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« Les entreprises doivent prendre la mesure de la volonté politique du Conseil de la concurrence marocain »

Par Ondine Delaunay

Récemment réactivé, le Conseil de la concurrence marocain organisait à Rabat une conférence Internationale sur le thème « Politiques et droit de la concurrence, expériences nationales et partenariat international ». Frédéric Puel, associé de Fidal et Virginie Rebeyrotte, senior qui exerce au sein du bureau marocain du cabinet, étaient présents.

Dans quel contexte s’est inscrite cette conférence ?

Sous l’impulsion du Roi Mohamed VI, le Conseil de la concurrence marocain a été réellement réactivé, il y a un an, avec la nomination de Driss Guerraoui en tant que président, ainsi qu’une série de membres du collège. Une dynamique a depuis été impulsée témoignant de la volonté d’attractivité du royaume. Les règles de droit édictées doivent être respectées par tous les acteurs économiques. Rappelons que le Maroc est passé, en onze ans, de la 129e place à la 53e place dans l’économie mondiale selon le classement Doing Business. C’est le principal pays d’Afrique du Nord en termes d’activité économique et les instances politiques veulent très clairement conforter leur position et renforcer la compétitivité de l’économie nationale en consolidant leur gouvernance économique, afin notamment de rassurer les investisseurs.

Quelles sont les attributions du Conseil de la concurrence
marocain ?

Il est érigé comme une institution constitutionnelle indépendante dont l’approche est fondée sur la transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des opérations de concentration économique et de monopole. Le Conseil a été déjà eu à traiter de 105 saisines. Deux avis consultatifs ont été formulés et plus de quarante décisions de concentration économique ont été rendues. Quatre études sectorielles sont également en cours.

Un dossier fait en ce moment parler de lui en matière d’entente sur les prix des carburants. Selon la presse, les entreprises pétrolières impliquées auraient accepté de négocier avec le Conseil de la concurrence utilisant la procédure de non-contestation des griefs. On attend toujours la délibération du Collège, mais il s’agit d’un cas majeur pour ce récent Conseil marocain.

Qu’est ce qui a été proposé durant cette conférence ?

Le libellé des dispositions du droit de la concurrence marocain est très proche de celui du Code de commerce français et du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. Cette conférence était l’occasion, pour les membres du Conseil marocain, d’échanger avec leurs homologues étrangers sur les aspects techniques de la loi et les best practices à mettre en œuvre. Les débats ont par exemple porté sur l’efficacité des contrôles, ou encore sur la révolution numérique et son impact sur le droit de la concurrence. Il a également été question de démocratie et de justice sociale, de gouvernance mondiale de la concurrence et de macro-économie. La CNUCED a été entendue, l’OCDE mais aussi la Banque mondiale. Des échanges ont ensuite été organisés, à travers des tables rondes, avec des représentants de nombreuses autorités nationales et notamment autrichienne, britannique, brésilienne, japonaise, indienne, gambienne, sud-africaine ou encore avec la Commission européenne. Les échanges étaient absolument passionnants et les discussions ont été très constructives. Le Conseil de la concurrence a d’ailleurs annoncé qu’il s’apprêtait à publier des communiqués de procédure dans différents domaines, notamment sur la question des engagements ou de la procédure de non-contestation des griefs. C’est une façon de procéder qui nous est assez familière puisque l’Autorité française a recours à cette même méthode pédagogique.

Quel est aujourd’hui l’enjeu pour les entreprises internationales ?

Elles doivent désormais prendre la mesure de la volonté politique du Conseil et se mettre en conformité avec les exigences des textes marocains. Pour avoir une activité économique au Maroc, il faut dès à présent être dans les clous sur le plan du droit de la concurrence sous peine d’être contrôlé, puis sanctionné. Les entreprises implantées au Maroc ou développant une activité économique dans le royaume doivent savoir quelles mesures respecter et s’assurer de prendre le virage attendu par l’autorité de contrôle. Il est donc important qu’elles se fassent assister par des cabinets juridiques très implantés qui interviennent sur ces problématiques techniques. Fidal a d’ailleurs ouvert un bureau à Casablanca il y a un an qui est centré sur les questions juridiques (PPP, Infrastructure, M&A) et qui développe désormais une activité en droit de la concurrence. L’équipe concurrence assiste les entreprises et les fédérations dans l’analyse de leurs pratiques sur le marché, met en place des programmes de conformité concurrence, conseille sur les projets en cours ou à venir et, si besoin, prépare les dirigeants et les salariés à d’éventuelles enquêtes ou perquisitions.