Les directions juridiques face au défi ESG
La transition durable impose une adaptation de tous les métiers, et les directions juridiques n’y échappent pas. Le baromètre ESG-RSE 2025 de PwC, réalisé en partenariat avec l’AFJE, fournit aux directions juridiques des repères précieux ainsi que des pistes de réflexion à partager avec les autres départements, afin de contribuer pleinement à la stratégie durable de l’entreprise.
Le deuxième baromètre ESG de PwC(1), en partenariat avec l’AFJE, a vocation à accompagner les juristes face à la montée en puissance des enjeux ESG-RSE. Il vise à leur fournir les outils nécessaires pour comprendre et mener les changements indispensables. L’étude révèle qu’en l’espace d’un an, les directions juridiques françaises ont franchi une étape supplémentaire dans leur appropriation des enjeux ESG-RSE.
En effet, alors que l’année dernière la maturité ESG-RSE des entreprises était évaluée à 5,5/10, tandis que celle des équipes juridiques plafonnait à 4,96/10, en 2025, les résultats témoignent d’une progression encourageante. La maturité perçue des entreprises atteint 6,1/10 (+0,6 point), et celle des directions juridiques 5,9/10 (+0,9 point). Cette évolution confirme un mouvement positif, mais rappelle aussi que le chemin vers une pleine intégration est encore long.
Un rôle stratégique qui tarde à s’imposer
En 2024, l’impact de l’ESG-RSE sur leur positionnement stratégique était évalué à 5,22/10. En 2025, la note progresse faiblement à 5,8/10. Autrement dit, si les juristes prennent peu à peu conscience de leur importance dans les projets ESG-RSE, ils se voient encore principalement comme des supports juridiques. Ils peinent donc à se positionner comme de véritables contributeurs stratégiques ou initiateurs de la politique durable de l’entreprise.
Ce retard stratégique s’explique en partie par un décalage persistant entre les priorités des entreprises et l’implication effective des juristes. En 2024, les entreprises hiérarchisaient leurs efforts ainsi : Environnement (2,54), Social (1,80), Gouvernance (1,42). Les directions juridiques, elles, déclaraient s’investir prioritairement en Gouvernance (7,83/10), loin devant l’Environnement (5,41/10) et le Social (4,75/10). Un an plus tard, le constat demeure inchangé. En 2025, malgré la progression globale, le juridique reste focalisé sur la gouvernance, alors que les entreprises attendent des réponses concrètes sur les volets environnemental et social. Ce désalignement fragilise la crédibilité de la fonction juridique et limite son influence dans la stratégie globale de l’entreprise.
La formation et la diversification des compétences comme leviers
Face à ce constat, les directions juridiques prennent conscience de la nécessité d’élargir leur palette de compétences. En 2024, les juristes plaçaient en tête le renforcement de la connaissance des normes ESG-RSE (8,77/10) et la capacité à intégrer ces enjeux dans les contrats et contentieux (7,45/10). En 2025, la réflexion s’élargit : « Nous travaillons actuellement sur un projet de livre blanc dédié à ces questions de formation », explique Nathalie Dubois. Elle souligne une difficulté récurrente : « Les programmes existants dédiés aux juristes se concentrent majoritairement sur les expertises purement juridiques ».
Ce virage passe aussi par une meilleure intégration avec les autres directions. En 2024, seules 50 % des entreprises organisaient des formations ESG-RSE, et à peine 14 % des directions juridiques disposaient d’outils digitaux spécialisés.
En 2025, le baromètre met l’accent sur la collaboration inter-directions et sur l’importance des ressources dédiées. Nathalie Dubois insiste : « Les sujets RSE doivent être traités comme des projets d’entreprise. La transversalité entre direction juridique, RSE, achats, finances et autres départements est essentielle pour décloisonner et créer un dialogue constructif ». Au-delà de la répartition des rôles, l’enjeu est de co-construire et d’apporter une vision transversale, en intégrant toutes les parties prenantes internes et externes.
Anticiper les transformations et accompagner le changement
Les directions juridiques doivent également intégrer les défis liés aux transformations numériques et sociétales. L’essor de l’IA générative oblige par exemple à gérer des transitions sensibles et à veiller au bien-être des collaborateurs, notamment pour les profils en fin de carrière. « Il s’agit de prendre soin des collaborateurs dans des contextes tendus, tout en comprenant comment ces transformations impactent nos métiers », souligne Nathalie Dubois.
Par ailleurs, les priorités environnementales varient selon les secteurs. Mais l’économie circulaire reste un défi majeur : « Il faut non seulement basculer de la linéarité à la circularité, mais optimiser l’usage des ressources en intégrant la contrainte hydrique, et repenser nos modèles de production, de consommation et d’usage. Ces questions concernent de nombreux secteurs, et impliquent une transformation des modèles d’affaires », rappelle l’experte.
Enfin, la résilience des chaînes d’approvisionnement face aux risques climatiques et géopolitiques est également un enjeu majeur. « Au niveau international, les risques sont systémiques et interdépendants, ce qui complexifie les enjeux contractuels et appelle une gouvernance plus transversale », conclut Nathalie Dubois.