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L'industrie du droit est-elle en marche ?

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N° 1322 du 23/10/2017
Le Cercle Montesquieu, l’AFJE et EY Société d’Avocats viennent de rendre publique leur seconde étude sur les acteurs économiques du marché du droit. Une enquête qui permet de dresser un bilan, tous les deux ans, du poids du droit dans l’environnement économique français. Et s’il en ressort la preuve d’un changement culturel quant à la compréhension de l’environnement juridique par la société dans son ensemble, des progrès restent encore à faire.

« L’objectif de cette étude est d’envisager la filière du droit dans sa généralité, qui est génératrice d’emplois et créatrice de valeur », introduit Stéphanie Fougou, présidente de l’AFJE. Selon l’enquête, elle représente en effet 31,1 milliards d’euros de contribution économique. Près de 432 000 emplois directs ont été identifiés, dont 44 % (190 541) dans le secteur concurrentiel des juristes d’entreprise, des avocats, des CPI, des éditeurs, communicants et prestataires de services, experts comptables sans oublier les legaltech. 17 % (73 643) relèvent des professions réglementées comme celle des notaires et des huissiers. 34 % de l’ordre judiciaire et administratif. Certaines professions ont plus le vent en poupe que d’autres. Entre 2015 et 2017, près de 5260 avocats en plus ont été comptabilisés, 1 200 juristes d’entreprise, 821 notaires et 466 membres d’entreprises spécialisées comme les legaltech. En revanche, la profession de CPI compte 267 membres de moins. Quant aux enseignants, ils sont 165 de moins alors que le nombre d’élèves dans les filières juridiques ne cesse de croitre (plus de 205 000 étudiants en droit actuellement).
 

 

Le dynamisme des professions du droit

« Certaines données chiffrées demeurent par ailleurs inexistantes, comme celles sur les métiers des MARC par exemple, ou celles sur les compliance officers ou les conseillers patrimoniaux, regrette Stéphane Baller, associé d’EY Société d’Avocats. D’autres sont très anciennes comme celles sur les huissiers, celles sur le personnel des cabinets d’avocats ou sur les magistrats de l’ordre judiciaire ». Il est également difficile de trouver des chiffres précis sur l’activité juridique et fiscale des experts comptables…

Mais dans l’ensemble, les données permettent de conclure à un dynamisme des professions juridiques. Sont comptabilisés 65 480 avocats d’affaires en 2017 (+ 40 % depuis 2006). Les barreaux de Paris, Lyon et des Hauts de Seine représentent 50 % du marché. Côté directions juridiques, le temps est au beau fixe avec des budgets stables et des effectifs en hausse : le seuil de création d’une direction juridique est de 800 salariés en 2017, contre 1 000 en 2010, et 50 % des directeurs juridiques travaillent dans des équipes de plus de 5 personnes. Les chantiers législatifs et réglementaires comme Sapin 2 ou le RGPD donnent désormais à la fonction une place stratégique au sein de l’entreprise. Il est d’ailleurs intéressant de noter que 69 % des élèves avocats pensent exercer un autre métier durant leur carrière. Or le monde de l’entreprise représente une alternative intéressante pour eux.


En retard sur les anglo-saxons

Ce portrait pourrait sembler parfait si l’on ne considérait pas ce qu’il se passe dans les pays anglo-saxons. Selon l’étude, les 200 premiers cabinets d’avocats américains contrôlent 21 % du marché. Ils mettent en œuvre une réelle politique de R&D et d’innovation client avec des legal-services firms comme Axiom Law, des legal tech comme Rocket Lawyer, ou Pinson Cerico qui propose des outils de compliance online. « Les professions juridiques y sont fortes car elles sont unies et fl uides face à des CEO éduqués au droit », note Stéphane Baller. « Si la filière juridique française est en croissance et est créatrice d’un poids économique indéniable, reconnaît Bruno Deffains, professeur d’économie à l’Institut universitaire de France et à Paris II qui a participé à l’enquête, se pose pourtant toujours la question de son impact décisionnel ». Et l’on en revient à cet éternel problème de rapprochement des professions juridiques en France et à la nécessité de créer une formation commune aux acteurs. « Nous devons casser les barrières pour avoir une profession unie et plus puissante », insiste la présidente de l’AFJE. Gageons que le Grenelle du droit, qui aura lieu le 16 novembre prochain, permette d’engager le mouvement.

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