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Le HCJP propose une procédure d’arbitrage adaptée aux matières bancaires et financières

Par Aurélia Granel

Dans un rapport publié récemment, le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris propose l’instauration d’une procédure d’arbitrage institutionnelle adaptée en matière bancaire et financière. Gérard Gardella, secrétaire général du HCJP, revient sur les préconisations phares.

Le HCJP vient de publier un rapport sur l’arbitrage en matière bancaire et financière. Pour quelles raisons ?

Le Brexit fait craindre que de nombreuses parties contractantes européennes soient négativement impactées par la fin, au sein de l’Union européenne (UE), de la reconnaissance et de l’exécution automatique des décisions de justice rendues au Royaume-Uni. En raison de l’important volume de contrats conclus en droit anglais dans les matières bancaires et financières, contenant une clause attributive de compétence au bénéfice des juridictions anglaises ou d’un arbitrage à Londres, le HCJP a estimé qu’il fallait offrir à Paris une alternative à la voie purement judiciaire, afin de renforcer l’attractivité de cette place financière. Après avoir rappelé les atouts de l’arbitrage et présenté les institutions implantées sur la place de Paris, telles que l’Association Française d’Arbitrage (AFA), le Centre de Médiation et d’Arbitrage de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CMAP), ainsi que la Chambre de Commerce Internationale (CCI), un groupe de travail pluridisciplinaire, présidé par Alain Lacabarats, président de chambre honoraire à la Cour de cassation et membre du HCJP, s’est intéressé au recours contrasté des banques et des sociétés financières à l’arbitrage, avant de formuler des propositions visant à proposer une procédure adaptée en matière bancaire et financière.

Pourquoi les acteurs bancaires et financiers sont-ils réticents à recourir à l’arbitrage ?

Les banques, ainsi que les sociétés financières et de gestion, ont depuis longtemps en France, pour diverses raisons, une certaine réticence à recourir à l’arbitrage. Pourtant, dans les contrats financiers tels que les produits dérivés, les associations de place comme l’International Swaps and Derivatives Association (ISDA) ont proposé aux établissements des modèles de clause que les parties peuvent insérer dans leur contrat pour soumettre tout litige lié au contrat à l’arbitrage. Le coût est l’une des raisons de la réticence des acteurs bancaires et financiers vis-à-vis de l’arbitrage, à une époque où les directeurs juridiques doivent gérer des budgets restreints. Et la justice publique est nettement moins chère que l’arbitrage. De même, l’idée reçue selon laquelle l’arbitrage serait plus rapide que la justice, n’est vraie que dans les pays où cette dernière est lente, ce qui n’est pas le cas de la France, de l’Allemagne, ni de la Belgique ou encore du Luxembourg. Au contraire, en France, les délais de l’arbitrage sont devenus, du fait de la complexification des procédures, de plus en plus longs. Or, un certain nombre de contrats en matière bancaire et financière demandent une prise de décision rapide en cas de litige. Le temps est un facteur tout à fait essentiel lorsqu’il s’agit de recouvrer des sommes d’argent. C’est le cas des contrats ISDA par exemple, où le différend sera souvent lié à un défaut de paiement, ce qui pourrait très rapidement engendrer le dépôt de bilan de l’un des interlocuteurs. Finalement, quels atouts reste-t-il à l’arbitrage ? La confidentialité et le fait qu’il soit plus fiable que les tribunaux de certains pays. Mais, pour les acteurs bancaires et financiers, ces deux éléments sont insuffisants pour privilégier l’arbitrage en cas de différend.

Quelles sont les principales recommandations de ce rapport ?

Le groupe de travail a estimé qu’une procédure d’arbitrage institutionnelle adaptée aux matières bancaires et financières prenait la forme d’une procédure accélérée. La CCI en possède une, mais devrait améliorer son dispositif. Cette procédure accélérée idéale instaurerait la possibilité pour les parties de recourir à un arbitre unique, de fixer un calendrier resserré dès le début de la procédure, mais aussi d’utiliser différents outils technologiques (visioconférence, logiciel de partage de documents en ligne, etc.). Les règlements des centres d’arbitrage devraient également permettre aux parties de définir en amont le nombre de mémoires pouvant être échangés, d’encadrer le recours aux témoignages et les modes d’administration de la preuve, mais aussi d’obtenir, comme c’est déjà le cas pour la procédure accélérée de l’ICC, des mesures provisoires et conservatoires. Dans sa deuxième recommandation, le HCJP préconise aux institutions de proposer une procédure à des coûts maîtrisés. Un barème indicatif donnerait aux parties, dès le début de la procédure, en fonction du nombre d’arbitres, de la complexité de la procédure et du nombre de témoins, une estimation du coût de l’arbitrage. Par ailleurs, il serait utile que les institutions arbitrales proposent une liste d’arbitres compétents en matière bancaire et financière, afin de rassurer les opérateurs quant à leurs qualités. Ils sont parfois inquiets par rapport à l’imprévisibilité des sentences arbitrales : les arbitres connaissent-ils ces matières et peut-on leur faire confiance sur leur interprétation ? Sans liste, de nombreuses sociétés financières de petite ou moyenne taille, pour lesquelles le monde de l’arbitrage est étranger, seraient perdues si elles devaient y avoir recours demain. Enfin, pour assurer la prévisibilité des sentences, il est recommandé aux institutions d’arbitrage de publier une base de données anonymisée qui permettrait aux opérateurs d’analyser leur situation par rapport aux sentences arbitrales déjà rendues. Dans la dernière partie de son rapport, le groupe de travail a illustré les recommandations qu’il a effectuées, en les adaptant à la procédure accélérée existante de l’ICC. Les centres d’arbitrage de la place de Paris doivent désormais initier les changements préconisés par le HCJP. Grâce à l’élaboration de différents outils de communication, il conviendra ensuite de faire connaitre ces procédures accélérées améliorées ou nouvellement créées auprès des acteurs bancaires et financiers, pour les aider à surmonter leur réticence à recourir à l’arbitrage

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