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Performance des cabinets : 2021-2022 une année faste, et après ?

Par Anne Portmann

Les résultats affichés par les cabinets d’affaires pour la période 2021-2022, publiés au cours de l’été, révèlent, presque partout, une progression dans la lignée des années précédentes. Mais certains craignent l’inversion de la tendance avec la crise économique qui succède à la crise sanitaire. Se dirige-t-on vers des années de vaches maigres ? Pas forcément selon certaines prédictions, à condition de s’adapter.

Allen & Overy se félicite d’une « bonne performance, portée par la vigueur des fusions et acquisitions », Freshfields Bruckhaus Deringer se réjouit d’une « sixième année consécutive de croissance de son CA », Linklaters annonce 6,5 % de croissance de ses revenus, Clifford Chance enregistre « un résultat record », Pinsent Masons se flatte des progrès réalisés… L’énumération pourrait continuer longtemps, tant les cabinets d’affaires anglais ont, pour l’exercice clos le 30 avril 2022, fait état de résultats en progression. En termes de croissance du chiffre d’affaires et aussi en termes de profit par associé (PEP). Les inquiétudes de l’année d’avant, liées à la pandémie, sont passées et tous les acteurs affichent une santé financière qui pourrait être qualifiée d’insolente.

Un CA en croissance constante

La Law Society Gazette a publié, le 30 août dernier, un tableau récapitulatif des 50 meilleurs résultats financiers de l’année. Le cabinet Clifford Chance, classé premier de cette liste, a édité, sur son site internet, un récapitulatif de ses indicateurs financiers depuis 2015 et fait état de progrès constants, que ce soit en termes de CA, en bénéfice net ou en PEP. « Notre équipe a livré une autre année de résultats exceptionnels », estime Charles Adams, global managing partner. Qu’on en juge : au cours de ces 7 années, le CA a augmenté de 46 % alors que les bénéfices nets se sont envolés à + 74 %, le PEP atteignant des sommets à + 82 %. Allen & Overy, deuxième au classement, révèle de solides performances globales, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Europe et au Moyen-Orient. Selon la firme internationale, la moitié de la croissance des revenus du cabinet a été générée outre-Atlantique. Linklaters, médaille de bronze, a accru, cette année, son PEP de 5 %, et affiché une croissance de CA de 6,5 %, justifiée par la solidité des marchés et l’activité soutenue en matière transactionnelle. Freshfields, dernier cabinet du Magic Circle à publier ses résultats – Slaughter & May ne les rend généralement pas publics -, affiche de bons résultats dans toutes les régions du monde et pour toutes ses pratiques, avec une augmentation de son CA de 10 % et un PEP atteignant plus de 2 M£. Ces bonnes performances financières sont le lot de tous les cabinets qui exercent à l’international, Ashurst annonce ainsi 12 % de CA en plus.

Se diversifier pour faire face à l’avenir

Dans leurs commentaires sur les résultats, presque tous les cabinets indiquent avoir misé sur une politique de croissance à long terme, en s’adaptant aux transformations du marché des services juridiques. « Nous avons investi pour étendre notre expertise sur des marchés clés », révèle Gareth Price, global managing parther d’Allen qui souligne que « l’environnement commercial de [leurs] offres s’est assoupli au cours des derniers mois » et que l’adaptation technologique de la firme, avec la mise en place de l’offre « Advanced Delivery & Solutions », a été bénéfique. « Le portefeuille diversifié de clients et de services a généré une croissance de revenus dans tous les domaines de pratique », peut-on aussi lire sur le site de Clifford Chance. Chez Pinsent Masons, on souligne les progrès réalisés « en diversifiant les services proposés à nos clients ». Conscients de l’instabilité économique persistante, les cabinets du marché insistent sur l’importance de s’adapter et d’être prêts à changer pour s’adapter aux besoins de leurs clients. « Nous sommes bien positionnés pour les conditions plus difficiles à venir », a déclaré Gareth Price, d’Allen. « Nous devons être agiles, audacieux et décisifs dans notre approche », estime Paul Lewis, global managing partner de Linklaters, tandis que Charles Adams, de Clifford Chance, indique : « il est essentiel que nous restions agiles et prêts à embrasser le changement ».

Crise et besoin de droit

Si la situation actuelle n’incite pas aux réjouissances pour l’avenir, les prévisions restent cependant assez optimistes. Ainsi, selon le consultant américain Future Market Insight, la période 2022-2032, devrait voir un taux annuel de croissance global composé (TCAC) de 4,5 % par an. Le sous-continent indien devrait, durant cette décennie, quasiment se hisser à la hauteur des Américains, avec un TCAC en progression de 4,3 % par an durant cette période. Le marché français n’est pour sa part pas visé par l’étude. Pour l’exercice à venir, le marché global devrait atteindre, selon ces prévisions, les 400 mdsUS$. Toutefois, au cours du premier trimestre de 2022, les performances financières des cabinets d’avocats ont diminué, les dépenses ayant dépassé la demande des clients et les bénéfices chutant de 3,6 %. Mais la proportion des réalisations, les taux d’intérêt et les investissements technologiques montraient tous des indicateurs significatifs d’expansion future, à condition que les cabinets améliorent leur gestion financière en budgétisant, en analysant leur rentabilité, en numérisant leur écosystème et en ayant recours à des outils de legaltech.1 L’étude mise en outre sur l’essor des ALSP (Alternative legal services providers, prestataires de services juridiques alternatifs), entreprises spécialisées qui proposent des services juridiques à la demande tels que l’examen de documents, l’administration des contrats, l’assistance aux litiges, la découverte électronique, la recherche juridique et la gestion de la propriété intellectuelle. Ces entreprises combinent des compétences juridiques, commerciales et technologiques pour fournir des services à la fois aux entreprises et aux cabinets d’avocats. La fin de l’abondance pourrait-elle encore être repoussée pour le marché des services juridiques ?