Connexion

LCB-FT : les déclarations de soupçons en augmentation

Par Ondine Delaunay

Vendredi 2 juin, Bercy a publié le bilan pour 2022 de l’activité déclarative des professions assujetties à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Il révèle que le nombre de déclarations de soupçons reçues en 2022 a augmenté de 46 % par rapport à 2020, pour atteindre près de 167 000.

«Lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme implique une coopération permanente entre les différentes autorités et administrations concernées, mais également avec le secteur privé dont la mobilisation, en particulier les professions les plus exposées au risque LCB-FT, est un rouage indispensable et de plus en plus essentiel de la politique de prévention et de détection des activités criminelles et de leurs évolutions ». Ainsi débute le bilan dressé par le service de renseignement financier Tracfin. Et manifestement le secteur privé s’est bien mobilisé cette année, notamment au sein de la région Île-de- France qui concentre une majeure partie de l’activité économique hexagonale. D’autant que la période était propice aux contournements des diverses réglementations nationales ou européennes, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. Quelque 126 déclarations de soupçons relatives au risque de financement de combattants et à leur identification sur les zones de combats ont ainsi été relevées. Sans surprise, c’est surtout le secteur financier (banques, établissements de crédit, prestataires de services sur actifs numériques) qui a été à la manoeuvre. Il représente ainsi 93,5 % des déclarations reçues en 2022. « L’augmentation du nombre de déclarations de soupçon reçues entre 2020 et 2022 résulte pour 80 % de la croissance de l’activité déclarative des établissements de crédit et des établissements de paiement : en effet, ces deux secteurs contribuent chacun pour 19 points à l’augmentation du flux déclaratif », détaille le rapport. Le secteur non-financier de plus en plus impliqué dans la lutte La vigilance du secteur dit « non-financier » n’est pourtant pas négligeable. Le volume de déclarations de soupçons qui en émane est en croissance de 44 % depuis l’année 2021, pour atteindre quelque 10 635 avis de soupçons. Un tiers de ce nombre provient des acteurs de l’immobilier, au premier rang desquels les notaires (+ 45 %). Le rapport pointe néanmoins la forte disparité géographique de cette activité. On relèvera à ce propos que les notaires de la circonscription de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ont une activité déclarative forte et quasi similaire à ceux de la cour d’appel de Paris. Le rapport précise néanmoins que des marges de progression sont attendues. Car si ce volume témoigne d’une profession impliquée dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, « elle reste toutefois largement perfectible alors que le secteur immobilier est exposé à un risque élevé de BC-FT et que le volume de transactions immobilières enregistré en 2022 devrait atteindre 1 300 000 transactions ». À noter que les greffiers de tribunaux de commerce ont une activité déclarative en forte croissance (+ 79 %) . « Elle représente dorénavant un peu moins d’une déclaration sur cinq du secteur », indique le rapport. Leurs déclarations portent principalement sur des soupçons d’usage de faux documents, voire d’usurpation d’identité, dans le but d’immatriculer des sociétés en vue de la commission d’une fraude aux finances publiques. Les avocats restent encore timides Les avocats, eux, ne participent quasiment pas à cette vigilance. Leurs déclarations ne représentent que 0,1 % du volume total de l’activité constatée. Avec une vue un peu positive, on peut constater que le nombre de déclarations a néanmoins quasi-triplé depuis trois ans, passant de 4 en 2020 à 11 en 2022 (+ 83 %). Sans surprise, le nombre de déclaration émanant des CARPA, qui gèrent les comptes par lesquels transitent les règlements pécuniaires des clients des avocats, est un peu plus élevé (17). Les avocats préfèrent en effet parfois laisser le soin aux CARPA de dénoncer les agissements illicites de leurs clients. Cependant les chiffres demeurent tout de même ridiculement bas. Le rapport indique que l’activité déclarative des avocats luxembourgeois et italiens est un plus élevée. « Les avocats représentent, en 2021, 0,3 % des déclarations reçues au Luxembourg (soit 124 déclarations) et 0,6 % en Italie avec 81 déclarations de soupçon. La CRF allemande a reçu 83 déclarations des avocats en 2021 (contre 23 en 2020) », est-il précisé. Et pour développer cette activité, Tracfin préconise de se concentrer sur les tentatives d’entrées en relation d’affaires. « Ne pas donner suite à une demande d’entrée en relation d’affaires pour des motifs KYC est une raison suffisante pour effectuer une déclaration de soupçon à Tracfin », est-il lancé. À bon entendeur.