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Interview de Marc Mossé, dauphin de l’AFJE

Par Anne Portmann
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires N°1337 - 12 février 2018

À l’occasion de la journée de l’AFJE (Association française des juristes d’entreprise), le 6 février dernier, au cours de laquelle se tenait un colloque consacré à la géographie du droit, Marc Mossé a été désigné par le conseil d’administration pour succéder à la présidente, Stéphanie Fougou, en 2019. Interview.

Comment voyez-vous l’avenir des juristes d’entreprise et de l’AFJE ?


Nous sommes à un tournant et nous l’abordons très positivement. Le métier de juriste d’entreprise est l’un des plus excitants du moment. Nous pouvons en être fiers ! Le nombre des adhérents à l’AFJE atteint environ 5 000. L’association se porte très bien et elle représente l’ensemble des juristes d’entreprise, du directeur juridique au juriste junior. Le métier aussi se porte bien, avec, depuis 2010, une hausse de 7 % du recrutement des juristes d’entreprise. La fonction est de plus en plus professionnalisée et les juristes d’entreprise vont de plus en plus sur de nouveaux terrains comme la compliance, la RSE ou les affaires publiques. À cette croissance professionnelle s’ajoute une ouverture à l’international qui concerne la profession, et donc aussi l’association, qui a de plus en plus d’influence à l’étranger. L’AFJE va d’ailleurs ouvrir un bureau à Bruxelles, en partenariat avec l’ECLA, la confédération européenne des associations nationales de juristes d’entreprise.

Stéphanie Fougou a été désignée présidente pour 2018 et vous avez d’ores et déjà été désigné pour lui succéder l’année prochaine. Comment va se passer ce mandat ?


Le conseil d’administration a prolongé le mandat de Stéphanie Fougou pour un an et a en même temps introduit une innovation de gouvernance qui témoigne de l’importance et de la croissance de l’association. Afin d’assurer continuité et fluidité, une sorte de dauphinat a ainsi été mise en place et j’y ai présenté ma candidature pour être président dès la fin du mandat de Stéphanie. C’est un très grand honneur et j’en suis heureux tant l’AFJE est une belle équipe. Au cours de cette période, je continuerai de travailler mano en la mano avec Stéphanie et le Conseil d’Administration, dans une logique de tuilage et de transmission des dossiers, notamment, mais pas seulement, en ce qui concerne la présence de l’AFJE auprès des pouvoirs publics, et en région. Le Grenelle du Droit est notamment l’un des projets qui nous tient à tous deux très à coeur. La première édition a été un grand succès, avec plus de 1 000 personnes inscrites. Ce succès s’est prolongé avec le « do thank » Tous Droits Devant. Nous allons donc évidemment organiser un Grenelle 2 en 2018.

Quels seront les autres grands axes du mandat de la présidence en 2018 ?


L’un des grands axes sera d’abord la transformation digitale des métiers du droit et la préparation à cette transformation, notamment à destination de la jeunesse. Beaucoup d’étudiants et de jeunes avocats ont assisté au premier Grenelle du droit. L’un des enjeux sera donc la formation initiale et continue : nous voulons créer une grande filière unie du droit, car c’est nécessaire dans un contexte de globalisation des affaires. La complexification du droit rend essentielle l’émergence d’une grande profession du droit, d’une grande communauté juridique, notamment pour asseoir l’influence du droit français à l’international. C’est pourquoi nous développons également un réseau des juristes d’entreprise francophones.

Qu’en est-il du legal privilege, notamment maintenant que le Conseil d’État a annulé la décision du CNB permettant aux avocats d’ouvrir un bureau secondaire en entreprise ?


Nous n’avons jamais été favorables au bureau secondaire en entreprise. Pour autant, nous voulons continuer à travailler dans le dialogue avec les avocats. L’AFJE est animée par la force et l’attractivité du droit français et la compétitivité de nos entreprises. Nous sommes loin de toute approche corporatiste et voulons oeuvrer dans l’intérêt de tous, et des jeunes générations notamment. La vraie question n’est pas de savoir si l’évolution vers une grande profession, dont le legal privilege sera un élément, va se concrétiser, mais plutôt quand et comment. C’est pourquoi nous sommes si attentifs à poursuivre le dialogue de qualité que nous avons déjà avec les avocats et notamment l’Ordre de Paris, le CNB et la Conférence des bâtonniers. Les professionnels du droit doivent s’adapter aux nouveaux enjeux et nous devons collectivement réfléchir à là où se trouve notre valeur ajoutée. C’est l’intérêt de la famille des juristes.

Comment expliquez-vous l’essor de la profession ?


Les juristes d’entreprise ont un rôle de plus en plus stratégique, ils deviennent de plus en plus des business partners. Ce sont des acteurs essentiels de la vie de l’entreprise et ils sont à la croisée de tout un ensemble de questions : compliance, RSE, RGPD, prévention de la corruption, devoir de vigilance, ils dialoguent avec l’ensemble des parties prenantes. C’est l’une des professions les plus dynamiques que l’on puisse trouver. Par ailleurs, les directions juridiques rapportent, de plus en plus, directement aux directions générales, car celles-ci s’aperçoivent à quel point le droit est un élément moteur dans la construction et la réussite de leurs activités. C’est pour cela qu’il faut faire évoluer les juristes et les préparer aux nouveaux enjeux, comme leur faire acquérir des softs skills, dans beaucoup de domaines. De ce point de vue, le numérique est une chance !

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