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Managers de transition en juridique et en fiscal : « Nous sommes dans une phase entre l’attente et le rebond »

Par ANNE PORTMANN

Le cabinet Robert Walters publie le premier baromètre européen du management de transition. L’étude témoigne d’une accélération de tendances amorcées avant la crise sanitaire sur les besoins des entreprises en matière juridique et fiscale. Interview d’Amélie Lobry qui dirige la pratique.

Quels changements avez-vous constatés dans les demandes et les besoins des entreprises postérieurement au confinement ?

Je ne parlerai pas de changements, mais plutôt d’une évolution, car cette appétence des entreprises pour les managers de transition existait déjà auparavant. Les clients avaient pris conscience du fait que les managers de transition, expérimentés, autonomes et compétents, étaient immédiatement opérationnels, ce qui présentait des avantages importants. La crise sanitaire a donné encore plus d’attractivités à cette fonction qui est aujourd’hui de plus en plus sollicitée. En effet, la période actuelle n’incite pas les groupes à s’engager sur le long terme, faute de visibilité. Toutes les entreprises sont dans une période de latence, en attente de besoins qui ne s’avèreront que plus tard, lorsque nous serons sortis de la crise sanitaire que nous vivons encore aujourd’hui en dépit du déconfinement.

Le besoin de managers de transition existait-il déjà et pensez-vous que cela durera ?

Selon moi, la crise n’a fait qu’accentuer un mouvement qui est né avant le confinement. La tendance au recours d’un manager de transition « à la carte » existait déjà, mais elle a été renforcée par les incertitudes que réserve l’avenir économique. Je pense que ce besoin va encore grandir et que la tendance, qui ira croissante, sera pérenne, pour le dernier trimestre 2020 et en 2021, au moins.

Quelles compétences sont particulièrement recherchées par les entreprises ?

Pour le moment, la demande porte sur des personnes compétentes en M&A en premier lieu. Les entreprises réalisent beaucoup d’acquisitions, il y a de nombreuses cessions et restructurations. Ensuite, c’est dans le secteur de la data protection que les entreprises recherchent des profils. Elles veulent renforcer les contrats de ce point de vue. Enfin, les questions de compliance et de lutte anti-blanchiment préoccupent beaucoup, avec l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2. En ce qui concerne les secteurs d’activité, c’est dans le secteur de la santé que les besoins sont importants. Dans le secteur social, la demande n’est étonnamment pas très importante, mais il faut dire que les DRH n’ont pas souvent les ressources pour recruter des managers de transition. Cela commence un peu à frémir au niveau des relations sociales, car des plans sociaux se préparent.

Quelles évolutions notables avez-vous notées concernant la rémunération des managers de transition ?

La courbe va en décroissant. Les entreprises ont certes d’importants besoins, mais elles cassent les prix et n’hésitent pas à étudier d’autres possibilités comme des recrutements internes, car elles sont budgétairement contraintes. Il faut aussi dire qu’avant le confinement, il y avait sur ces matières une pénurie de candidats. C’est un peu moins vrai aujourd’hui. Mais en ce qui concerne les candidats, nous sommes également dans une phase « entre deux ». Pour le moment nous n’avons pas encore de personnes qui étaient en CDI et qui ne parviennent pas à en retrouver un autre, mais ces candidats vont progressivement arriver sur le marché. Les profils recherchés sont des seniors expérimentés, opérationnels, passés dans différents grands groupes et autonomes. Ils doivent avoir ce que l’on appelle une autorité naturelle. Surtout, ils doivent être en mesure de travailler au sein d’un environnement pressurisant. Des skippers capables de naviguer dans la tempête. Il y a dix ans, nous étions plutôt sur des quinquagénaires, mais la moyenne d’âge a aujourd’hui un peu baissé et les profils-types ont 45-55 ans. Les managers de transition, en juridique, sont plus souvent des femmes, car cette façon de travailler est plus facile à mettre en place auprès d’elles. Cela est moins vrai en fiscalité. La durée des contrats varie de 6 à 12 mois et là, on constate une évolution, avec des missions de plus en plus longues. La moyenne est actuellement de douze mois, le plus souvent, six mois renouvelés une fois.

Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes qui voudraient se lancer dans l’activité de manager de transition ?

L’activité en management de transition est contra cyclique, ce qui veut dire que nous en récoltons encore davantage les fruits en temps de crise. Il faut être prêt à sauter le pas et être dans la posture et l’état d’esprit idoine pour cette activité, qui ne doit pas être exercée faute de mieux. Cela ne doit pas être alimentaire ou s’assimiler à de l’intérim. C’est davantage ceci qu’il faut garder à l’esprit, plutôt qu’une question de timing pour se lancer. Le premier critère de motivation pour exercer cette activité n’est pas la rémunération, mais plutôt la volonté réelle d’apporter des solutions aux entreprises.

Robert Walters Amélie Lobry