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« Dans nos métiers, le recours aux quotas n’est pas facilement applicable »

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1405 du 15 Juillet 2019

Fondé en 2017, Elles & Droit a été conçu comme un lieu d’échanges et de réflexions pour les femmes du droit souhaitant dynamiser leurs carrières et participer à l’évolution de leurs métiers. L’association regroupe aujourd’hui plus de 80 membres : avocates, juristes d’entreprise, fiscalistes, notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, commissaires-priseurs, responsables d’affaires publiques… Rencontre avec Géraldine Astrup, avocate et présidente de ce réseau féminin.

Présentez-nous Elles & Droit

Elles & Droit est un réseau féminin qui regroupe les femmes praticiennes du droit, tous métiers et tous secteurs confondus. Avocates, juristes d’entreprise, fiscalistes, notaires, huissiers, commissaires-priseurs, administrateurs judiciaires, lobbyistes, intervenant en droit des affaires, immobilier, droit patrimonial, droit de la santé… Une diversité bien représentée au sein de notre bureau. L’objectif est de confronter nos idées et nos bonnes pratiques pour réfléchir à la fois aux mutations du secteur juridique (intelligence artificielle, legaltech, etc.) mais aussi à la place des femmes dans nos métiers. Nous ne sommes pas militantes par nature et le réseau est construit sur la bienveillance, avec la conviction profonde que nous partageons toutes la même volonté de faire grandir la place des femmes sur le marché en passant par le vecteur de l’échange et du partage d’expérience. Nous organisons au moins un évènement par trimestre, pour nous réunir et échanger sur des thèmes variés. Les thèmes abordés sont assez larges et liés au management, à la communication, la gestion de carrière, aux legaltech … Chaque année nous organisons en plus une conférence ouverte qui n’est pas exclusivement réservée à nos membres : en mai, nous avons eu l’honneur de recevoir Clara Gaymard, Hélène Bourbouloux et Lara Rouyrès pour discuter de l’impact des réseaux féminins dans la vie des affaires. Des éclairages complémentaires, dans la mesure où chacune évolue dans différents secteurs.

Vous avez fondé ce réseau il y a 18 mois, quel bilan tirez-vous de cette première année ?

Il y a eu, comme dans beaucoup de projets, une phase de rodage. Au départ, nous avions une véritable boulimie d’évènements, qui s’est avérée ne pas être adaptée à nos emplois du temps ! Aujourd’hui le rythme est bien arrêté et je crois que les membres trouvent ce qu’elles étaient venues y chercher. Le réseau crée aussi des synergies business entre nous et favorise les échanges métier. Nous menons en ce moment une réflexion sur le développement du coté associatif du réseau en nous emparant d’une cause liée aux femmes qui n’ont pas la chance comme nous d’avoir la parole. Le thème fait l’objet d’un vrai brainstorming collectif et est source de réel intérêt pour nos membres.

Quelle est votre position sur les quotas ?

La question des quotas est assez délicate car personne ne veut tomber dans un risque d’automatisme basique où des femmes sont à des positions de pouvoir car elles représentent le quota obligatoire. C’est perçu comme une humiliation pour elles. Ceci-dit, a-t-on vraiment le choix ? Hélas, les choses ne bougent pas assez vite. Dans certains pays scandinaves, le principe des quotas est imposé, mais les entreprises fixent elles-mêmes leurs seuils à atteindre. Elles doivent ensuite rapporter à l’État à la fin de chaque exercice pour indiquer quels efforts ont été mis en œuvre, et pour quelles raisons d’après elles ils n’ont pas été suffisants. Il faut en outre constater une forte une pression médiatique en pratique … De la sorte, le quota est fixé subjectivement dans chaque secteur concerné (ce qui n’est pas une aberration), et les entreprises sont contraintes d’être pro-actives. Cela encourage la réflexion et donc, le changement plus profond des mentalités. Et puis il faut être proactif. Notons par exemple que dans le numérique, les femmes sont clairement sous représentées… le collectif SISTA, qui dénonce l’inégalité d’accès aux capitaux pour les startups fondées par des femmes tente de bouger les lignes, et il a été rejoint par de nombreux hommes, c’est encourageant !

Qu’en est-il dans les professions juridiques ?

À leur arrivée sur le marché du droit, la proportion hommes/ femmes ne soulève aucune question. Quinze ou vingt ans plus tard, ce n’est plus la même histoire. Dans nos métiers, le recours aux quotas n’est pas facilement applicable, surtout chez les libéraux. En entreprise, c’est en revanche une vraie question. La revendication doit aussi être celle de la différence assumée. La bienveillance entre femmes ne suffit pas, bien sûr, mais elle est un vecteur important de développement des carrières et de l’économie de manière plus globale. C’est celui sur lequel le réseau mise pour l’instant, comme une sorte de soft skills réaliste pour faire changer les mentalités.


Références

Elles & Droit est une association 1901 co-fondée par Géraldine Astrup (Avocate, Astrup Avocats), Marie-Laure Baffoy (Notaire, Panhard & Associés), Amélie de Baudry d’Asson (Avocate, Dentons), Fanny de Belot (Responsable affaires publiques, Le Leem), Charlotte Cloix (Avocate, Goodwin), Alix Lefevre (Fiscaliste, Total) et Julie Molinié (Avocate, Racine).

Dentons Goodwin Hélène Bourbouloux Géraldine Astrup Total LJA1405 Elles & Droit Clara Gaymard Lara Rouyrès SISTA Astrup Avocats Marie-Laure Baffoy Panhard & Associés Amélie de Baudry d’Asson Fanny de Belot Le Leem Charlotte Cloix Alix Lefevre Julie Molinié