juridictions étatiques pour éviter un procès en terre inconnue et se placer sur un terrain neutre, dépassant ainsi les particularismes nationaux, les risques de parti pris des juges, voire de corruption. Pour les entités étatiques ou quasi étatiques, il s’agit avant tout de ne pas avoir à se soumettre à l’autorité judiciaire d’un autre État.

Un mode normal de règlement des litiges

Plusieurs évolutions ont accompagné le développement de l’arbitrage commercial et d’investissement, institutionnel et ad hoc. Un phénomène de normalisation, tout d’abord : la pratique est devenue pour les entreprises et leurs juristes internes un mode “normal” de règlement des litiges internationaux. La plupart des contrats internationaux contiennent désormais une clause compromissoire et tous les traités d’investissement prévoient le recours à ce système de règlement des différends. En l’absence de telles dispositions, les parties peuvent aussi signer un compromis d’arbitrage lors de la survenance d’un litige. « Il est rare que nous signions un contrat important sans clause compromissoire, affirme Patrick Baeten, directeur juridique adjoint en charge du contentieux au sein du groupe Engie. De manière générale, pour les acteurs des marchés gazier et pétrolier – sur lesquels les prix sont très fluctuants –, le recours à l’arbitrage est un processus très classique notamment pour revoir les conditions du contrat, telles que le prix ou les quantités. » Seuls les établissements bancaires et financiers y sont assez réticents et y recourent peu. « Même si l’insertion d’une clause compromissoire est pour nous une pratique habituelle, la question se pose malgré tout pour chaque contrat en fonction de l’endroit où les activités sont développées et selon que ces dernières requièrent ou non une expertise particulière : c’est une “pesée”, témoigne Alexandre Job, juriste au sein de la direction grands contentieux de Total. Les clauses prévoient de plus en plus souvent le recours à la médiation en préalable à l’arbitrage car c’est une pratique que nous privilégions avec nos partenaires commerciaux, notamment. » L’arbitrage international fait donc désormais partie de l’arsenal des modes alternatifs de règlement des litiges à disposition des entreprises, avec la négociation, la médiation et l’adjudication, ou encore les dispute boards (mécanismes de prévention des litiges très utilisés pour les grands projets de construction). Il n’intervient généralement qu’en dernier recours, après l’échec des phases amiables. Et demeure du début à la fin entre les mains des juristes : « L’expérience et l’expertise des juristes jouent un rôle important dans la rédaction des clauses compromissoires car ils savent, en fonction du type de contrat, du secteur et du contexte, quelles problématiques sont susceptibles de surgir, souligne Carol Xueref, secrétaire générale d’Essilor International jusqu’à fin juin, date à laquelle elle partira en retraite. Ce qui peut être une source de risques dans les entreprises qui ne leur accordent pas suffisamment de place ou qui laissent les non-juristes négocier les contrats. »
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