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Les avocats ont pris l’Assemblée !

Par Jeanne Disset

Il y a cinq ans, le constat était que la Commission des lois de l’Assemblée nationale était « un repère d’avocats et de juristes » (cf. LJA n°1311). Un tiers des membres étaient alors issus du monde juridique et judiciaire, avec une nette prédominance des avocats. Aujourd’hui, le schéma est très différent. S’il y a (un peu) plus d’avocats à l’Assemblée, ils sont surtout positionnés aux plus importants postes clés de l’institution.

Ils étaient une petite vingtaine dans la précédente législature, ils sont aujourd’hui 29 - décompte fait avant que les députés devenus ministres ne soient remplacés par leur suppléant. À la prestigieuse Commission des lois, ils ne sont plus que huit, sur les 73 membres de la Commission. Mais qui sont-ils ? Où vontils travailler ? Quelque 14 avocats sont des élus entrants, des nouveaux, soit quasiment la moitié. Politiquement, ces hommes et ces femmes se répartissent en huit membres du parti Renaissance, un du Modem, deux d’Horizons, soit onze pour la majorité présidentielle. Dans les oppositions, six avocats sont RN, sept LR, un divers droite, deux Nupes (un vert, un LFI). Enfin, deux élus d’outre-mer sont rattachés au groupe communiste (Jiovanny William, avocat à Fort de France, et Émeline K’Bidi à la Réunion). Professionnellement, on compte des « parisiens » et des « régionaux », des « vieux » et des « jeunes » avocats - Julien Bayou est inscrit au tableau depuis seulement un an -, des ex-bâtonniers (deux, de Draguignan et Mayotte), des pénalistes, des généralistes, des spécialistes (comme Béatrice Roullaud, élue RN de Meaux où elle est une avocate médiatrice spécialiste du droit animalier, ou Jean Terlier, réputé réélu du Tarn, très reconnu en droit rural), et puis des avocats d’affaires - comme Victor Habert-Dassault.

Investis dans l’institution

Les avocats, loin d’être la première profession, cumulent cependant un nombre impressionnant de postes prestigieux et, surtout, des emplois qui font fonctionner l’institution. Ils se sont d’ailleurs disséminés dans toutes les commissions. C’est sans doute même la profession la mieux lotie ! Et pour cause : la présidence de l’Assemblée revient à Yaël Braun Pivet, la vice-présidence à Naïma Moutchou, deux secrétariats à Pierre Morel-À- L’huissier et Jean Terlier, trois présidences de groupe politique (Laurent Marcangeli pour Horizons, Marine Le Pen pour le RN et Julien Bayou, co-président du groupe écologiste) et de nombreux postes en commissions. La présidence de la Commission des lois revient à Sacha Houlié, qui en était déjà membre (très actif) dans la précédente législature. À laquelle il faut ajouter deux vice-présidences (affaires étrangères et défense) et deux secrétariats de Commission. C’est une nouvelle élue, Éléonore Caroit, qui devient vice-présidente de la Commission des affaires étrangères. Cette avocate représente les Français de l’étranger de la 2e circonscription (Amérique latine et Caraïbes). Logique pour cette franco-dominicaine. Après plus de 10 ans dans des cabinets internationaux, à Paris et à Genève, elle était associée du cabinet MGC Arbitration. Jean-Louis Thiériot, l’autre vice-président de commission, est un avocat réélu, déjà membre de la Commission de la défense, un parcours bien plus classique à l’Assemblée. Les deux avocats secrétaires de la Commission des affaires culturelles sont une corrézienne LR réélue, Frédérique Meunier, et un nouveau venu, Emmanuel Pellerin, connu notamment dans la profession pour avoir été membre de la Commission des affaires publiques au barreau de Paris en 2014-2015, très investi sur l’éducation et l’université (voir encadré).

La Commission des lois

Ils seront donc huit à la prestigieuse Commission des lois, lieu naturel des questions de droit, d’institution, de la justice et de ses professionnels, dont son président, Sacha Houlié. Outre Raquel Garrido (LFI), Béatrice Roullaud (RN), l’ancien bâtonnier de Mayotte Mangour Kamardine, Émeline K’Bidi, c’est une vice-présidente et un secrétaire de l’Assemblée, Naïma Moutchou et Jean Terlier, qui siègeront. Sans oublier Émilie Chandler. Nouvellement élue dans le Val d’Oise (où elle a remplacé un avocat), elle est bien connue à Paris. Avocate depuis 2009, associée chez NMCG depuis 2017, elle est spécialisée en droit de la santé. Mais c’est surtout comme membre du Conseil national des barreaux (mandat qu’elle doit quitter) et ancien membre du conseil de l’Ordre du barreau de Paris (2019-2021) qu’elle est connue. Gageons qu’elle sera en première ligne sur les questions concernant la profession, comme sur le secret et la justice à la suite des États Généraux.

Un avocat dans la société et à son service

Emmanuel Pellerin est élu à Boulogne pour la majorité présidentielle. « J’ai la politique dans le sang, depuis qu’à 18 ans, j’ai lu les mémoires du général de Gaulle, retrace-t-il. J’ai milité et participé à de nombreuses campagnes municipales et législatives à Boulogne. Mon expérience est plutôt dans l’ombre, avec une grande connaissance du tissu politique local. Député, c’est une autre phase, un mandat actif ». Il poursuit : « J’ai prêté serment en 2006, je pratique les contrats complexes. Aujourd’hui, je suis associé en charge du pôle préjudice corporel/responsabilité médicale chez Vadis Avocats, que j’ai rejoint en 2020, après avoir été juriste et collaborateur chez Olivier Schnerb et en exercice individuel. Je suis docteur en droit depuis 2011 et c’est fondamental pour moi. Une telle carrière, avec un souci aigu de ce que représente la robe, me permet d’avoir la maturité pour, non pas tant supporter le poids de la charge de député, mais pour être à la hauteur des enjeux de cette écharpe. La volonté d’acier, ça se forge ! ». Emmanuel Pellerin a choisi la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, un choix peu banal pour un avocat, mais à l’image de la majorité de ses confrères, tout sauf la Commission des lois ! « Sans doute parce que j’aime bien être hors de ma zone de confort. C’était attendu, alors non ! Et puis nombre de mes engagements dans la société civile tournent autour de l’éducation, l’université, le sport, le handicap. C’était donc une évidence ». Il a été élu secrétaire de la Commission, une charge et « un honneur ».