La médiation, pour créer un cadre de confiance entre les parties prenantes
Dans le cadre de la semaine de la médiation, la cour d’appel de Paris a accueilli, le 13 octobre 2025, un intéressant colloque sur le devoir de vigilance et la médiation. Divers intervenants se sont succédé au pupitre afin d’expliquer l’intérêt de la médiation comme outil d’élaboration du plan de vigilance et comme moyen de résolution des conflits liés au devoir de vigilance à l’ère post-judiciaire. Synthèse.
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ès l’introduction du colloque, un paradoxe a été relevé : le contentieux du devoir de vigilance, très médiatisé, est souvent considéré comme un contentieux d’influence. La question se pose donc de savoir si la médiation pourrait être un mode de résolution approprié pour ces questions. Mais en dépassant cet a priori, selon les intervenants, la recherche de solutions équilibrées et durables correspond bien aux objectifs vertueux du devoir de vigilance.
La médiation,
pour créer un climat de confiance
Le colloque était réparti en deux tables rondes, respectivement consacrées à la médiation comme outil de prévention, puis comme outil de résolution des conflits. Dans les deux cas, le panel s’est accordé pour constater que la philosophie de la médiation et ses méthodes étaient de nature à créer un climat de confiance propice à un dialogue fécond entre parties prenantes, que ce soit en amont, lors de l’élaboration du plan de vigilance, ou en cas de conflit postérieur. Pour Éline Bardeau, chargée de mission droits humains au sein du Pacte spécial de l’ONU, la médiation porte en elle des principes directeurs de nature à favoriser la confiance, en encourageant des méthodes de dialogue horizontal permettant d’aboutir à la co-construction exigée par les textes et les juges, notamment aux termes de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 juin 2025. Julie Vallat, vice -présidente du département droits de l’homme chez L’Oréal et Mathilde Frapard, juriste en charge des questions européennes et internationales auprès de la CFDT, ont surenchéri soulignant que cet outil avait l’avantage de mettre en avant la notion de bonne foi et de solliciter l’expertise de chacun.
Délimiter le champ de la médiation
Matthieu Brochier, associé du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier a cependant averti : pour qu’une médiation réussisse, il faut, au préalable, que l’ensemble des parties prenantes, qui sont très hétéroclites et ont des intérêts divers à faire valoir, se mettent d’accord sur une conception commune du devoir de vigilance et trouvent des points de convergence. Marie-Annick Darmaillac, ancienne magistrate et désormais administratrice indépendante, a même ajouté qu’il serait illusoire de vouloir mener une médiation sur tous les fronts. Il convient de prioriser certaines questions, de peur de voir la médiation s’enliser. Claude Amar, médiateur, a expliqué que pour résoudre cette difficile équation, la personnalité et l’expérience du médiateur sont essentiels et qu’il est même possible de s’entendre en amont, lors de la phase de prévention, pour faciliter une médiation ultérieure en phase de conflit. Il a donc suggéré d’intégrer la médiation au stade de l’élaboration du plan de vigilance, et de fixer ainsi son cadre : désignation du médiateur, questions à résoudre en priorité, etc. À cet égard, Matthieu Brochier s’est voulu prévenant : « La médiation ne doit pas être réservée au procès, mais on ne négocie pas une issue de conflit comme on négocie un contrat ».
Médiatiser la médiation ? à méditer…
Le caractère public ou non de la médiation peut également être prévu. Et ce sujet de la confidentialité est également crucial en présence d’intérêts divergents, avec des entreprises qui préfèrent rester discrètes et des ONG ou collectifs de citoyens qui ont besoin de publicité, comme l’a souligné Magdalena Neglia, de la FIDH. « On pourrait par exemple, convenir de la confidentialité du processus de médiation et de la publicité de son résultat », a suggéré Claude Amar. Sophie Valay-Rivière, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, a alors posé la question du rôle du juge et les intervenants se sont interrogés sur le point de savoir si en cas d’intérêts divergents, la médiation judiciaire, plus incitative, pourrait prévaloir sur la médiation préalable ou conventionnelle. Pour Vincent Vigneau, président de la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui concluait les débats, autour de ces questions environnementales se nouent d’importants enjeux sociétaux qu’il peut être bon de faire trancher par le juge, d’autant plus que le droit de l’environnement est un droit nouveau, encore en construction. « La médiation a son utilité, mais ne doit pas systématiquement remplacer le procès climatique qui a aussi pour vocation d’éduquer la société ». Sur ces questions, il est, pense-t-il, important de créer de la jurisprudence et des référentiels. Et de proposer, pour résoudre ce dilemme, de réserver la médiation aux dossiers où le dialogue est envisageable et d’aller au procès lorsque l’exemplarité s’impose.