Rise, le cercle qui veut repenser l’avocature
Face à une profession souvent perçue comme figée et élitiste, Rise, Cercle d’avocats émerge comme un souffle nouveau. Portée par une génération d’avocats curieux et engagés, cette association veut bousculer les habitudes, insuffler du sens dans la profession. À l’approche de son lancement officiel, la LJA a rencontré ses fondateurs : Julia Zein, Manon Krouti, Kathy Azevedo, Émilien Bernard-Alizias, Pierre Faure, Mehdi Gasmi, Arthur Sauzé, Antoine Guillemot, Raissa Hajjar et Marie Valentini.
Comment est né Rise, Cercle d’avocats et que souhaitez-vous incarner à travers ce projet ?
Tout est parti d’un constat : autour de nous, beaucoup d’avocats engagés, créatifs, désireux de sens se sentent étouffés par une structure professionnelle figée. Rise est né de cette envie de se retrouver entre pairs pour échanger librement, réfléchir, s’inspirer mutuellement. Cette association vise à être un espace vivant, transgénérationnel, où l’on peut parler sans filtre de nos pratiques et de notre vision du métier. Nous avons voulu créer un lieu de partage, mais aussi d’impact. Un lieu où la joie, la confraternité et le dialogue reprennent leurs droits.
Vous évoquez une forme d’immobilisme dans la profession. Pouvez-vous expliquer ?
La profession d’avocat reste très attachée à certaines traditions, parfois au détriment de son adaptabilité. Pendant que les notaires s’organisent, investissent, innovent, souvent grâce à une dynamique collective et des financements bien structurés, les avocats avancent lentement à des rythmes différents. On voit bien que la jeune génération est tiraillée : certains rêvent d’indépendance mais se heurtent à une précarité réelle, d’autres choisissent le salariat, non par confort, mais par crainte du vide. Dans ce contexte, l’IA cristallise davantage les tensions : les avocats émettent parfois certaines réserves à l’adoption de l’IA. Ils sont tiraillés par la peur de perdre leur valeur ajoutée, que leur compétence soit remplacée par l’IA. Pourtant, ils savent aussi reconnaître qu’il s’agit d’un formidable levier d’innovation tant qu’on l’utilise comme un outil et non comme une fin en soi. Il faut donc accepter que certaines tâches disparaissent, mais aussi repenser notre rôle de conseil stratégique et notre relation au client en s’inspirant des concepts anglo-saxons.
Quel rôle souhaitez-vous jouer dans l’évolution de votre profession ?
Nous pensons que l’avocat ne doit plus parler uniquement à ses pairs. Rise, Cercle d’avocats a vocation à s’ouvrir à d’autres professions du droit, aux commissaires de justice, aux entrepreneurs, aux managers. On réfléchit aux transformations en cours, on y échange des idées concrètes : comment mieux accompagner la parentalité ? Pourquoi ne pas imaginer une crèche dédiée aux enfants d’avocats ? Peut-on repenser les modèles économiques sans précariser les jeunes ? Repenser la diversité et l’inclusion au sein des cabinets. Ce ne sont pas des débats abstraits, ce sont des sujets très concrets qui concernent notre quotidien. Ce que nous voulons, c’est créer une voix collective capable de porter des propositions.
Comment comptez-vous intégrer toutes les générations d’avocats ?
L’association est volontairement transgénérationnelle. La moyenne d’âge des fondateurs de l’association tourne autour de 35 ans, mais il n’y a ni âge minimum, ni maximum pour nous rejoindre. Nous croyons beaucoup à la force du dialogue entre les générations. Les jeunes avocats ont une énergie incroyable, une vision plus libre du métier, mais parfois ils manquent d’outils, d’expériences ou de repères. Les avocats plus expérimentés ont, eux, une connaissance précieuse du terrain, de la clientèle. Il ne s’agit pas d’opposer les parcours, mais de créer des passerelles.
L’intelligence artificielle s’impose aujourd’hui comme un levier stratégique incontournable pour les avocats. Nombreux sont ceux qui en saisissent déjà les opportunités, en s’appropriant ces outils avec une aisance qui pourrait, à terme, inverser les rôles traditionnels de la transmission : demain, ce sont les plus jeunes qui formeront les plus anciens. Mais pour que cette transition technologique soit porteuse de sens, encore faut-il l’accompagner. La plupart des professionnels ont la volonté de s’engager dans le mouvement digitalisation, mais les cabinets manquent souvent d’une méthode claire, d’un budget dédié ou d’une réflexion approfondie sur leur propre modèle économique alors qu’en parallèle les directions juridiques des entreprises organisent leur digitalisation.
La vraie question est donc : la profession est-elle prête à absorber ce bouleversement ? Aujourd’hui, l’enseignement dispensé à l’université ou à l’EFB reste très en retard. Il devient urgent d’intégrer une formation pratique, exigeante, à ces nouveaux outils. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons accompagner une génération qui questionne déjà sur le sens du travail, le rapport au collectif, la rémunération, la hiérarchie.
Enfin, il faut rétablir de la confraternité, notamment envers les jeunes collaborateurs et jeunes avocats. Trop souvent, ils ne sont ni écoutés, ni accompagnés, ni compris. Et cette fracture générationnelle aura, à terme, des conséquences économiques concrètes. C’est aussi pourquoi nous avons voulu faire de Rise un cercle de réflexion horizontal, apolitique et influent.
Quelles sont les prochaines étapes pour Rise, Cercle d’avocats ?
Le 15 septembre prochain, nous serons les invités d’honneur de la soirée annuelle du groupe Lamy Liaisons Karnov, qui nous soutient depuis nos débuts, au cours de laquelle nous présenterons l’association et nos premières réflexions. Nous voulons ouvrir des espaces où l’on peut réfléchir, proposer et agir ensemble. Rise, Cercle d’avocats c’est l’idée simple et puissante qu’une profession porteuse de sens, plus équitable et plus audacieuse est possible.