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Quinn Emanuel lance ses Masterclass et son Academy

Par Aurélia Granel
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1353 du 4 juin 2018

Destinée à se préparer à la plaidoirie pénale et à faciliter la prise de parole en public, la première Masterclass de la Quinn Emanuel Academy s’est tenue, le 24 mai dernier, dans les locaux du cabinet.

Animée notamment par Kami Haeri, associé en contentieux, elle a rassemblé une vingtaine de participants. Gratuit, cet évènement sera ensuite décliné à la plaidoirie commerciale, l’arbitrage, l’examination et la cross examination de témoins. Considérant que « tout juriste est un plaideur », l’éloquence n’étant plus réservée à la sphère judiciaire, le cabinet a, en effet, manifesté la volonté de mettre son expertise, en matière d’audience, de prise de parole et « d’advocacy», au service de ses jeunes avocats, des juristes d’entreprise et même des étudiants de Sciences Po dès le second semestre 2018, grâce à un programme complet, décliné en plusieurs chapitres. Retour d’expérience de la première édition.

«L’audience pénale fait suite à une procédure asymétrique, très déséquilibrée et inquisitoire pour le prévenu qui n’a connaissance que tardivement du dossier », introduit Kami Haeri, responsable du pôle contentieux commercial, droit pénal des affaires et enquête de régulateurs et co-organisateur de l’événement.

La France a été, en effet, régulièrement condamnée, pour sa chaîne procédurale pénale, par la CEDH. « Il est non seulement impératif d’expliquer à son client ce déséquilibre, mais aussi la sociologie juridique de la procédure pénale française, poursuit l’ancien secrétaire de la Conférence. Il existe, par exemple, un phénomène de distorsion : le personnel judiciaire étant issu du même corps, la parole du procureur de la République sera nécessairement perçue de manière plus positive par le tribunal que celle des avocats du prévenu, voire des parties civiles ». Les trente premières secondes de la plaidoirie sont alors essentielles pour capter l’attention du tribunal.

Prendre la main sur le temps et l’espace de la plaidoirie


Le secret d’une bonne plaidoirie ? La préparation et les démarches informelles effectuées en amont. « L’avocat ne recevra les conclusions de la partie adverse que quelques heures avant sa plaidoirie, il doit donc anticiper le plus possible les arguments du parquet et de la partie civile, estime Valérie Munoz-Pons, counsel spécialisée en droit pénal des affaires et co-organisatrice de l’événement. Se renseigner en amont auprès du parquetier pour connaître la teneur des réquisitions est souvent utile ». De la même manière, connaître la composition du tribunal et le parcours de chaque magistrat permet souvent d’adapter la manière de plaider à la personnalité et à la sensibilité des juges.

Ensuite, la préparation de la plaidoirie est cruciale. La rédaction de phrases est à proscrire car le plaideur serait tenté de les lire telles quelles. Seul un plan contenant les grandes idées, avec des mots clés, est à privilégier. La répétition ne doit pas non plus être négligée. « Quand on choisit de répéter sa plaidoirie, on ne la répète pas jusqu’à la fin. On se concentre sur le début seulement. Pourtant, c’est lorsqu’il formule ses demandes que l’avocat doit être le plus pertinent, rappelle Kami Haeri. Mélanger les séquences préparatoires lors des répétitions peut être une solution pour maîtriser toute son argumentation ».

Des conseils pratiques sont également donnés par les co-organisateurs pour le jour J : « Ne vous contraignez pas dans un exercice aussi important qu’une plaidoirie, souligne le co-organisateur. L’ergonomie, c’est-à-dire l’adaptation de l’environnement de travail à ses besoins, doit être optimale ». Il ne faut pas hésiter à occuper l’espace nécessaire, se déplacer, parler avec les mains et imprimer ses notes avec la police de caractères qui convient à chacun. Débuter la plaidoirie peut toutefois s’avérer difficile pour les avocats. Il est alors recommandé d’apprendre la première phrase par cœur pour maîtriser son trac et se lancer. Kami Haeri connaît d’ailleurs une astuce pour ralentir le temps de parole qui a tendance à s’accentuer en cas de stress. « N’hésitez pas à insérer quelques pages vierges dans votre plaidoirie. Le fait de tourner ces pages marquera un temps d’arrêt et le plaideur redémarrera plus lentement après ». Enfin, il faut donner de l’attention visuelle à chaque magistrat pour observer les réactions, leur montrer que l’on maîtrise le dossier et choisir les arguments les plus importants pour emporter leur conviction.

Servir le texte et ne pas se servir du texte

La dernière partie de la Masterclass était consacrée à la lecture, à haute voix, de textes choisis pour l’occasion, afin de se préparer à la prise de parole. Ont notamment été lus L’étranger d’Albert Camus, le passage où Meursault, le narrateur, apprend par un télégramme la mort de sa mère, et « J’accuse… ! », rédigé par Émile Zola au cours de l’affaire Dreyfus. Des lectures poignantes qui ont tenu les spectateurs en haleine. Un debriefing bienveillant s’est naturellement imposé. « Il est impératif de ne jamais surestimer l’attention de son auditoire et de rester naturel dans son timbre de voix, a par exemple rappelé Kami Haeri. Il faut servir le texte et ne pas se servir du texte »

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