Connexion

Baromètre 2022 des mouvements d’associés dans les cabinets

Par Ondine Delaunay

Le baromètre 2022 des mouvements d’associés dans les cabinets d’affaires en France vient d’être publié par l’équipe de PwC Legal Business Solutions (anciennement Day One). Il révèle cette année un mercato très dynamique avec 315 mouvements répertoriés. Mais toutes les structures n’y ont pas participé de la même façon. La LJA en dévoile les résultats en avant-première.

Quelque 315 mouvements d’associés dans les cabinets d’avocats d’affaires ont été comptabilisés par l’équipe de PwC Legal Business Solutions en 2022. Une augmentation de 3 % par rapport à l’année précédente qui avait marqué un certain ralentissement, mais surtout un second plus haut historique – l’année 2019 continuant à tenir la première place avec 340 changements. Le mercato a donc bien repris en France, encouragé par des résultats financiers exceptionnels des cabinets post-covid. « C’est aussi le signe que le plateau au-dessus des 300 mouvements des dernières années devient un phénomène structurel », analyse Jérôme Rusak, associé de PwC Legal Business Solutions qui pilote ce baromètre depuis 16 ans. Les avocats n’ont plus peur de bouger, notamment les femmes qui, depuis 2019, représentent entre 42 % et 39 % du mercato. L’année 2022 n’échappe d’ailleurs pas à cette tendance puisque deux mouvements sur cinq ont concerné une associée, soit 39 % du total des changements.

Les cabinets de niche marquent le pas

Les années 2020 et 2021 avaient été marquées par une forte tendance à la création de nouvelles structures, témoignant du dynamisme du marché et de l’élargissement de l’offre. Le baromètre démontrait en effet que les quatre derniers mois de 2021 avaient été marqués par une succession d’annonces d’ouvertures de boutiques au positionnement extrêmement spécialisé. La plupart étant portés par d’anciens collaborateurs seniors de grandes firmes qui s’installaient en région, avec un cabinet de représentation dans la capitale (cf. LJA 1527), ou par des spin-off de firmes pluridisciplinaires. L’année 2022 rompt avec cette tendance. « Les cabinets de niche n’ont représenté que 12 % des cabinets de destination des mouvements d’associés. C’est une diminution d’environ 10 points par rapport aux années 2019, 2020 et 2021 », note Jérôme Rusak qui précise : « Ce ralentissement témoigne peut-être de l’arrivée à maturité de cette segmentation de marché ». L’exemple du restructuring est à ce propos assez révélateur. En prévision de la reprise de l’activité, les grands cabinets d’affaires n’ont cessé de chercher à intégrer la pratique, complémentaire à leurs départements financement et corporate. Et les associés spécialisés en restructuring reconnaissent que la matière devenant de plus en plus technique et financière, il est aujourd’hui difficile d’exercer en modèle de boutique. La tendance semble être similaire en immobilier, avec un record de mouvements pour la troisième année consécutive. L’étude révèle en effet que plusieurs expertises pointues d’immobilier responsable ont été recherchées par les cabinets en 2020 : l’enjeu carbone, ou énergétique, ou encore d’éthique des affaires, ainsi que l’enjeu santé et sécurité des occupants sans oublier le développement des résidences services ou le redéploiement des sièges sociaux ou des bureaux dans un contexte post-covid. Ces matières se sont, un temps, prêtées au développement en boutique de niche, elles sont aujourd’hui de plus en plus déployées par les structures généralistes dotées d’équipes en droit public des affaires, en corporate et en fiscal. L’exemple d’Antonia Raccat est à ce titre éloquent (cf. l’article de Une).

Les Américains recrutent moins

Alors que depuis 2019, les firmes américaines implantées en France recrutaient environ 40 associés par an, l’année 2022 a rompu avec la tendance. Le baromètre a comptabilisé seulement 18 mouvements, soit uniquement 6 % des changements. « Les cabinets américains n’ont jamais accueilli aussi peu d’associés depuis la création de ce baromètre », remarque Jérôme Rusak. L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe est sans aucun doute l’un des éléments expliquant cette frilosité. Les Américains ont anticipé une baisse d’activité sur le continent européen, par-delà l’inflation attendue. Et on le sait, pour les Américains, le PPP attendu est le principal indicateur de développement. « Cette baisse s’inscrit dans un mouvement apparent de revue de la taille critique du nombre d’associés des cabinets américains sur le marché français permettant à ces derniers d’optimiser le PPP », souligne d’ailleurs l’étude. Les firmes ont donc actuellement tendance à resserrer le nombre de leurs associés et à se concentrer sur ceux qui facturent le plus et au taux le plus haut. Notons que deux firmes américaines ont annoncé la fermeture de leurs locaux parisiens en 2022 : Davis Polk & Wardwell et Brown Rudnick (cf. LJA 1559). Mais 2023 pourrait ne pas être de même augure. Car les grandes manoeuvres ont débuté aux États-Unis et le marché se consolide. Orrick a récemment annoncé sa fusion avec Buckley Nearly Doubling, lui permettant de doubler sa présence à Washington et donc d’atteindre une taille intéressante sur la côte Est des US. Si cette fusion ne doit pas avoir de conséquence sur les équipes parisiennes, une autre opération pourrait, elle, bien entraîner quelques mouvements à Paris. Depuis Noël, le marché est très agité par l’annonce de pourparlers entre Shearman & Sterling et Hogan Lovells. Si à l’heure où nous bouclons ces pages, rien n’est encore signé, une telle fusion pourrait avoir de lourdes conséquences à Paris. Car dans la capitale, les firmes sont toutes deux dotées de belles équipes corporate et private equity dont le rapprochement semble à première vue compliqué. Pour le moment, aucun associé n’a annoncé son départ à Paris, alors que les autres bureaux constatent déjà des mouvements à l’image de celui de Shearman à Londres qui a récemment perdu son responsable des fusions-acquisitions pour la région EMEA et l’Asie au profit de Sidley Austin.

La mobilité horizontale équivalente de la mobilité verticale

Depuis 16 ans, la part de la mobilité horizontale (avocat associé qui change de cabinet pour rester associé) a toujours été supérieure à la mobilité verticale (avocat devenant associé grâce à son mouvement). En 2022, les chiffres sont pour la première fois quasiment identiques en pourcentage (47 % vs 45 %), comme en valeur (141 vs 148). Durant les 12 derniers mois, 141 collaborateurs sont devenus associés en changeant de cabinet (contre 118 en 2021), ce qui représente 45 % des mouvements globaux. . l’inverse, la part des associés restant associés baisse à 47 % alors que le taux était supérieur à 60 % depuis 2013. Au regard de l’évolution de la tendance, la courbe de la mobilité horizontale pourrait bien passer au-dessus celle de la verticale dans les prochaines années. Place aux jeunes ! L’étude révèle en outre que les récents cabinets (de moins de quatre ans) sont une destination privilégiée pour être coopté. « Quelque 46 % des promotions se sont faites dans des cabinets créés entre 2019 et 2022 », note Jérôme Rusak. Elle constate par ailleurs une légère baisse d’attractivité pour les cabinets de moins de deux ans depuis quelques années. En 2019, 34 % mouvements concernaient ce type de jeune structure. Ce taux a baissé régulièrement depuis, atteignant cette année 26 % des changements. « Cette diminution pourrait laisser présager un ralentissement de la création de cabinets, annonce Jérôme Rusak. Nous avons comptabilisé dans notre baromètre 36 nouveaux cabinets concernés par les arrivées en 2022, contre 41 en 2021. Cette baisse est d’autant plus marquée parmi les nouveaux cabinets de niche répertoriés dans notre étude dont le nombre a diminué de 70 % par rapport à 2021 ».

Corporate, fiscal et immobilier au top des expertises recherchées

Comme chaque année, la matière corporate M&A est celle qui concentre le plus d’attention dans les recrutements d’associés. Elle représente 34 % des mouvements, soit 10 points de plus qu’en 2021 révélant donc un attrait encore plus marqué qu’auparavant pour la spécialité. Le fiscal passe pour sa part en deuxième place des domaines d’expertises recherchés. Il était en dixième position l’an dernier. Le baromètre explique que « cette tendance s’inscrit dans un contexte d’évolution des besoins des directions fiscales particulièrement intense avec les nouvelles obligations en matière de facturation électronique, Pilier 2, les prix de transfert, la conformité ». La troisième place est occupée par le contentieux qui représente 14 % des mouvements (13 % en 2021). On notera la place exponentielle prise par l’IT, les nouvelles technologies de l’information et de la communication et les données personnelles qui ont généré près de 60 mouvements cumulés durant les 12 derniers mois. Alors que l’Europe du numérique s’accélère (cf. LJA magazine 81), les sujets de cryptoactifs, de blockchain et de cybersécurité n’ont jamais été aussi prégnants. Le métavers commence également à poser question au niveau de sa régulation (cf. l’événement organisé par la LJA et par Respect Zone en juin dernier, in LJA nÆ 1541). Autant de questions qui sont de plus en plus examinées dans les entreprises et qui appellent l’expertise de professionnels pour les accompagner. Les cabinets s’organisent donc en conséquence.