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L’AMF se réorganise et renforce sa direction des affaires juridiques

Par Anne Portmann

Depuis le 1er décembre 2020, le régulateur des marchés financiers a modifié son organisation interne, se dotant notamment d’une nouvelle direction des données et de la surveillance. Elle a aussi repensé sa filière juridique répressive ainsi que sa direction des enquêtes, désormais divisée en trois équipes. Quelles conséquences sur le traitement des dossiers ? Analyse.

«Renforcer nos moyens de supervision et l’efficacité de notre action », tel est l’objectif de la stratégie de l’AMF pour la période 2018-2022. C’est dans ce cadre qu’est intervenue cette réorganisation, désormais effective depuis le 1er décembre 2020. Concernant le volet répressif, le régulateur avait dressé le constat du développement de la cybercriminalité et de la complexification des enquêtes, de nature à rallonger les délais de traitement et à « fragiliser l’aboutissement des investigations ». Dans son rapport de janvier 2020 sur ses priorités pour l’année à venir, le régulateur avait en outre souligné la nécessaire réduction de la durée des procédures de la filière répressive.

La place de la direction juridique renforcée

Un communiqué récent a présenté de manière condensée la nouvelle organisation de la filière juridique répressive, indiquant que désormais, les interactions entre la Commission des sanctions et le Collège, organe dirigeant du régulateur, seraient centralisées au sein de la direction des affaires juridiques. Le régulateur insiste sur le rôle clé de la fonction et consacre ainsi son positionnement transverse dans le nouvel organigramme. Concrètement, les équipes juridiques qui travaillaient au sein de la direction des enquêtes et des contrôles, placées sous l’égide de la Commission des sanctions de l’Autorité, seront désormais pleinement intégrées à la direction des affaires juridiques, chapeautée par Anne Maréchal et qui dépend du Collège. Il s’agit de juristes qui travaillaient sur les analyses juridiques, la rédaction des notifications de griefs, la conduite des procédures des compositions administrative et la représentation du Collège devant la Commission des sanctions. L’AMF explique que dans les faits, ces personnels travaillaient déjà fréquemment avec la direction des affaires juridiques. « Cette évolution, assez naturelle a été mise en place dans le cadre de la réflexion globale sur notre organisation », indique-t-on à l’AMF. Un progrès selon l’avocat Nicolas Cuntz, associé du cabinet Change : « La réorganisation de la direction des enquêtes, qui intervient en amont de la filière répressive, permettra une meilleure coordination entre les enquêteurs et la direction des affaires juridiques (DAJ), laquelle conseillera et appuiera ensuite le Collège, notamment au stade de la poursuite », augure-t-il. En effet, une partie de l’expertise juridique de la direction des enquêtes est rapatriée au sein de la DAJ. « Et symboliquement, cette centralisation au sein de la DAJ, qui ne concerne pas seulement le domaine des enquêtes, est de nature à la renforcer. Cet aménagement marque ainsi une reconnaissance de la primauté du droit, comme l’atteste également la participation de la Direction de l’instruction et du contentieux des sanctions au Comex », ajoute l’avocat.

Une meilleure technicité des enquêtes

La direction des enquêtes est désormais divisée en trois pôles, chacun chapeauté par trois adjoints. Ceux-ci ont une compétence générale sur les sujets traités par la direction des enquêtes avec, pour chacun, des spécialités. L’un d’entre eux a ainsi une expertise davantage axée sur le juridique, les procédures d’enquête, le knowledge management. Les deux autres ont des expertises quant, cyber, manipulation de cours pour l’un, et information financière et comptabilité pour l’autre. En fonction des besoins dans dossiers traités, les enquêteurs, qui travaillent en binôme, pourront être désignés dans un ou plusieurs pôles. Là aussi Nicolas Cuntz salue cette évolution. « La tendance est à une plus grande spécialisation des enquêteurs. Cette plus grande technicité est de nature à améliorer le travail d’investigation. Elle traduit également la volonté du régulateur de s’adapter aux innovations comme sa propension à s’emparer de nouvelles questions ». Il considère également que cela permettra de réaliser l’un des objectifs affichés par cette réorganisation, visant à réduire les délais d’enquête et d’instruction. « L’AMF a toujours su s’adapter aux contraintes juridiques mais parfois au prix d’un allongement des délais » considère l’avocat. Il explique que le régulateur a, depuis l’origine, vocation à étendre son périmètre d’intervention. L’AMF a ainsi sanctionné très récemment un établissement dépositaire (teneur de compte conservateur) en lui reprochant des dysfonctionnements dans le cadre du comptage des votes en assemblée générale, alors que la compétence de la commission des sanctions de l’AMF n’était pas si évidente. « L’Autorité a une inclination à s’emparer de nouveaux sujets, comme celui de la démocratie actionnariale et de l’activisme. La Commission des sanctions considère en effet le vote comme « l’un des droits essentiels généralement attachés à un titre financier ». Cela doit conduire à une plus grande vigilance des émetteurs et des prestataires sur les risques d’atteinte aux droits des actionnaires notamment lors des assemblées générales tenues à huis clos, de proxy fights ou de batailles boursières », indique-t-il. Il constate également l’importance de la filière répressive de l’AMF dans la régulation de l’activité de conseiller en investissement financiers (CIF), instituée par la loi de sécurité financière, en 2003. Des tendances qui doivent encore être confirmées par le rapport annuel à venir.

AMF Anne Maréchal Nicolas Cuntz