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Une chambre du contentieux international au tribunal de commerce de Nanterre

Par Anne Portmann

À la fin de l’année 2019, l’ancien président du tribunal de commerce de Nanterre a signé, avec le bâtonnier des Hauts-de-Seine, un protocole d’accord afin de mettre en place une chambre internationale en son sein. Interview croisée de l’actuel président, Jacques Fineschi, de la présidente de cette nouvelle chambre, Aline Montel, et de Laurent Pitet, magistrat consulaire, qui nous présentent cette chambre en détail.

Pourquoi avoir créé cette chambre du contentieux international au sein du tribunal de commerce de Nanterre ?

Jacques Fineschi  : L’idée de départ était de rendre un service de standard international aux justiciables du département des Hauts-de-Seine, qui est le premier département de France en termes de PIB. Il abrite 11 entreprises du CAC 40 et beaucoup d’entreprises multinationales qui ont une activité en lien avec l’étranger. C’est la raison pour laquelle mon prédécesseur, Frédéric Dana, a signé le 16 décembre 2019, avec le bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine, Vincent Maurel, un protocole visant à mettre en place cette chambre du contentieux international, en présence du premier président de la cour d’appel de Versailles, du procureur de la République près la cour d’appel, du procureur de la République des Hauts-de-Seine et de la présidente du tribunal judiciaire de Nanterre.

Laurent Pitet : Dans quelques mois, une chambre internationale sera également mise en place au sein de la cour d’appel de Versailles, qui sera la juridiction d’appel des jugements rendus par cette nouvelle chambre internationale. La création d’une chambre miroir à la cour d’appel de Versailles est une condition essentielle pour permettre la cohérence du mécanisme qui a été mis en place.

Quelles sont les compétences de cette nouvelle chambre ?

Aline Montel  : La chambre internationale du contentieux sera compétente lorsque l’affaire présente un élément d’extranéité et/ou que le droit étranger est susceptible de s’appliquer. À cet égard, il n’y a pas de différence fondamentale avec le protocole signé le 7 février 2018 qui a formalisé la création de la chambre internationale au sein du tribunal de commerce de Paris (Voir notre article dans la LJA n° 1337). La compétence pourra également résulter d’une stipulation contractuelle. Cet élément d’extranéité s’applique quels que soient les enjeux financiers des contentieux qui seront soumis à cette chambre, sans montant minimum des demandes formées dans le cadre des instances.

L. P.  : Cette chambre du contentieux international a existé à Nanterre il y a quelques années, puis elle a disparu, les affaires étant réparties dans les différentes chambres, au gré des compétences des magistrats consulaires. C’est surtout la perspective du Brexit qui a été le déclencheur de la formalisation et de la volonté de mettre en place une chambre spécialisée avec des juges qui connaissent bien le droit étranger et le monde du droit des affaires et sont à même d’appréhender la complexité d’un contentieux présenté dans une langue étrangère.

Comment avez-vous choisi les magistrats qui siègent au sein de cette nouvelle chambre ?

A. M.  : Les neuf magistrats qui composent la chambre du contentieux international doivent être juges consulaires depuis au moins quatre années, parler anglais et avoir eu une vie professionnelle à l’occasion de laquelle ils ont été impliqués dans le monde international des affaires. En ce qui me concerne, j’ai été juriste d’affaires dans une société de travaux publics qui travaille au niveau mondial, puis dans le secteur de la pétrochimie. J’ai ensuite été directrice juridique d’une société qui œuvrait dans l’industrie pétrolière sous-marine.

L. P.  : Je suis quant à moi, depuis 1988, juriste au sein de groupes internationaux. J’exerce aujourd’hui les fonctions de directeur juridique et de compliance officer dans l’un des premiers laboratoires pharmaceutiques mondiaux. Nos collègues juges consulaires viennent de secteurs variés : il y a des juristes, bien sûr, mais aussi des femmes et des hommes venant d’univers économiques tels que le secteur bancaire, la sidérurgie, l’industrie pharmaceutique, l’agro-alimentaire, la finance internationale, l’informatique ou l’électronique… Par ailleurs, la chambre pourra, si besoin, s’adjoindre les compétences d’autres magistrats consulaires ne siégeant pas au sein de la chambre proprement dite, mais ayant une expertise technique de haut niveau qui pourrait être ponctuellement intéressante pour un dossier spécifique porté devant elle.

Concrètement, comment fonctionnera la chambre ?

A. M. : Le protocole signé entre le tribunal de commerce de Nanterre et le barreau des Hauts-de-Seine propose aux parties d’utiliser des outils qui existent dans le Code de procédure civile mais ne sont pas suffisamment exploités. Ainsi, par exemple, il sera possible de produire des pièces en langue anglaise, ce qui génère des économies en termes de temps et d’argent. À l’audience, il sera possible d’analyser de manière plus approfondie des pièces, d’interroger des témoins, de prévoir la présence des parties.

J.F. : Les témoins et les parties pourront être entendus en visioconférence et la chambre dispose d’une salle dédiée. Le protocole prévoit également la mise en place un calendrier procédural précis et contradictoire. Cela permettra de donner aux parties des perspectives temporelles et donc une visibilité sur le coût des procédures initiées.

A.M. : À l’instar de ce qui se passe dans les procédures d’arbitrage, les parties connaîtront en effet les dates d’audition des experts et des témoins, les dates de plaidoirie, la date du prononcé du jugement. C’est une contractualisation de la procédure dans le respect des règles du Code de procédure civile. Par ailleurs, elles bénéficieront des garanties offertes par le droit procédural français, ce qui constitue aussi un réel facteur d’attractivité.

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