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Mise à jour des lignes directrices du PNF sur la CJIP

Par Ondine Delaunay

Le parquet national financier a publié, lundi 16 janvier 2023, la mise à jour de ses lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public. Elle se substitue à la première version qui datait de juin 2019. Au cours d’une conférence qui a fait salle comble à l’université Paris-Panthéon Assas lundi soir, plusieurs professionnels ont détaillé et clarifié le renforcement de ce dispositif.

Cette mise à jour des lignes directrices du parquet national financier (PNF) sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) était très attendue par les praticiens. « Les cinq années de pratique ont conduit à l’élaboration d’une véritable doctrine par le PNF, a expliqué en introduction Jean-François Bohnert, procureur de la République financier. Ces acquis tirés de notre expérience doivent être rendus publics à travers la publication de la mise à jour de nos lignes directrices de 2019 ».

Le fil conducteur de ces travaux s’est organisé autour de trois mots-clés : lisibilité, transparence et prévisibilité. « Cette nouvelle rédaction doit permettre de mieux comprendre les équilibres qui se créent durant les négociations », a-t-il lancé. Une démarche qui s’inspire d’ailleurs des pratiques du DoJ américain qui publie, à échéances régulières, une nouvelle version de ses lignes directrices datant de 2017. Hasard du calendrier, la dernière mise à jour américaine date du mardi 17 janvier, soit le lendemain de l’annonce du PNF. La mise en œuvre de la CJIP Céline Guillet, procureure de la République financier adjoint, a introduit la première table ronde de la conférence de manière très ferme : « Une coopération de bonne foi de la personne morale est indispensable pour accéder à la CJIP ». La sincérité de la démarche s’apprécie au regard de plusieurs critères indicatifs : la révélation spontanée des faits dans un délai raisonnable, la participation aux investigations, l’adoption de mesures correctives permettant de renforcer le programme de conformité. L’avocat et co-directeur du DU compliance officer de l’université, Emmanuel Breen, note que le document vise également l’identification et la révélation des noms des personnes physiques impliquées dans les faits. « On le savait, maintenant c’est écrit, a-t-il lancé non sans une pointe d’humour. Et c’est d’ailleurs conforme à la pratique américaine ».

Mais attention, prévient Céline Guillet : « La bonne foi de l’entreprise ne suffit pas à éviter la mise en place d’un rapport de force entre la personne morale et le parquet. On n’échange pas autour d’une tasse de thé ! Des négociations vont avoir lieu sur le statut de chaque pièce remise en fonction des intérêts de chacun ». Éric Dezeuze, associé du cabinet Bredin Prat, prévient à son tour : « Il ne faut pas considérer l’entrée en CJIP comme un mode dilatoire permettant de ralentir l’enquête, car le PNF ne s’interdit pas de poursuivre ses investigations en parallèle des négociations ». Alors pourquoi la personne morale a-t-elle intérêt à entrer en CJIP ? « Elle maîtrisera à peu près son risque avec la CJIP, répond l’avocat. Elle n’aura pas de casier judiciaire, pas de déclaration de culpabilité et donc pas le cortège des restrictions qui l’accompagnent comme la fermeture des marchés publics, la sanction sur les marchés financiers, etc. ». Et en cas d’échec des négociations ? « Le PNF garantit la confidentialité des négociations », assure Céline Guillet. Les lignes directrices rappellent d’ailleurs que les dispositions de l’article 41-1-2 du CPP ne s’appliquent pas aux documents versés à la procédure durant les temps des négociations préalables à la proposition formalisée de convention. « L’expérience montre que les informations échangées dans le cadre des négociations ne fuitent pas », reconnaît Éric Dezeuze. Une meilleure prise en compte de la victime La victime aurait-elle été la grande oubliée des CJIP ?

C’est en tout cas l’une des critiques sérieuses qui a été faite aux modalités de cette justice négociée, portée par l’ONG Sherpa et l’association Anticor notamment dans le dossier Airbus. Ces nouvelles lignes directrices opèrent sur ce point une mini-révolution en intégrant tout d’abord dans les critères témoignant de la bonne foi de l’entreprise l’indemnisation préalable et donc spontanée des victimes. « Dans l’ancien système de CJIP, le procureur était celui qui représentait l’éminente victime. Ce n’est plus possible aujourd’hui », a analysé Antoine Garapon, magistrat honoraire. Si la justice négociée n’a jamais fait obstacle à la victime pour saisir les juridictions civiles et obtenir une indemnisation, les lignes directrices précisent néanmoins que cette dernière ne peut pas « s’opposer à la proposition d’une CJIP, ni interjeter appel de la décision qui la valide ».

Elle trouve pourtant désormais une place dans la convention signée puisqu’y sont mentionnés le montant et les modalités de la réparation des dommages causés. L’indemnisation préalable est même devenue un facteur minorant (40 %) du montant total de l’amende finale. La méthode de calcul de l’amende Car l’autre nouveauté de ces lignes directrices, celle qui retient surtout l’attention des commentateurs, c’est bien cette structuration du chiffrage de l’amende. Une méthode de calcul scindée entre une partie restitutive et une partie afflictive de la peine, auxquelles sont appliqués des facteurs minorants et majorants. Jérôme Simon, premier vice-procureur de la République financier, a détaillé un par un les 17 facteurs. « 9 sont majorants, 8 sont minorants, a-t-il expliqué. Le pourcentage de réduction ou d’augmentation de l’amende qui y sont associés est un maximum. Il sera en pratique moins élevé ». Conformément à ce qu’il s’est passé dans la CJIP Airbus, ces pourcentages peuvent se cumuler entre eux. Et le premier vice-procureur de rappeler la prime importante de minoration en cas de révélation spontanée des faits (50 %) conjuguée à une coopération active à l’enquête (30 %). « A contrario, a-t-il poursuivi, l’obstruction peut entraîner une majoration de l’amende de 30 % ». À bon entendeur…