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Seconda : « Prendre le temps de faire court »

Par Anne Portmann

 

La LJA a découvert un nouveau modèle d’organisation de cabinet, intéressant, sur lequel la rédaction s’est penchée. Le cabinet Seconda est né de l’association entre Neda Habillat et Fred-Éric Bergheimer, deux avocats aux parcours atypiques. Ils proposent, avec l’aide de leur panel d’experts, des consultations juridiques sur-mesure à destination des avocats.

 

« Nous avons fait le pari de l’intelligence collective plutôt que l’intelligence artificielle », lancent les deux fondateurs dans un sourire, un brin provocateur. La genèse de ce cabinet, pas comme les autres, c’est d’abord la réflexion de Neda Habillat qui, avec son parcours d’enseignante-chercheuse, puis de collaboratrice chez un avocat aux Conseils, a cherché à réunir les deux mondes. « Les universitaires avaient envie de se frotter à la pratique et les avocats avaient besoin de la doctrine sur des questions techniques », observe-t-elle. Elle croise, en 2021, le chemin de Fred-Éric Bergheimer, lequel, issu d’une famille d’avocats, a exercé la profession de consultant, notamment dans le domaine du développement durable, avant d’embrasser une carrière d’avocat en droit des affaires. Ensemble, ils bâtissent un projet prometteur et assez innovant pour le secteur, qui s’appuie sur un solide réseau d’experts. Et en février 2023, ils lancent officiellement le cabinet Seconda. (v. LJAH n° 1609).

Compétence et recul

Leur idée semble intéressante : permettre à leurs confrères de consulter facilement un expert spécialiste d’une question qui peut se poser dans un dossier et à laquelle ils n’ont pas la réponse. Concrètement, les avocats transmettent leurs interrogations au cabinet Seconda, qui la transfère à un ou plusieurs « secondants » - des spécialistes reconnus en la matière, qu’ils soient praticiens ou universitaires. « Leur analyse permet d’avoir un deuxième regard, plus détaché, sur un point précis du dossier », disent-ils. Selon eux, tous les avocats ont besoin, un jour, d’un renfort technique. C’est pourquoi leur cabinet propose plusieurs tarifs, de la « seconde » au prix forfaitaire de 170 €, à des formules de consultations plus élaborées, jusqu’à la relecture d’actes. 

 

L’objectif de Seconda n’est pas de livrer un memorandum de quinze pages, pour identifier le point de droit qui s’applique au dossier. Les deux associés prennent le temps de converser longuement avec leurs clients pour « prendre la température », délimiter de manière précise leur besoin et le répercuter, affiné, à l’expert idoine.  Ils obtiennent ainsi une réponse précise et pratique, revue par au moins deux personnes : l’expert sollicité et un associé du cabinet. 

 

« Nous sommes un vrai cabinet d’avocats, il ne s’agit pas de mise en relation », tiennent-ils à préciser, en ajoutant que bien évidemment, si la situation l’exige, l’expert et le client peuvent échanger en direct. Mais c’est le cabinet Seconda qui assume la responsabilité de la réponse donnée par l’un des 85 experts sollicités, qui ont signé un contrat-cadre avec le cabinet. 

 

Les associés de Seconda ne travaillent donc jamais en direct avec les justiciables. « Nous ne faisons pas de représentation en justice, ni de conseil récurrent », précisent-ils. Leur clientèle se compose essentiellement de leurs confrères-avocats.

Un modèle horizontal

Depuis le démarrage, la formule fait mouche. « 70 % des clients secondés sont venus poser au moins une deuxième question », se réjouit Fred-Éric Bergheimer, qui reconnaît qu’il est parfois plus gratifiant de travailler de cette façon qu’avec des justiciables qui ne se rendent pas compte du travail effectué. Si les questions sont diverses et variées, les associés indiquent avoir transmis un nombre élevé d’interrogations sur la procédure civile. Ils précisent que les prestations proposées vont bien au-delà d’une simple sous-traitance et que, contrairement aux consultations classiques, il n’est pas questions d’établir une quelconque hiérarchie entre les experts. « Nous pouvons faire appel à un professeur agrégé depuis 20 ans qui pourra côtoyer un avocat qui a quatre ans de barre sur une consultation, il n’y aura pas de différence de traitement. Notre modèle est complètement horizontal ». 

 

Les experts, eux, touchent une rémunération forfaitaire au dossier, et peuvent recevoir, en fin d’année, un pourcentage du chiffre d’affaires du cabinet qui leur est réservé. Pour bien faire comprendre son modèle, les associés de Seconda citent l’exemple des Cridon qui viennent en appui des notaires. Ils se présentent comme des « partenaires scientifiques de la croissance des cabinets ». Ils expliquent d’ailleurs que certains avocats, nouvellement installés, leur ont confié avoir osé se lancer dans des dossiers grâce au soutien que Seconda leur propose. Dans ce modèle présenté comme vertueux où l’échange est de mise, chaque expert peut être également client, et inversement. 

 

Les associés ont désormais pour projet de consolider leur modèle et voudraient valoriser cette interactivité, pourquoi pas en profitant des synergies créées pour imaginer des formations ou des colloques transverses, ou en mettant à disposition de tous les consultations anonymisées obtenues.