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Des avocats d’affaires passionnés

Par Aurélia Granel

Même si l’avocat d’affaires est dédié à son métier et à ses clients, avec peu de temps libre, certains ont tout de même développé des passions qui les portent quasiment au quotidien. Ils ont accepté de les dévoiler pour raconter l’enrichissement qu’ils en retirent dans le cadre de leur exercice professionnel.

LEA FAULCON

Secouriste

Léa Faulcon est secouriste à la Protection Civile Paris Seine depuis 2019. Une activité bénévole à laquelle l’associée du cabinet Blackbird, qui a hésité à suivre des études de médecine après l’obtention de son baccalauréat, consacre au moins deux soirées par semaine et le week-end. C’est en accompagnant sa fille à une formation sur les gestes de premiers secours qu’elle a découvert cet univers. Léa Faulcon, qui a la même formation que les sapeurs-pompiers de Paris en matière de secours à la personne, intervient lors de différents évènements (concerts, sportifs, salons, meetings politiques, etc.), ou de gardes réalisées pour le Samu et la BSPP. Elle effectue les premiers soins, puis des examens complémentaires, type ECG, et transporte les patients à l’hôpital lorsque leur état demande un moyen médicalisé. Organisant régulièrement des formations, notamment au sein des cabinets d’avocats, Léa Faulcon est aussi formatrice des gestes de premiers secours. « Cette activité bénévole de secouriste à la protection civile de Paris, qui permet de sauver des vies, est complémentaire à mon activité de fiscaliste, où je préserve des intérêts financiers, explique Léa Faulcon. Elle m’apporte un côté «humain» qui peut parfois cruellement manquer dans la profession ».

NINA MONEMPOUR

Cofondatrice d’une marque de prêt-à-porter

Jeune maman, associée du cabinet Squair à seulement 30 ans, Nina Monempour a cofondé, en 2019, avec l’une de ses amies, Endless Roots, une marque de prêt-à-porter féminin made in France. Elle y dédie environ 30 % de sa semaine. Si les deux associées, qui ont chacune une activité professionnelle différente en parallèle de leur projet entrepreneurial, s’appuient sur une agence de communication, des photographes ou encore une modéliste freelance, elles dessinent elles-mêmes tous les modèles. Des profils complémentaires, tant dans la création que dans la gestion quotidienne de la société, chacune prenant le relai en cas d’urgence sur un dossier. « Si on m’avait demandé, il y a environ quatre ans, lorsque je commençais à réfléchir au projet, si j’allais en faire mon activité principale, j’y aurais certainement songé, confie Nina Monempour. Aujourd’hui, ce n’est vraiment plus à l’ordre du jour, car j’exerce dans un cabinet dont l’agilité du modèle me permet de concilier l’exercice de la profession et ma passion, qui sont finalement similaires sur bien des points ».

SERGE-ANTOINE TCHEKHOFF

L’art

Serge-Antoine Tchekhoff, cofondateur du cabinet FTPA, est un féru d’art. Administrateur du musée du Louvre et du musée Guimet, secrétaire général des amis du Louvre, il est également collectionneur à ses heures, notamment de peintures nabis. Il apprécie également l’art précolombien et l’art nouveau. Aviateur - pilote d’avions et d’hélicoptères -, il est également colonel de réserve opérationnelle de l’armée de l’air. « Un bon avocat est une personne ayant nécessairement d’autres centres d’intérêt que ceux en lien avec sa profession, car cette ouverture d’esprit est un atout et une aide incontestable dans son exercice professionnel, souligne Serge- Antoine Tchekhoff . J’essaie d’éviter autant que possible les synergies entre mon métier et ma passion, même si j’ai déjà conseillé des musées et des organismes culturels dans ma carrière. Mais mes activités non professionnelles, n’ont pas pour but d’accroître ma clientèle et mes affaires. Cette mise à l’écart de toute tentative de démarchage professionnel me permet de conserver des relations très fluides avec le milieu culturel ». FABRICE EPSTEIN

FABRICE EPSTEIN

Le rock’n’roll dans la peau

La passion pour le rock’n’roll de Fabrice Epstein, cofondateur du cabinet Saul, a débuté vers ses 10 ans. Ce grand fan des Beatles, des Stones ou encore de Pink Floyd est chroniqueur musical pour le magazine mensuel Rock & Folk, où il a déjà commenté près d’une trentaine de grands procès en lien avec des artistes rock. Fin 2021, il a publié à la Manufacture de Livres un ouvrage intitulé « Rock’n’roll justice », une histoire judiciaire du rock, qui revient sur les nombreuses affaires judiciaires qui ont marqué l’histoire du rock depuis les années 1950, des plagiats aux affaires de moeurs, en passant par les procès imaginaires. Depuis peu, il intervient régulièrement dans l’émission musicale Bonus Track diffusée sur RTL. « Les clients ne sont pas insensibles au lien que j’ai développé depuis presque trois ans entre justice et rock. Est-ce un argument marketing pour attirer une clientèle plus rock’n’roll ? Je n’en sais rien, reconnaît l’avocat. Ce qui est certain c’est que cette passion m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes, issues de milieux différents, également des confrères qui très gentiment n’ont pas hésité à me transmettre des jugements pour illustrer certaines affaires musicales qui m’intéressaient. Il est vrai qu’à terme, j’espère élargir la clientèle du cabinet aux artistes et maisons de production ».

FRÉDÉRIC PUEL

Cofondateur du premier Café Joyeux de Belgique

Dans les prochaines semaines, le premier restaurant Café Joyeux belge ouvrira ses portes à Bruxelles, au 32 de la Rue Voot. Cette chaîne de cafés-restaurants française, fondée à Rennes en 2017, offre un emploi stable dans des conditions normales de marché à des serveurs et cuisiniers porteurs d’un handicap mental ou cognitif. Frédéric Puel, associé du cabinet Fidal (Paris/Bruxelles), travaille depuis 2 ans sur ce projet, soirs et week-end, en binôme d’abord, puis avec une équipe de plusieurs bénévoles. À terme, l’objectif est d’ouvrir en Belgique d’autres restaurants de cette même famille. « Mon activité professionnelle m’a aidé à structurer notre démarche et à identifier les besoins existants : droit belge de la franchise, sollicitation de mécènes, choix du local, suivi des travaux ou encore sélection des équipiers, indique l’avocat. Il s’agit d’une extraordinaire aventure humaine. Créer une entreprise mettant au coeur du dispositif des personnes porteuses de handicap, dont le taux de chômage est habituellement très élevé, identifier leurs qualités professionnelles et percevoir leur enthousiasme, ainsi que celui de leur famille, tout en assurant la rentabilité du projet est extrêmement enrichissant humainement ».

GUILLAUME RUBECHI

Éleveur de chevaux de sport

En parallèle de son activité d’avocat fiscaliste, Guillaume Rubechi, associé cofondateur de Valoris Avocats, élève avec son mari, une vingtaine de chevaux de sport sur sa propriété, les Écuries de Sermentot (élevage de Bohr). Outre le fait d’être en contact avec eux quotidiennement et de les monter à l’occasion, l’avocat nourrit ses chevaux de sauts d’obstacles matin et soir, et ne rechigne pas à faire le palefrenier le week-end. L’élevage nécessite également un important travail d’ingénierie et de sélection génétique, pour avoir les poulains les plus prometteurs en termes sportif. Guillaume Rubechi a écrit, pendant le premier confinement, un livre sur la fiscalité des activités équestres - le seul qui existe sur le sujet en France. Il est également en train de créer une ligne de services, au sein du cabinet, liée à la structuration et à la fiscalité des activités équestres, à destination des éleveurs, des haras, des entraîneurs de chevaux de course, ou simplement des personnes désireuses d’investir dans ce secteur où la défiscalisation est intéressante. « Je conseille essentiellement des fonds d’investissement et des entreprises étrangères qui investissent en France, ou des entreprises françaises qui investissent à l’étranger dans le domaine de la fiscalité internationale, mais je vois un réel potentiel de développement de cette activité de fiscalité équestre, indique Guillaume Rubechi. Le développement des écuries de groupe dans le milieu des chevaux de sport, et bien sûr celui des courses, offre par exemple de sérieuses perspectives d’investissement et des potentiels de défiscalisation-passion ».

FREDERIC NOUEL

Navigateur

Frédéric Nouel est un navigateur émérite. Le senior partner de Gide est monté sur son premier Optimist à l’âge de 7 ans, puis a appris à naviguer au large en traversant la Manche, dès ses 14 ans, sur des vieux gréements. La course au large fait désormais partie intégrante de sa vie. Naviguant en double depuis les côtes bretonnes, il a notamment participé à la transat Solidaire du Chocolat, sur un Class 40, en 2009, et à la Transquadra en février dernier sous les couleurs de la Fondation de la Mer. Chaque transat sur un nouveau bateau nécessitant environ deux ans et demi de préparation, Frédéric Nouel s’entraîne à Lorient le temps d’un weekend, toutes les trois semaines en moyenne. « Être avocat nécessite un grand engagement individuel et je ne m’imagine pas pouvoir bien exercer cette profession sans la possibilité, en parallèle, d’avoir une passion permettant de m’échapper complètement du quotidien, indique le senior partner de Gide. Quand je suis en mer, la seule chose qui compte est la bonne marche du bateau ».

LAURENT MARVILLE

Le jeu de paume

Cofondateur du cabinet Reinhart Marville Torre, Laurent Marville est un ancien tennisman qui pratique, depuis une dizaine d’années, le jeu de paume qu’il a découvert grâce à la proximité du cabinet avec la dernière salle de Paris où il est possible de s’y adonner. Une passion qu’il estime parfois un peu dévorante - il s’entraîne deux à trois fois par semaine – mais qui lui permet de faire le tour du monde. Car l’avocat participe, tous les deux ans, aux championnats du monde, et plus particulièrement aux World Masters des plus de 50 ans. Quatre pays jouent encore à ce sport : la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Australie et la France. Si notre pays est arrivé en dernière position lors du championnat par équipes, Laurent Marville est allé jusqu’en demi-finale, en individuel, lors de la dernière édition. « Comme tout sport pratiqué en compétition, le jeu de paume permet de développer une certaine discipline intérieure, un self-control, la concentration et la discipline de l’entraînement, ce qui est utile dans le cadre de notre exercice professionnel, indique l’avocat, qui est membre du comité français du jeu de paume, affilié à la Fédération française de tennis. La particularité du jeu de paume est que les joueurs doivent se concentrer sur leur performance physique, sans négliger la dimension technique et tactique de ce sport atypique, dont les règles sont beaucoup plus complexes que celles du tennis ».

GAELLE FILHOL

Chanteuse lyrique

Fille de mélomane, la managing partner du cabinet Betto Perben Filhol est passionnée de chant, qu’elle pratique depuis l’âge de 7 ans. Après une formation classique de chorale et de multiples stages de chant estivaux, Gaëlle Filhol s’est essayée au jazz, à la comédie musicale et à la variété - elle est une fan inconditionnelle de Céline Dion et a créé un groupe de musique avec des confrères de White & Case où elle a exercé. Elle s’est ensuite adonnée à l’opéra, en se lançant dans un long cursus au conservatoire international de musique de Paris, conclu après trois cycles d’études par un premier prix de chant lyrique en 2018. Elle parfait désormais son talent à la Schola Cantorum de Paris, chaque semaine, et sera Rosalinde dans une adaptation de la Chauve-Souris de Strauss en fin d’année. « La voix est un formidable instrument et nous gagnons tous à mieux comprendre son fonctionnement, notamment celui des résonateurs, pour mieux l’utiliser. Et ce, même quand on n’aime pas sa voix ! Les avocats qui la travaillent en développent les harmoniques et, comme pour l’opéra, celles-ci sont intéressantes pour ce qu’elles éveillent chez celui qui écoute, souligne la managing partner. Leur communication en devient plus efficace et percutante et ils bénéficient d’une écoute plus importante, notamment en audience ».

RAPHAEL CRESPELLE

L’escrime

Fils et père d’escrimeurs, Raphaël Crespelle pratique ce sport en compétition depuis 43 ans. L’associé du cabinet FTPA qui a grandi à côté de Saint-Gratien, s’est entraîné dans ce club réputé pour avoir formé de nombreux champions olympiques. Champion de France par équipes senior, vice-champion de France par équipes en titre à l’épée, il est actuellement dans les 10 premiers du classement national (catégorie V2) et a également quelques titres internationaux individuels et par équipes à son palmarès. Raphaël Crespelle s’entraîne au Levallois sporting club, qui compte la plupart des membres de l’équipe de France d’épée dans ses effectifs, et participe au Circuit national (5-6 compétitions par an) et aux championnats de France. « Le fait de pratiquer un sport en compétition dès l’âge de 7-8 ans permet de développer un goût prononcé pour l’effort, d’être à cheval sur la préparation physique et mentale, mais aussi de savoir gérer son stress, ce qui m’est utile lors de plaidoiries notamment, explique l’avocat. Par ailleurs, je considère qu’un match n’est jamais perdu sur une piste d’escrime, même s’il est mal engagé, et j’applique cette devise dans le cadre de mon activité professionnelle, tant en conseil, qu’en contentieux ».