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« L’Agora va bien au-delà de toutes les consultations qu’a pu faire la profession »

Par Jeanne Disset

L’Agora, boîte à idées participative du Barreau de Paris, vient de générer plus de 110 000 réponses sur toutes sortes de sujets de la vie des avocats. Olivier Cousi, bâtonnier de Paris, en confie les premiers résultats en exclusivité à la LJA. Résultats qui pourraient bien ouvrir des feuilles de route renouvelées pour le Barreau de Paris.

Olivier Cousi, le bâtonnier, le dit souvent « Il faut rapprocher l’Ordre du Barreau et le Barreau de l’Ordre ». Avec Nathalie Roret, ils avaient souhaité placer leur mandat sous le signe de l’intelligence collective et de la démocratie participative. Pari réussi avec l’Agora : 113 085 votes et plus de 1 000 idées nouvelles formulées par les avocats, sur cinq thématiques : reprise d’activité (Covid oblige), système judiciaire, quotidien de l’avocat, entreprenariat, vie ordinale. Un niveau de réponse sans précédent.

Comment effectuer ce rapprochement ?

En trouvant les instruments, un rythme et les sujets. Olivier Cousi explique : « Il faut une véritable écoute, tant des confrères de la part de l’Ordre, que de l’Ordre de la part des confrères. C’est du dialogue, de la communication, des outils et surtout, s’intéresser à des sujets très concrets, pratiques, quotidiens. Quand on s’intéresse à ce qui préoccupe les avocats, ils répondent présents. L’Agora conforte cette analyse : il y a un besoin des avocats qu’il faut saisir. En réalité, ils ne sont pas très loin de l’Ordre. Il s’agit juste d’aller à eux et de les interpeler avec la bonne question. » Après l’AG exceptionnelle du 13 février dernier1, différentes consultations2, les élections avec leur augmentation des votants3, voici l’Agora : une plateforme collaborative qui a interrogé avocats et élèves de l’EFB, leur a permis de proposer des idées et d’améliorer celles déposées par leurs confrères et consœurs.

Qui a répondu ?

Plus de 4 000 utilisateurs actifs se sont engagés avec en moyenne une trentaine de votes chacun. Ces actifs sont à l’image du Barreau de Paris : tant dans les votes que dans les idées, 60 % de femmes. Légèrement plus de 50 % d’avocats ayant plus de 15 ans d’ancienneté. Dans les votants : 23 % d’associés, 22 % de collaborateurs, 52 % en exercice individuel. Pour les idées, 24 % d’associés proposent, 32 % de collaborateurs et 42 % en exercice individuel. C’est assez proche de la structuration du barreau parisien. Les résultats sont donc représentatifs. Indéniablement, parler de la profession, la faire évoluer, la réformer, suscite de l’intérêt. La dynamique participative fonctionne. D’où l’idée de pérenniser cette expérience. Cette courroie d’échanges est aussi la réussite d’une co-construction des décisions à prendre, des sujets à porter au CNB et devant les pouvoirs publics.

Le numérique

On disait les avocats en retard sur le sujet. En fait, ils y sont plus que sensibles, ils le réclament. Les avocats sont favorables à la numérisation de leur profession, et aussi à la dématérialisation de la justice, pour faciliter leur quotidien et leurs missions. Le catalogue des mesures acceptées et réclamées est très varié. Faciliter la dématérialisation de la profession (bases de recherches, rédaction des actes, signatures électroniques, stockage, etc.). Offrir de nouveaux outils numériques (service de veille digitale, accès à des tarifs préférentiels à des éditeurs juridiques, mail commun, outil gratuit de facturation, annuaire interactif, plateforme multi-accès…). Favoriser le développement du télétravail. Avoir un système de visioconférences sécurisé et gratuit. Permettre d’utiliser un email au format prénom.nom@avocat.paris.fr. Dématérialiser la procédure auprès des juridictions, notamment pour rendre le TJ de Paris plus accessible. Améliorer le système RPVA : élargir son application à l’ensemble des juridictions (ce qui n’est pas le cas actuellement), augmenter sa capacité de stockage, instaurer sa gratuité…

Olivier Cousi conclut : « Cela conforte le plan numérique que nous avons commencé à mettre en place. Il faut permettre aux confrères de trouver les fonctionnalités numériques dont ils ont besoin. Nous pourrons avancer sur un plan de formation de base au numérique, avec le Conseil de l’Ordre, l’incubateur, le barreau entrepreneurial. L’idée serait de proposer aux avocats de se mettre à niveau sur quatre ou cinq fonctionnalités (comptabilité, recherche documentaire, accès à des bases de données, outils de site internet, cloud…). Cette mise à niveau serait gratuite, financée par le Barreau. Ensuite, chacun pourra compléter sa formation en prenant les modules complémentaires. Le budget est dégagé et cela fait partie du plan d’investissement et de soutien. »

Entreprenariat

L’avocat est par nature entrepreneurial. Concrètement, c’est du digital, beaucoup de débats sur la domiciliation, sur l’apport d’affaires (73 % d’opinion favorable), sur la fiscalité, sur la formation aux soft skills… Olivier Cousi résume : « Il y a une logique qu’on peut appeler « modernisation » de la profession, pas forcément une évolution structurelle, plutôt au sens de l’utilisation des outils modernes et de l’adaptation à ce qui existe et au contexte nouveau, notamment des outils électroniques ou numériques, du télétravail, des espaces de coworking… Il y a une vraie demande, parce que nos avocats sont jeunes, dynamiques, entreprenants, entrepreneurs. Ils ont juste besoin de savoir comment s’installer eux-mêmes dans la modernisation de la société et de l’organisation du travail. Cela prouve le dynamisme de la profession et celui du barreau de Paris. » Et de conclure : « Sur les sujets de modifications du statut, qui relèvent de la loi, bien sûr, c’est du ressort du CNB. Mais je suis pour les expérimentations à Paris, y compris pour l’avocat en entreprise. La notion d’expérimentation a cet intérêt, c’est-à-dire que Paris peut être une sorte de laboratoire, pas un exemple à suivre, plutôt un exemple illustration, un essai en taille réelle. »

Olivier Cousi Nathalie Roret Barreau de Paris