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La performance des services juridiques dans un monde post-pandémique

Par Ondine Delauynay

En ces jours de rentrée, nul n’est encore certain que la pandémie soit bel et bien derrière nous. Thomson Reuters est néanmoins parti de ce présupposé pour chercher à comprendre quelle sera la performance des services juridiques dans le monde d’après Covid. L’analyse comparative des différentes régions du monde est, à ce titre, intéressante.

Que ce soit l’heure, ou pas, de parler de post-pandémie, une chose est déjà certaine : les pratiques de travail en entreprise ne seront plus jamais les mêmes. En 2020 et 2021, de nouvelles méthodes se sont imposées, rapidement adoptées par les salariés. Impensable désormais de revenir en arrière. Il convient donc pour les entreprises, et notamment pour leurs services juridiques, de conduire des changements positifs pour les collaborateurs et leur travail. « Les départements juridiques les plus performants seront ceux qui tireront parti de l’élan des deux dernières années, pour adopter activement un changement transformateur dans la manière dont ils s’intègrent et fonctionnent, à la fois au sein de leur organisation et dans l’utilisation d’une expertise juridique externe », introduit l’Institut Thomson Reuters dans son rapport, paru fin août, intitulé État de l’entreprise 2022/ départements juridiques.

Une analyse comparative sur quelques éléments clés

Selon Thomson Reuters, 43 % des responsables juridiques dans le monde s’attendent à une augmentation de leurs dépenses juridiques globales en 2023. « À mesure que les dépenses augmentent, il convient de s’assurer qu’elles sont déployées de la manière la plus efficace possible », indique le rapport. Et pour ce faire, il faut d’abord mesurer les dépenses juridiques par rapport aux revenus. « Un bon point de départ pour évaluer l’efficacité consiste à comparer les dépenses totales d’une organisation par rapport aux revenus à celles de références locales similaires », poursuit l’étude. En clair, si le ratio dépenses/revenus est supérieur à la moyenne, il s’agit d’un dépassement de dépenses. C’est notamment le cas en Amérique du Nord (cf. tableau reproduit), qui présente un ratio de près de trois fois la moyenne mondiale. « Les États-Unis sont une juridiction hautement réglementée et litigieuse dans laquelle les honoraires des cabinets d’avocats externes sont nettement supérieurs aux moyennes mondiales », justifie le rapport. Tel n’est en revanche pas le cas de l’Europe et encore moins de la France, dont le ratio est similaire à celui constaté en Asie-Pacifique. Une question se pose dès lors : les entreprises hexagonales consacrent-elles suffisamment de budget pour s’assurer de rester à l’abri des risques juridiques ? Autre analyse à effectuer pour analyser sa performance à venir : celle des dépenses attendues. Il convient dès lors de planifier à l’avance le travail du service juridique, dans un contexte économique plus compliqué que ces derniers mois. Selon Thomson Reuters, « les institutions financières et les industries pharmaceutiques fortement réglementées sont les plus susceptibles d’anticiper une augmentation des dépenses externes ». Il en serait de même pour les entreprises des télécoms et des médias. Quelque 41 % des répondants s’attendent à ce que les dépenses liées au regulatory s’accélèrent dans les prochains mois. De même, la charge de travail liée au droit social est attendue en forte croissance. Le reflet, selon Thomson Reuters, « des changements des pratiques de travail provoquées par la pandémie ». Poursuivant, le rapport recommande de s’interroger sur la taille de l’équipe de juristes car les dépenses juridiques de l’entreprise sont en général corrélées au coût de la main-d’oeuvre. Or l’analyse par rapport à la situation nord-américaine est une nouvelle fois édifiante. Globalement, le nombre de juristes internes pour 100 M€ de revenus est de 0,38. Le ratio américain est bien sûr un peu au-dessus de cette moyenne, étant évalué à 0,41. Mais le ratio européen est quant à lui très bas : il est de 0,24, c’est-à-dire peu ou prou le ratio africain (0,23)… Quant au coût médian par juriste, il est globalement de 194 000 $. Là encore, les Américains atteignent des sommets avec 329 000 $ par juriste. En Europe, la fourchette est évaluée à 148 000 $. y

Les directions juridiques européennes devront-elles faire toujours mieux avec moins ?

On rappellera l’édition 2022 du baromètre de satisfaction des juristes d’entreprise français, publié juste avant l’été par Oxygen + en partenariat avec l’AFJE : 9 juristes sur 10 déclarent supporter une charge de travail importante. Une statistique en augmentation de 5 points par rapport à l’édition précédente. « Les missions des juristes internes ont évolué et la part du budget qui leur est alloué sera, à n’en pas douter, un sujet à aborder dans les comités de direction des entreprises », avait d’ailleurs commenté Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu. Il est encore temps de mettre ce point à l’ordre du jour.