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Le HCJP se penche sur l’adéquation du droit des fonds d’investissement et du droit des sociétés

Par Ondine Delauynay

Le rapport sur l’adéquation du droit des fonds d’investissement et du droit des sociétés a été publié récemment par le Haut comité de la place financière de Paris (HCJP). Il fait suite aux travaux d’un groupe d’experts (professionnels de la gestion d’actifs, avocats, universitaires, membres d’autorités…) présidé par Stéphane Puel, associé du cabinet Gide Loyrette Nouel. Il en dresse les principaux contours.

Le rapport sur l’adéquation du droit des fonds d’investissement et du droit des sociétés a été publié récemment par le Haut comité de la place financière de Paris (HCJP). Il fait suite aux travaux d’un groupe d’experts (professionnels de la gestion d’actifs, avocats, universitaires, membres d’autorités…) présidé par Stéphane Puel, associé du cabinet Gide Loyrette Nouel. Il en dresse les principaux contours.

Pourquoi ce rapport ?

L’initiative venait de différents acteurs, avec l’accord des autorités publiques, notamment de la Direction générale du Trésor. Au moment de l’annonce du Brexit, les acteurs financiers européens ont anticipé une forte compétition entre les États membres visant à attirer les investisseurs internationaux. En réalité, un peu plus de deux ans plus tard, les acteurs les plus importants n’ont pas encore fait leur choix définitif d’implantation. Compte tenu de la taille de l’industrie de la gestion collective en France, l’enjeu de la compétitivité de la place de Paris est donc toujours prégnant. Le HCJP s’intéresse de près à cette thématique, notamment son groupe « Fonds d’investissement », qui s’est interrogé sur la réglementation actuelle des sociétés d’investissement et sur le point de savoir si elle est construite de manière cohérente et optimale par rapport au droit commun des sociétés. L’objectif étant de proposer des améliorations, ou des réformes, afin de corriger certaines distorsions qui pourraient décourager des investisseurs étrangers.

D’où proviennent ces distorsions ?

Durant de nombreuses années, les fonds d’investissement ont été structurés de manière très prédominante sous forme de fonds commun de placement (FCP). Leur réglementation relève alors en grande partie d’une régulation unique issue du code monétaire et financier (CMF). Depuis quelques années, avec la création de nouvelles formes de sociétés d’investissement (SLP - société de libre partenariat notamment) et sous l’impulsion des investisseurs internationaux qui y voient un gage de sécurité, les fonds sont de plus en plus souvent structurés sous forme de société. Ces sociétés d’investissement sont, pour l’essentiel, soumises aux dispositions du code de commerce. Leur mode de fonctionnement particulier a néanmoins justifié certaines exclusions par le code monétaire et financier de règles de fonctionnement de droit commun. Celles-ci ont été pour la plupart correctement établies et leur mise en oeuvre ne soulève pas de questions particulières. Mais d’autres créent des difficultés d’interprétation, des lourdeurs pour leur application. Je pense par exemple aux règles de droit commun sur les assemblées générales, ou sur le délai d’approbation des comptes.

Ce sont ces incertitudes juridiques auxquelles le groupe de travail a souhaité remédier dans le cadre du présent rapport. Tous les points de friction entre le code monétaire et financier et le code de commerce ont été vérifiés et listés, puis des propositions concrètes ont été formulées, visant à améliorer le fonctionnement des structures d’investissement constituées sous la forme sociétaire.

Ce rapport s’organise autour de trois thèmes : la vie sociale des sociétés d’investissement, la gouvernance des sociétés d’investissement, et les opérations réalisées par les sociétés d’investissement. Quels sont les grands contours de la réflexion du groupe de travail sur chacun de ces points ?

En fonction de la forme sociale des fonds d’investissement, certaines difficultés pratiques se font jour. Le traitement des dossiers d’immatriculation diffère par exemple selon les greffes, notamment quant aux documents à produire. Le groupe de travail a donc formulé des propositions visant à faciliter les formalités d’enregistrement et à harmoniser les pratiques des greffes sur ces sujets, dans un objectif de sécurité et de célérité. D’autre part, les assemblées générales des sociétés d’investissement sont soumises, par défaut, au formalisme précis encadrant le fonctionnement des assemblées générales des sociétés commerciales classiques. Les dispositions portant sur le calendrier de présentation des comptes annuels, ou de publication préalable des comptes sont une source d’incompréhension et de pratiques divergentes des acteurs de la place. Il conviendrait donc de modifier certaines dispositions du CMF sur ces points. Enfin, certaines dispositions ayant trait à la distribution des revenus et plus-values aux LPs ont été examinées car, en matière immobilière, elles engendrent des difficultés pratiques. Là encore, des propositions de modifications de certaines dispositions du code de commerce ont été formulées. L’étude de la gouvernance des sociétés d’investissement s’est par ailleurs révélée cruciale dans ce contexte international de compétitivité des places financières. Les investisseurs sont en effet attachés à connaître précisément le rôle qu’ils peuvent tenir au sein d’un fonds d’investissement. C’est un sujet qui a longtemps été tabou et sur lequel les autorités ne souhaitaient pas prendre position. Elles ont cette fois-ci longuement participé aux réflexions de notre groupe de travail, ce qui est inédit. Il en ressort une analyse technique et pratique des problématiques. S’agissant de la dernière partie du rapport, le groupe de travail s’est notamment penché sur le cas particulier des compartiments. Institué par la loi de sécurité financière d’août 2003, le régime des OPC à compartiments est très innovant en ce qu’il permet une étanchéité parfaite entre chacun d’entre eux au sein de la société de gestion.

Cependant, s’agissant de la vie sociale de la structure, le code de commerce ne lui reconnaît pas de particularisme. L’ensemble du formalisme « social » classique est donc calé sur la globalité de la société, particulièrement s’agissant du droit de vote des investisseurs et du fonctionnement des assemblées générales. Le groupe de travail a donc émis quelques propositions inédites visant à sécuriser le régime de fonctionnement des compartiments au regard du droit des sociétés

Que va-t-il advenir de toutes ces propositions ?

La Direction générale du Trésor a participé à tous nos travaux et a endossé tous les sujets débattus et toutes les propositions formulées. Le temps des campagnes politiques bloque bien entendu le vote de réformes, mais la volonté des pouvoirs publics de réformer a été affirmée fortement. Nous espérons donc un texte pour les mois à venir