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Faire le lien entre les acteurs de l’écosystème du secteur de la Défense

Par Anne Portmann

À l’heure où la situation géopolitique pousse la France et ses voisin européens à augmenter le budget de la Défense, cinq avocats ont décidé de s’unir pour créer le Cercle des avocats du secteur Défense (CASD), qui a été lancé jeudi 12 juin 2025, par une conférence inaugurale qui s’est tenue à l’École militaire, sur l’attitude à adopter par les entreprises concernées face aux nouvelles formes de guerre économique. La LJA les a rencontrés.

Comment est née l’idée du CASD ?

Nous nous sommes aperçus de ce que la base industrielle et technologique de Défense (BITD), c’est-à-dire les entreprises de ce  secteur, dont la taille peut varier du grand groupe à une PME qui produit des pièces essentielles à la fabrication de produits ou de logiciels utilisés à des fins défensives, n’avait jamais constitué de véritable base d’avocats spécialistes du secteur. Les cinq fondateurs que nous sommes avons l’habitude d’échanger autour de questions juridiques intéressant le secteur. Nous avons, il y a quelque temps déjà, décidé de nous associer pour constituer une vitrine, afin d’être identifiés par les tiers : l’administration, les directeurs juridiques du secteur, les confrères, les universitaires. Il nous a semblé qu’il existait un besoin de soutien de la part des entreprises du secteur, un peu perdues face à l’inflation réglementaire en la matière, et aussi de celles qui travaillent dans le secteur civil auxquelles on demande de contribuer à l’effort de défense. Par exemple, il a été demandé à Renault de fabriquer des drones défensifs. Il s’agit d’un secteur urgent, stratégique et important, dans lequel la souveraineté est en jeu. Nous avons décidé de fédérer des avocats qui souhaitent venir au soutien de la BITD française, car ces dossiers ont des impacts très importants.

Pourquoi ce type d’alliance n’a jamais été créé auparavant ?

Il nous semble que cela tient beaucoup à la façon de fonctionner des cabinets français. Les avocats qui se positionnent sur une spécialité sectorielle ont tendance à créer des cabinets spécialisés, de niche, et pas forcément des réseaux. Est-ce parce qu’ils ont du mal à collaborer les uns avec les autres, par crainte de perdre des clients ? Il est vrai que ce n’est pas très français de collaborer avec des concurrents, alors que les anglo-saxons le font depuis plusieurs années, ce qui a pour résultat de favoriser leur économie. Souvent même, des entreprises françaises du secteur de la Défense font appel à de grands cabinets anglo-saxons et l’on se rend compte, aujourd’hui, des difficultés que cela peut poser. Il faut aussi dire que jusqu’à une période récente, il ne faisait sans doute pas bon d’être labellisé entreprise, ou même « avocat du secteur Défense », cela faisait certainement perdre des point d’ESG. La souveraineté n’était pas à la mode et les banques étaient aussi rétives à soutenir le secteur. Mais nous pensons que la situation actuelle n’est plus aux divisions et que nous devons nous unir. 

Pouvez-vous vous présenter rapidement ? 

Bien sûr. Notre Cercle est présidé par Maxime Molkhou, fondateur du cabinet Nemrod Avocats, la première boutique, créée en 2020, entièrement consacrée aux contrats publics et privés, ainsi que les réglementations, dans le secteur de la Défense. Maxime est aussi enseignant à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Cécilia Pechmeze, fondatrice du cabinet éponyme, est spécialisée dans les questions de conformité pour l’industrie de la défense, au prisme des risques pour les dirigeants pour les entreprises industrielles du secteur, de l’humanitaire, du droit des investissements étrangers, etc. Alexandre Reynaud, associé au sein du cabinet Talma, est quant à lui arbitragiste et traite des contentieux internationaux, notamment dans le secteur aéronautique. David Apelbaum est associé au sein du cabinet ABPH, dédié au droit pénal des affaires, et s’occupe notamment de dossiers contentieux en lien avec la corruption et le trafic d’influence, la cybercriminalité et les atteintes aux systèmes de données, et la gestion de crises multifactorielles. Alexandre Celse, fondateur du cabinet Brocardi Celse Associés, est lui spécialisé en douane, transport et export control, avec une approche originale de ces questions en termes de structuration des flux. Nos expertises sont ainsi très complémentaires.

Qui pourra adhérer au CASD ?

Pour le moment, nous ouvrons l’adhésion exclusivement à nos confrères avocats. L’objectif n’est pas de réunir uniquement des confrères simplement « intéressés » par le secteur, mais de véritables praticiens chevronnés, dont les cabinets sont compatibles avec les principes de souveraineté, et qui viendront apporter leur expertise afin de conseiller utilement les acteurs du secteur. Au début, nous avions pensé à un champ plus large, incluant par exemple les sociétés d’intelligence économique ou encore les lobbyistes, mais nous avons préféré limiter les adhésions, car le secteur est sensible et nous devons apporter à l’écosystème des garanties en matière d’indépendance, de secret professionnel et de confidentialité, ce qui est plus simple avec les avocats qui partagent une déontologie commune. Il faut que nous puissions instaurer un climat de confiance avec nos interlocuteurs, ce qui est plus compliqué si le groupe est hétérogène. Mais si l’adhésion est réservée aux avocats, nos évènements seront en revanche ouverts à tous les acteurs du secteur et nous avons constitué des groupes de travail au sein desquels pourront être invitées des personnes pertinentes. Nous avons aussi l’ambition de créer en France une filière des avocats du secteur de la Défense : les étudiants sont les bienvenus pour assister à nos travaux.

Quels évènements prévoyez-vous ?

Outre notre évènement de lancement, qui a eu lieu jeudi dernier, nous avons d’ores et déjà prévu en novembre un colloque avec la chambre arbitrale de Paris et les groupes de travail se réuniront régulièrement. Cela prendra sans doute la forme de petits déjeuners thématiques. Par ailleurs, l’industrie française de la défense est évidemment connectée au sein de l’industrie européenne et nous n’excluons pas de nouer des liens avec des confrères spécialisés dans d’autres pays européens.