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L’avocat enquêteur interne, quel secret ?

Par Anne Portmann

Pour Vincent Nioré, il faudrait réfléchir à délivrer l’avocat enquêteur du secret professionnel lorsqu’il endosse le rôle d’enquêteur interne.

« Il est dans une situation intenable, car il oscille entre l’obligation de respecter le secret professionnel vis-à-vis du client et le risque d’être convoqué en qualité de témoin par les enquêteurs sur ses diligences qui tôt ou tard seront révélées aux autorités. En effet, que se passe-t-il si le client congédie l’avocat enquêteur interne avant la remise de son rapport ? ».

Stéphane de Navacelle ajoute : « C’est faire fausse route que de penser qu’une enquête interne sert à trouver des preuves pour les détruire avant une perquisition, comme cela a pu m’être expliqué par des enquêteurs ou suggéré par des procureurs. Il y a – il est vrai – un effort de pédagogie nécessaire à l’égard des confrères sur les fonctions de l’enquête interne ».

Il estime à cet égard, que la vertu cardinale de l’avocat est aussi son indépendance, qui doit lui permettre de s’affranchir, non pas du secret professionnel, mais de ce qui lui est dicté par le client. Si l’avocat enquêteur peut être en désaccord avec son client, il doit s’abstenir de produire un rapport qui induirait en erreur. Selon lui, l’avocat enquêteur qui décèle un problème grave chez un client, doit pouvoir être suffisamment indépendant pour inclure ces éléments ou des correctifs dans le rapport. « D’une manière générale, le secret ne doit pas être un pavillon de complaisance pour couvrir des agissements délictueux, il sert seulement à protéger la confidence reçue du justiciable en matière de conseil et de défense. Cela dit, en fait, le secret protège tant le client que l’avocat lui-même », renchérit Vincent Nioré.

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« En France, lors des perquisitions, les magistrats décident souvent que les documents relatifs à une enquête interne ne sont pas couverts par le secret car celle-ci peut être conduite par une autre personne que par un avocat », observe Stéphane de Navacelle.

Nicolas Tollet avertit que lorsqu’un avocat français est appelé à mener une enquête interne à l’étranger il doit faire attention à ce qui est couvert par le secret professionnel, rappelant que dans certains pays, comme le Royaume-Uni, les activités de conseil ne bénéficient pas d’une application aussi étendue du secret.

Vincent Nioré Stéphane de Navacelle