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La lutte anti-corruption dans les marchés publics

Par Anne Portmann

Lors de la promulgation de la loi ASAP du 7 décembre 2020 (Accélération et simplification de l’action publique), associations et acheteurs publics ont exprimé leur craintes relatives à la mise en place de dispositifs de lutte contre la corruption dans le domaine des marchés publics. Pourtant, en juin 2020, la Direction des achats de l’État (DAE) a, conjointement avec l’AFA, consacré la dernière édition du guide de l’achat public à ces questions.

Publiée au Journal Officiel du 8 décembre 2020, la loi ASAP contient notamment des dispositions qui assouplissent le droit de la commande publique, afin de relancer l’économie à la suite de la crise sanitaire. Plusieurs associations de lutte contre la corruption étaient montées au créneau et avaient dénoncé les dispositions figurant dans cette loi, qui étaient, selon elles, de nature à réduire la transparence dans la commande publique. Le Conseil constitutionnel, saisi de la constitutionnalité du texte, a, dans sa décision du 7 décembre 2020, écarté les critiques formulées sur ce point. Les acheteurs publics ont également manifesté leur inquiétude quant à ces dispositions et la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ), après avoir, en cours d’adoption de la loi, publié une communication à l’adresse des acheteurs publics, a, après sa promulgation, rédigé une fiche technique revenant notamment sur l’une des dispositions principales de la loi qui permet une dispense de procédure d’appel d’offres justifiée par « des motifs d’intérêt général ».

Pourtant, les outils de lutte contre la corruption dans les marchés publics existent bel et bien. L’avocat Nicolas Tollet, associé au sein du cabinet Hughes Hubbard & Reed rappelle que la loi Sapin II de 2016 est également applicable au secteur public et, qu’en juin 2020, la DAE a rédigé, conjointement avec l’Agence française anti-corruption, une édition du guide de l’achat public justement consacré à ces questions. « Ce guide ne fait pas partie des recommandations officielles de l’Agence anticorruption (AFA) publiées au Journal Officiel, mais il reprend les éléments essentiels en la matière, qui figurent dans ses recommandations ainsi que dans le projet de nouvelles recommandations diffusé au quatrième trimestre 2020 par l’AFA », explique l’avocat. Matthieu Hédon, avocat associé au sein du cabinet Seban considère pour sa part que ce guide, traduction concrète du dispositif mis en place par la loi Sapin II est davantage un « outil d’autorégulation », qui permet aux acteurs publics d’examiner les risques liés à leurs pratiques en interne. « Ce guide a vocation à toucher tous les acteurs publics, au-delà des acheteurs publics nationaux, qui sont, eux depuis longtemps, mis en place des dispositifs mis en place en concertation avec l’AFA. » En ce qui concerne le contenu, ce guide, qui complète le Code de la commande publique promulgué en 2018, explique aux acheteurs publics les fondamentaux d’un programme anticorruption, en proposant notamment de nombreuses « fiches pratiques ». Le guide recommande ainsi la mise en place auprès des métiers des achats publics, c’est-à-dire toute personne intervenant dans le cycle de l’achat public, des outils de prévention rendus obligatoires pour les acteurs économiques par la loi Sapin II. Le guide vise ainsi à aider ces professionnels à adopter les « bons réflexes » face à des situations de risque de corruption, même si contrairement aux entreprises privées, les acteurs publics n’encourent pas de sanctions financières en cas de non-respect de ces obligations.

Étapes du dispositif de prévention

Le guide préconise aux acteurs publics notamment d’avoir une bonne connaissance de leurs achats, pour identifier les points de progrès et les zones de risque pour éviter le favoritisme ou l’octroi d’avantages injustifiés, par exemple.

Il présente ensuite les fondamentaux de la démarche anticorruption, avec l’engagement des instances dirigeantes (en l’occurrence, pour une entité publique, les plus hauts représentants de l’exécutif et l’instance collégiale de direction) et l’élaboration et la tenue d’une cartographie des risques. Le guide propose ensuite des fiches sur la prévention et la détection du risque d’atteinte à la probité, ainsi que sur le déploiement du programme anticorruption. Selon Nicolas Tollet, les points de vigilance les plus critiques concernant les acteurs publics sont ceux de la maîtrise du cycle des achats et de l’évaluation des tiers. « Beaucoup d’entreprises privées peinent encore à obtenir les moyens adéquats pour satisfaire aux nouvelles exigences légales. Alors que la pandémie de Covid-19 affecte sensiblement les finances publiques, atteindre des standards similaires au secteur privé risque d’être une challenge très difficile pour le secteur public », estime l’avocat.

Les marchés de services juridiques exclus de la procédure de commande publique

Aux termes de l’article 140 de la loi ASAP, les marchés passés en vue de recourir aux services juridiques d’avocat, en lien avec des procédures juridictionnelles sont désormais intégrés au sein des « autres marchés » listés à l’article L. 2512-5 du CCP. Désormais, les acheteurs soumis au CCP pourront conclure de tels marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable, et ce quel qu’en soit leur montant.

Direction des affaires juridiques (DAJ) Hughes Hubbard & Reed Agence française anti-corruption (AFA) ASAP Accélération et simplification de l’action publique (ASAP) Direction des achats de l’État (DAE)