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Mécénat et parrainage : l’AFA publie un guide pratique

Par Anne Portmann

L’Agence Française Anticorruption (AFA) vient de publier un guide pratique à destination des entreprises qui détaille les points de vigilance en matière de lutte contre la corruption et de probité dans le cadre des opérations de mécénat et parrainage. Jean-Baptiste Autric, associé du cabinet Delsol Avocats, spécialiste de ces questions, donne son avis sur ce guide.

En quoi ce guide est-il intéressant ?

Ce qui me paraît intéressant, c’est le caractère résolument concret des préconisations contenues dans ce guide. Il peut constituer une base de discussion avec nos clients car ce qui est décrit est assez bien illustré et peut être très parlant pour les entreprises et les organismes avec lesquels nous travaillons. Certaines des situations décrites, notamment les risques d’atteintes à la probité, apparaissent davantage théoriques, du moins en ce qui concerne nos clients, car dans notre pratique, les opérations de mécénat ou de parrainage impliquent plus rarement les personnes publiques, sauf éventuellement lorsque le mécène est chargé d’une mission de service public, qu’il est assujetti aux règles de la commande publique ou qu’il a la qualité d’établissement public.

Le guide décrit de manière assez exhaustive
les infractions qui pourraient être commises
à l’occasion d’opérations de parrainage ou de mécénat, qu’en pensez-vous ?

Ces risques existent. Ce guide de bonnes pratiques apporte des précisions très utiles, sans avoir un caractère contraignant, sur les situations à risques. Les mesures de prévention et d’encadrement préconisées, étaient bien sûr, pour certaines, déjà pratiquées dans notre cabinet, je pense notamment à la signature d’une convention de mécénat ou de parrainage, ou encore la mise en place de suivis comptables pour sécuriser les flux financiers ou matériels. Mais certaines autres mesures peuvent être intéressantes à mettre en place concernant d’autres opérations. Nous manquons pour le moment peut-être un peu de recul pour voir, en pratique, l’écho que vont avoir ces bonnes pratiques au niveau des entreprises et si les suggestions proposées par le guide comme mesures de prévention pourront toutes concrètement être mises en place.

Que pensez-vous du parti pris d’aborder
ces opérations par le prisme des risques ?

Cela me paraît plutôt intéressant, mais il faudra être attentif à ce que cet angle ne soit pas un frein à la générosité des entreprises, qui pourraient y voir d’abord des contraintes supplémentaires et des points de vigilance à prendre en compte. Il ne faudrait pas qu’elles renoncent à leur don par crainte. Il ne faut pas donner à ces préconisations davantage d’importance qu’elles n’en ont. Il ne s’agit jamais que d’un guide de bonne conduite, ni plus, ni moins. Il faut garder à l’esprit que tant les opérations de mécénat que de parrainage revêtent pour nos clients, mais plus largement pour la société civile, une forte utilité économique et sociale et constituent pour eux une opportunité de diversifier leurs sources de financement et de développer leur périmètre d’intervention au bénéfice des causes qu’ils soutiennent.

Ces préconisations devraient-elles être adaptées en fonction des situations ?

Oui. C’est d’ailleurs ce que nous faisons en pratique, en fonction de chaque opération. Les préconisations contenues dans le guide sont très complètes et parfois d’une lourdeur qui peut être excessive au regard de l’ampleur de l’opération considérée. Certaines infractions décrites dans le guide, notamment le risque de concussion ou de détournements de fonds publics, peuvent être en pratique assez peu courantes. D’autres en revanche paraissent évidentes et le fait, par exemple, de bien séparer l’obtention d’un marché – public ou privé – et la réalisation d’une opération de mécénat, afin qu’il s’agisse de deux opérations indépendantes et sans aucun lien entre elles est un point auquel nous sommes évidemment très attentifs.

Le guide pointe également le risque d’atteinte
à la réputation de l’entreprise. Était-il déjà pris
en compte par la pratique ?

Il y a en effet quelque temps que ce risque est pris en compte, car avec l’avènement de la RSE au sein de l’entreprise, les opérations philanthropiques menées par les entreprises, ont aussi pour objectif d’améliorer leur réputation aux yeux du grand public. Certes, cela se limite aux plus grosses opérations pour le moment, mais il est vrai qu’il peut y avoir un risque de ce point de vue.

Globalement, quelle appréciation portez-vous
sur ce guide ?

C’est un outil intéressant à garder sur son bureau, qui peut être un référentiel en matière de risques. De prime abord, certaines suggestions peuvent apparaître éloignées de la réalité des opérations que nous rencontrons, mais il donne certains exemples concrets de situations dans lesquelles une entreprise ou un organisme bénéficiaire peut se retrouver. Il est encore un peu tôt pour dire si ces préconisations seront toutes appliquées et si les organismes et entreprises concernées seront plus sensibles à tel ou tel aspect, mais les 12 bonnes pratiques listées au début du guide peuvent constituer une source intéressante de « garde-fous » pour les opérations les plus significatives.

Guide AFA : sécuriser les opérations de parrainage et de mécénat des entreprises :
www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/MF_Guide_Mecena_Web.pdf