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Un « nouvel écrin » pour la justice internationale

Par Anne Portmann

Vendredi 28 octobre 2022, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a inauguré la nouvelle salle d’audience de la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris. Une salle flambant neuve, qui depuis le mois de septembre, accueille la formation de jugement.

Située dans l’ancien bureau de l’aide juridictionnelle du bâtiment du quai de la Corse, la nouvelle salle, toute revêtue de bois sombre, équipée pour la visioconférence, comporte au fond deux cabines de traduction. Des pièces attenantes, qui permettront aux parties de s’entretenir en toute confidentialité, compléteront l’ensemble.

Un enjeu réputationnel

Paul-Louis Netter, le président du tribunal de commerce de Paris, a accueilli les participants à cette inauguration. Il a considéré que cette salle d’audience soutenait la comparaison avec celles existant à l’international et en Europe, notamment celles de Londres, Amsterdam et Francfort. Il s’est félicité d’avoir désormais les moyens de tenir un procès impliquant des acteurs internationaux. L’inauguration de cette salle est selon lui, la matérialisation de la volonté des pouvoirs publics de valoriser Paris dans son rôle de place internationale. La salle, outre la chambre internationale, accueillera aussi les audiences de la juridiction unifiée des brevets (JUB) qui verra le jour au printemps prochain. Paul-Louis Netter a fait part au ministre de sa satisfaction relative aux conclusions du rapport du groupe de travail présidé par Denis Combrexelle, rédigé dans le cadre des États généraux de la Justice, qui a souligné l’attractivité internationale de la capitale. « La place de Paris possède des atouts exceptionnels dans un monde où l’espace de la justice indépendante à tendance à se rétrécir », a estimé Paul-Louis Netter. Se réjouissant de l’ouverture sur le monde de la justice et du Barreau, il a rappelé que depuis un demi-siècle, Paris était une des premières places mondiale d’arbitrage. Cet écosystème, longtemps sous-estimé, doit être valorisé, selon lui, et il a appelé à rassembler, sous l’égide de la Chancellerie, les initiatives internationales dispersées qui ont fleuri, çà et là, à la faveur de la pratique. Rappelons que le 7 février 2018, Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux, avait inauguré la chambre internationale de la cour d’appel de Paris (v. LJAH n° 1337) et signé les deux protocoles, initiés par Guy Canivet, qui permettaient d’adapter les règles de la procédure civile française aux litiges à caractère international devant cette nouvelle chambre, ainsi que devant celle qui existait déjà, de fait, au tribunal de commerce, depuis 1995. Le dispositif juridictionnel était donc complet, mais manquait le lieu. Et si les chefs de juridiction ont demandé au ministre à ce que la chambre internationale de la cour d’appel de Paris bénéficie, elle aussi, des mêmes moyens matériels et techniques, ainsi que de la consolidation du socle réglementaire pour qu’une compétence internationale leur soit attribuée, ils se sont félicités de cette réalisation qui assoit la position de la capitale comme « place internationale du droit ».

Une opportunité économique

Le garde des Sceaux a ensuite pris la parole, soulignant l’importance de cette étape pour le rayonnement de la justice commerciale française. Il a rappelé que, dès 1923, la création de la cour internationale d’arbitrage de la chambre de commerce internationale avait fait de Paris une place incontournable de la résolution des conflits commerciaux internationaux. C’est celle-ci qui est la plus fréquemment désignée dans les contrats commerciaux internationaux, a-t-il observé. L’inauguration de la nouvelle salle s’inscrit dans ce mouvement et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a créé « une opportunité pour l’essor de la place juridique de Paris ». Éric Dupond-Moretti a souligné l’importance du secteur économique du droit, rappelant que les professions juridiques en France représentent 1,25 % de la population active, 44 mds€ de chiffre d’affaires cumulé, soit 1,8 % du PIB français. « Un potentiel de développement existe si notre système est attractif », a insisté le ministre. Soulignant que le système français était l’un des rares à offrir un double degré de juridiction, il a indiqué que la chambre internationale du tribunal traitait quelque 200 dossiers par an liés à ce contentieux. Le recours contre ces décisions représente 27 % du volume global des litiges traités par la chambre internationale de la cour d’appel. Promouvoir ces chambres, en offrant aux acteurs internationaux la possibilité d’avoir recours à un système juridictionnel à part, composé de juges qui connaissent à la fois le droit civil et la common law, est donc un atout. Selon les chiffres arrêtés au 30 juin 2022 concernant la chambre internationale de la cour d’appel de Paris, 65 % des dossiers concernaient des acteurs européens, 13 % concernaient des parties africaines, 12 % des Américains, et 11 % des Asiatiques. « Ces chiffres révèlent que la justice commerciale est fin prête pour se mesurer à ses concurrentes anglo-saxonnes, a lancé le garde des Sceaux. Gageons que cette salle d’audience sera le lieu de beaux procès ».