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Naissance de Triple A

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

L’Association des actionnaires actifs, dite Triple A (www.asso-aaa.com), vient de voir le jour. Elle se positionne comme un lieu d’échange entre les actionnaires et les dirigeants de sociétés cotées, permettant l’élaboration de règles de bonne conduite pour un exercice positif des droits des actionnaires et œuvrant activement au règlement collaboratif des différends. Présentation par son fondateur, l’avocat Frédéric Peltier.

Pourquoi avoir créé cette association ?

J’observe une dégradation des rapports entre émetteurs et actionnaires, dont l’activisme n’est que la face visible d’une incompréhension croissante. Je suis de ceux qui estiment que le contre-pouvoir actionnarial est un outil de création de valeurs. Il ne vient pas sanctionner, il permet de faire avancer l’entreprise dans sa réflexion stratégique sur la création de valeur. Comme il n’y a pas de démocratie sans contre-pouvoir, il n’y a pas de bonne gouvernance sans contre-pouvoir. L’actionnaire n’a pas pour seule vocation de venir à l’assemblé générale pour donner un quitus sur la gestion, ou approuver les comptes. Il doit aussi pouvoir s’exprimer sur la stratégie décidée par l’organe social qui a la charge de la décider et de la mettre en œuvre. Si les émetteurs et les actionnaires, n’ont pas toujours des intérêts strictement alignés, ils doivent se parler. Et porter leurs différends devant un juge est la plupart du temps destructeur de valeur. D’abord, le marché n’aime pas le bruit de la controverse et encore moins l’odeur du procès. En outre, les juges ne sont pas toujours compétents en la matière et sont donc imprévisibles. Bien souvent, les réponses judiciaires ne satisfont personne. Un accord négocié entre les parties est toujours positif puisqu’il éteint le différend de manière anticipée et apparaît comme étant dans le meilleur intérêt de chacune des parties, contrairement à un jugement.

L’association Triple A a vocation à permettre ce dialogue, cette indispensable écoute entre émetteurs et gestionnaires d’actifs ou actionnaires, notamment en favorisant l’émergence de règles de bonne conduite dans l’expression active des actionnaires. Le parti pris est de dire que les actionnaires ne doivent pas être censurés et ne pas se museler eux-mêmes. Mais il faut aussi sortir d’un « populisme actionnarial » dans lequel on ne parle que des excès derrière une posture de défense des actionnaires. Le sujet vaut bien mieux.

Comment concrètement va fonctionner Triple A ?

L’association a vocation à devenir un centre d’échange d’idées et de convergence collaborative. Notre ambition est de créer un lieu où, avant de faire campagnes de presse assassines et de mettre sur la place publique des désaccords sur la gouvernance d’une entreprise, on puisse discuter calmement, dans un environnement apaisé et sans parti pris. Si un petit groupe d’actionnaires est mécontent de points particuliers dans une gouvernance, les membres de l’association pourraient essayer d’offrir leur aide pour que les négociations se déroulent sereinement, à travers une Commission de médiation, permettant d’aboutir à une solution.

Mais aussi des master classes seront en outre organisées de manière régulière, sur des thèmes précis et centraux portant sur les rapports entre actionnaires et émetteurs. Elles prendront la forme de petits séminaires d’une heure, de tables rondes filmées et disponibles en ligne et vraisemblablement en direct.

L’association apportera en outre sa contribution à toutes les consultations réalisées par divers organismes comme l’AMF, l’AFEP ou le MEDEF, etc. pour promouvoir cette implication des actionnaires dans la création de valeur.

Tous les émetteurs et les actionnaires peuvent devenir adhérents, même les court-termistes ?

Il existe des tas de prétextes pour faire une hiérarchie entre les actionnaires. Mais il n’y en a pas de bons et de mauvais ! L’actionnaire est celui qui détient une partie du capital de l’entreprise, ce qui lui confère des droits politiques. Ce n’est pas parce que l’un d’entre eux est court-termiste qu’il doit être moins écouté. J’apporte néanmoins un bémol sur l’actionnaire purement spéculatif, ou sur les algorithmes qui, effectivement, ne seront pas invités dans l’association. Mais normalement un gérant, même dit passif et même dans la gestion indicielle, effectue toujours un travail d’analyse. Quand l’entreprise ouvre son capital, elle l’ouvre à un marché qui n’est pas monolithique et homogène. Chaque actionnaire a ses motivations pour entrer dans une société et a sa propre analyse de la stratégie et des choix qui sont faits. Toute la difficulté de la gouvernance est de faire en sorte que ces gens retrouvent leur retour sur investissement. Je pense en outre que la stratégie de l’entreprise, suffisamment claire et transparente, doit détourner ceux qui ont une approche court-termiste lorsque la vision de l’entreprise va plus loin.

L’association devrait, selon vous, permettre de baisser le nombre d’actionnaires activistes. Comment ?

Si l’on parle aujourd’hui autant des actionnaires activistes, c’est bien parce qu’ils n’ont jamais été véritablement écoutés. Le spectacle des assemblées générales est, depuis des années, d’une tristesse absolue. À partir du moment où l’on considère que le dialogue et l’expression actionnariale sont la règle, l’actionnaire va retrouver une légitimité dans son influence sur la définition et la mise en œuvre de la valeur actionnariale. Dès lors, il y aura moins d’activistes. Plus les actionnaires sont actifs, moins les activistes ont de champ pour émerger. Certains auront toujours des stratégies plus ou moins agressives, mais si le dialogue est fluidifié il favorisera la convergence d’intérêts et le consensus sur la création de valeur attendue.

Ondine Delaunay

Frédéric Peltier LJA1421 Association des actionnaires actifs () Triple A