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Une hausse des dépenses juridiques internes en entreprise

Par Aurélia Granel

L’Association of Corporate Counsel (ACC) et Major, Lindsey & Africa (MLA) publient leur enquête annuelle, relative à l’évaluation comparative des directions juridiques à la pointe du secteur. Reposant sur les réponses de 427 directions juridiques dans des entreprises de toutes tailles issues de 24 secteurs et réparties dans 26 pays, les résultats démontrent que la part des activités internes dans la répartition des dépenses juridiques augmente, en particulier dans les petites entreprises.

Si l’édition précédente portait sur la diversité et l’inclusion, indiquant notamment qu’une stratégie a été établie par 47 % des entreprises en 2021, cette nouvelle enquête se concentre sur la gestion des directions juridiques, en fournissant des données exploitables liées à leurs dépenses juridiques internes et externes, à la répartition des effectifs ou aux mesures de la diversité, afin de fournir un benchmark financier et opérationnel les aidant à améliorer leurs performances financière et opérationnelle. Dans un premier temps, l’édition 2022 fait état d’une évolution mondiale des dépenses juridiques, précisant que les services dépensent plus en interne qu’en externe. En effet, 54 % des dépenses juridiques s’effectuent en interne, contre 51 % en moyenne en externe l’an dernier. La répartition des dépenses internes et externes continue de varier considérablement en fonction de la taille de l’entreprise, les petites organisations dépensant, en moyenne, davantage en interne, alors que les plus grandes directions juridiques déboursent davantage en externe. Un constat qui n’est guère étonnant : depuis la crise sanitaire, la direction juridique doit, comme toutes les fonctions de l’entreprise, se plier encore plus qu’avant à l’exercice budgétaire pour répondre aux exigences de prévisibilité du management et faire les économies souvent exigées des fonctions support.

S’intéressant notamment à la manière dont les directions juridiques françaises se sont organisées pour affronter la pandémie, la cartographie des directions juridiques 2021, publiée en octobre dernier (cf. LJA 1507), par Lexqi Conseil, en partenariat avec le Cercle Montesquieu et l’AFJE, indiquait, qu’en 2020, les dépenses françaises internes de la direction juridique constituaient 67 % du total des dépenses des 248 directeurs juridiques français interrogés, contre 60 % en 2013. « L’évolution du taux entre ces deux dates témoigne d’une internalisation croissante des dépenses, liée non seulement aux recrutements sur la période donnée, pour prendre notamment en charge de lourds sujets de compliance et de gestion du risque, mais probablement aussi à une volonté de réduire les coûts en période de crise », commentait alors Hélène Trink, fondatrice de LEXqi Conseil. Dans le monde, au moins 90 % des directions juridiques, d’après l’étude de l’ACC et de la MLA, traitent en interne au moins une partie des fonctions suivantes : conformité, gestion des contrats, entreprise et gouvernance, gestion des documents, examen des factures, opérations juridiques, confidentialité et sécurité, gestion des dossiers et réglementation. Cela représente neuf des 17 domaines répertoriés, et au moins huit services sur dix traitent également certains aspects de la due diligence, du travail et de l’emploi, de la recherche juridique et de la gestion des litiges/de l’assistance juridique en interne. La France ne fait pas figure d’exception.

Lors du sondage concernant la cartographie des directions juridiques 2021, 50 % des sondés déclaraient que le périmètre de leur direction juridique a été affecté par la pandémie, à travers leur sollicitation sur de nouveaux domaines du droit. En France, en 2020, les principaux risques que la direction juridique est amenée à gérer correspondent notamment à la protection des données (82 %), la lutte contre le blanchiment, la corruption et le financement du terrorisme (66 %) et aux aspects RSE/gouvernance (61 %). L’enquête française indiquait par ailleurs que la fonction juridique est désormais au coeur des stratégies de gestion du risque dans l’entreprise. En 2020, 85 % des entreprises du panel ont déployé un programme de conformité.

Cette proportion s’élève à 95 % pour les entreprises de plus de 5 000 salariés. Les directions juridiques s’appuient en revanche, toujours d’après l’enquête de l’ACC et de la MLA, sur des prestataires externes pour d’autres tâches, notamment la discovery, puisque seulement 68 % d’entre elles gèrent la collecte de données en interne et moins de la moitié (45 %) l’hébergement et le traitement de ces données. Par ailleurs, 44 % des directions juridiques confient la collecte de données à un cabinet extérieur et 58 % le font pour l’hébergement et le traitement des données. Ce sont également les deux domaines les plus souvent confiés à des prestataires de services juridiques, respectivement 11 % et 23 %.

Des dépenses externes concernant majoritairement les frais d’avocats

Autre signe de l’augmentation de la charge de travail globale des directions juridiques, l’augmentation en un an de six points (35 % contre 29 %) du nombre de répondants ayant engagé un plus grand nombre de cabinets d’avocats qu’en 2020. « Aujourd’hui, en France, le budget externe représente plus ou moins 40 % du budget juridique total des entreprises, dépendant notamment du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise et de la direction juridique, du périmètre de cette direction juridique, du business model de l’entreprise, déclarait Jérôme Rusak, associé de Day One, fin 2019. Même si les directions juridiques se sont fortement professionnalisées et renforcées au cours des dernières années, le recours aux avocats demeure fréquent pour les dossiers les plus stratégiques et/ou risqués.

L’optimisation de la gestion des prestations fournies par ces partenaires clés de la direction juridique, à travers la mise en place d’une politique avocats, constitue donc un véritable levier d’efficience de la direction juridique »1. Soulignons également que selon l’ACC et la MLA, la croissance des opérations juridiques ralentit alors que le nombre d’avocats augmente cette année. Le rapport entre les juristes d’entreprise et les avocats a légèrement changé, passant à 8 pour 1 en 2022, contre 7 pour 1 en 2021. L’étude se penche enfin sur la diversité, annonçant que 29 % des sondés assurent le suivi de mesures de diversité internes ou ont défini des objectifs concernant la composition du service. Un résultat identique à celui rapporté dans l’édition précédente.