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La communauté des juristes au chevet des entreprises malades du Covid-19

Par Anne Portmann

Une initiative commune portée par les acteurs du monde juridique vise à aider les entreprises qui ont connu des difficultés du fait de la crise sanitaire, en créant une plateforme temporaire de conciliation. L’objectif est de désengorger les juridictions commerciales et d’aider gracieusement les entreprises à faire face à l’inexécution contractuelle de leurs partenaires commerciaux.

«Un hôpital de campagne au service des entreprises ». C’est ainsi que les différents intervenants du monde juridique qualifient l’initiative commune qui les rassemble et vise à épauler les entreprises durement éprouvées par la crise sanitaire. Magistrats consulaires, directeurs juridiques, professeurs de droit, arbitres et avocats ont imaginé, avec le soutien d’instances professionnelles telles que, notamment, l’association Paris Place de droit, l’Association française des juristes d’entreprises (AFJE), le Cercle Montesquieu, le tribunal de commerce de Paris et le barreau de Paris, une plateforme, voie temporaire de résolution, par la conciliation, des litiges nés de l’inexécution des obligations contractuelles du fait de la crise sanitaire. Les professionnels craignent en effet l’afflux massif de dossiers de ruptures contractuelles liés à la crise sanitaire, qui pourraient engorger juridictions et instances arbitrales. Quelque 150 professionnels issus du monde du droit mettent gracieusement leurs compétences au service des entreprises afin de distinguer, dans un premier temps, les dossiers qui nécessitent un traitement judiciaire classique, pour lesquelles les parties seront invitées à saisir le tribunal de commerce, de ceux qui se prêtent à la mise en place d’une mesure de conciliation qui pourra intervenir dans des délais rapides pour éviter un traitement judiciaire ou arbitral du litige. Le processus couvre les litiges relatifs à la conclusion et à l’exécution de contrats commerciaux, tels que la rupture brutale des relations commerciales, le changement des conditions contractuelles, la mise en œuvre des garanties, les impayés, l’inexécution, les pénalités et le désaccord sur la nature du bouleversement des circonstances (force majeure, imprévision). Mais la plateforme n’a pas vocation à traiter les litiges relatifs aux baux commerciaux, au droit bancaire, aux brevets, aux procédures collectives et à la commande publique.

Procédure

Les parties formulent une requête conjointe en ligne sur la plateforme digitale collaborative www.tiers-conciliateurs.fr, qui couvre tout le territoire national et s’acquittent des frais de fonctionnement d’un montant de 100 € chacune. Après vérification de la recevabilité de la demande (qualité de commerçant, litige lié à la crise sanitaire, etc.), un tiers conciliateur, chargé de trouver un accord entre les parties tout en s’assurant de la préservation de leurs droits (aménagement conventionnel délais de prescription, confidentialité des réunions de négociations, etc.), leur sera désigné. Les parties seront alors rapidement convoquées pour des réunions, soit sous forme de vidéoconférence, soit en présentiel, si la complexité du dossier l’impose. Le tiers conciliateur désigné tentera de trouver un accord en fonction de l’analyse de la situation juridique des parties et, le cas échéant, identifiera une voie de facilitation sous la forme d’un avenant contractuel ou d’une transaction susceptible d’homologation par le tribunal de commerce, qui aura alors force exécutoire. Les parties peuvent décider, à tout moment, de mettre fin au processus et informant le tiers conciliateur. Ce dernier peut également stopper la conciliation s’il constate un désaccord persistant, qui empêcherait de trouver un accord dans un délai rapide. Les parties seront alors orientées vers les voies habituelles de règlement des conflits. « Ainsi, se fera naturellement un premier tri de l’urgence entre les affaires susceptibles de se régler rapidement, par la voie de cette tierce-conciliation, et celles qui, à défaut d’accord, retrouveront les voies classiques de résolution des contentieux », a-t-il été indiqué pendant la conférence.

Charte éthique

Parties et conciliateurs s’engagent, au cours du processus, à respecter les principes contenus dans la charte éthique qui régit le fonctionnement de la plateforme et les négociations. Le document insiste notamment sur les notions de bonne foi et de confiance, vertus cardinales en cas de recours à cette démarche. La confidentialité est également de mise, parties comme conciliateurs s’interdisant de dévoiler à des tiers les éléments dont ils pourraient avoir connaissance. Un comité de suivi est mis en place, auprès duquel les conciliateurs sont notamment invités à déclarer toute situation qui pourrait créer un doute quant à leur impartialité ou à un conflit d’intérêts.

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