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Le coworking, une solution pour l’avocat du futur ?

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1377 du 17 décembre 2018

Sur proposition d’Avocats.be, l’Ordre des barreaux francophones et germanophones de Belgique, Stanislas van Wassenhove, associé du cabinet Taquet Clesse & Van Eeckhoutte, a rédigé une étude sur les opportunités qu’offre le coworking à la profession d’avocat. Il nous explique en quoi ce mode de travail pourrait constituer une solution adaptée à l’avocat de demain.

Qu’est-ce que le coworking ?


Le terme a été inventé aux États-Unis, à San Fransisco, dans les années 2000. Il s’agit de la mise à disposition d’espaces de travail permettant de partager les coûts de fonctionnement et de mutualiser les moyens entre ses membres. Il existe 600 espaces de ce type en France. Plus de quatre millions personnes (soit 17 % de la population active) y travailleraient plus d’une fois par semaine. Grâce au développement des nouvelles technologies, les travailleurs d’aujourd’hui sont encouragés à devenir mobiles, à exercer en réseau et à échanger avec des équipes qu’ils ne croisaient pas jusqu’à présent. Il est frappant de constater que les générations millénials ne cherchent plus un lieu de travail fixe. Et les espaces de coworking peuvent constituer une solution pour leur permettre de se retrouver pour échanger avec leurs collègues.

L’exercice de la profession d’avocat est-elle compatible avec les nouveaux modes de travail en coworking ?


Je le crois. Le mode d’exercice traditionnel où l’avocat exerce seul dans un bureau fermé constitue un frein à sa créativité et au développement d’une culture du travail en équipe. Le numérique a déjà impacté le fonctionnement même des cabinets et la manière dont les professionnels du droit organisent leur travail. La jeune génération cherche aujourd’hui à travailler dans un univers agile, mobile, collaboratif. Cette mutation de l’exercice professionnel implique une redéfinition de l’espace. Le coworking répond donc au défi de l’avocat digital.

S’y ajoute également une justification financière, car face à une pression toujours plus forte des clients sur les taux horaires et à la concurrence croissante des legaltech, la location de locaux est un coût non négligeable pour un avocat et peut être un obstacle pour les jeunes désireux de se lancer dans le métier. Kami Haeri avait d’ailleurs dénoncé ces freins dans son rapport, en appelant la profession à concentrer ses efforts vers une conduite du changement. Résister au changement est un luxe qui ne sera pas ouvert aux avocats. Le coworking pourrait constituer une réponse pertinente et représenter une alternative au mode de fonctionnement classique en cabinet.

Le coworking réservé aux avocats existe-t-il déjà en France ?


Absolument. En 2009, le barreau de Paris avait ouvert une « pépinière » en plein cœur de la capitale pour permettre aux avocats de bénéficier des services d’un cabinet en temps partagé, à un coût peu élevé. L’espace, désormais géré par un réseau de centres d’affaires international, se compose d’une vingtaine de bureaux privatifs et une vingtaine de place en coworking. Avocap a également vu le jour en 2006. 1400 m2 qui accueillent 144 cabinets, soit environ 246 avocats. Tout le matériel informatique et le service de liaison avec le palais est fourni. Et une formule d’abonnement permet même de mutualiser les collaborateurs ! C’est une véritable communauté de travail qui est dédiée aux avocats.

Mais à une époque où l’interprofessionnalité est au cœur des préoccupations de nos métiers du droit, je crois qu’il serait souhaitable de privilégier des immeubles de travail « multiprofessionnels », avec des zones dédiées aux avocats. Ils constitueraient un atout pour mettre en place des projets communs. L’avocat peut devenir un point de contact central pour réunir et coordonner plusieurs professionnels dans l’intérêt du client. D’ailleurs de nombreux avocats sont déjà installés dans des tiers -lieux comme Wework.

Ces lieux partagés permettent-ils de garantir l’indépendance et le secret professionnel ?


Assurément. Il faut que l’avocat vive avec son temps. Le coworker devra être le plus souvent paperless. Les dossiers ne peuvent subsister dans un espace partagé au sein d’un tiers-lieu. L’avocat doit donc avoir recours au cloud pour sauvegarder ses données. Il faudra néanmoins qu’il s’assure que le serveur dédié au coworking réponde aux conditions de sécurité nécessaires.

S’agissant de la confidentialité des échanges, que ce soit lors de conversations téléphoniques ou de réunions, il pourra utiliser les lieux privatifs – salles de réunion ou cabines téléphoniques fermées - qui sont proposés par les espaces de coworking. Mais il appartient à l’avocat de se montrer irréprochable sur la maîtrise de son secret professionnel et de son indépendance. Charge aux espaces de coworking de proposer des aménagements de qualité pour permettre aux avocats de recevoir leurs clients dans des conditions de dignité et de confort suffisantes. Dans des locaux dédiés à la profession, l’organisation respectant la confidentialité et le secret professionnel sera bien entendu plus facilement mise en œuvre.

Informations : http://www.anthemis.be/index.php/le-coworking.html 

Barreau de Paris Stanislas van Wassenhove Taquet Clesse & Van Eeckhoutte LJA1377 Avocats.be