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Le tribunal de commerce, chef d’orchestre de la prévention

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N°1325 du 13/11/2017

Le congrès national des tribunaux de commerce vient d’être clôturé. Il avait cette année lieu à Paris, à la Maison de la Chimie. Présenté par son président comme «l’un des rares moments où la juridiction consulaire sort de sa réserve habituelle», l’événement a réuni de nombreux juges consulaires venus de tout le territoire. L’une des tables rondes avait pour thème : « le tribunal de commerce, chef d’orchestre de la prévention ». Un sujet classique mais qui promettait un débat, sans langue de bois, des plus grands acteurs du monde du restructuring présents à la tribune. Revue de détails.

L’un des ateliers de l’après–midi de cette première journée d’événement a donné le ton de cette conférence des juges consulaire de France. On attendait le franc parler d’Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire. Et l’expertise de Cédric Colaert, associé d’Eight Advisory, alliée à la sagesse de Jean-Dominique Daudier de Cassini, président de l’ARE, et à la théorie de Philippe Roussel Galle, professeur, devait parfaire le tableau. On en sort certes un peu frustré que le sujet ait au final été un peu détourné, même si la qualité des interventions n’est absolument pas à remettre en cause. La technicité était sans aucun doute au cœur des discussions.

L’évangélisation des disciples

Les propos ont majoritairement porté sur la meilleure façon « d’évangéliser les disciples » – l’expression est d’Hélène Bourbouloux. Le remarquable animateur de la table ronde, Eric Feldmann, Président du tribunal de commerce de Lille métropole, a notamment témoigné de la mise en place, dans sa région Les Hauts de France, d’un fonds régional de premier secours permettant des avances de 5 000 à 50 000 euros pour les TPE-PME devant faire face à des difficultés. Ce fonds concerne les entreprises jusqu’à 25 salariés, justifiant d’un chiffre d’affaires supérieur à 50 000 € et avec au moins 3 ans d’existence. Garants de ce dispositif, les juges de commerce ont par ailleurs un rôle pédagogique à effectuer auprès du chef d’entreprise pour orienter le dossier auprès de la meilleure cellule du tribunal : celle de prévention ou celle de procédure collective.

Si le dossier répond aux critères d’ouverture d’une procédure préventive, un mandataire ad hoc ou un conciliateur devra être nommé par le président. Et sur ce point, Eric Feldmann l’affirme haut et fort : « je considère les administrateurs judiciaires comme étant les seuls à même de faire le travail puisqu’ils ont vocation à assister le dirigeant si l’entreprise part ensuite en procédure collective. Au contraire, le mandataire judiciaire sera pour sa part chargé de représenter les créanciers ». Personne de la salle ou de la tribune n’a d’ailleurs trouvé à redire à cette affirmation, si bien que les protagonistes avaient tendance à tous parler d’administrateur judiciaire quand ils visaient un mandataire ad hoc…

Une image d’autorité soutient aux négociations

« L’ordonnance de nomination du mandataire ad hoc ou du conciliateur doit permettre de nouer une relation de confiance entre ce dernier et le juge consulaire, mais également avec le chef d’entreprise », a expliqué Hélène Bourbouloux. « Elle fixe également la durée de la mission et permet aux négociations d’être encadrées dans un délai strict. Ce cadre donné par le juge permet aussi de pouvoir faire accélérer des débats qui viendraient à s’éterniser ». Sauf que durant la mise en œuvre de la procédure, il n’est plus fait concrètement référence au juge. « Le juge est le chef d’orchestre, témoigne Eric Feldmann, il ne joue pas d’un instrument. Il doit veiller à l’harmonie ». Et Cédric Colaert d’ajouter « pour nous, le vrai patron, c’est le juge. Nous bénéficions d’ailleurs de l’image d’autorité pour faire évoluer le dirigeant et les différentes forces en présence autour de l’entreprise. Mais sur le terrain, le chef d’équipe est indéniablement le conciliateur ou le mandataire ad hoc ». Et d’insister auprès de la salle pour que les juges consulaires nomment « des professionnels inscrits, assurés et expérimentés pour éviter que certains dossiers complexes tournent mal ».

Mais cette réflexion n’a malheureusement pas trouvé écho durant la conférence, faute de temps sans doute. Car de celle-ci découle finalement la question des rapports entre juge consulaire et administrateur judiciaire. Qui tient véritablement les manettes ? Des voix commencent à s’élever au sein de la place parisienne pour dénoncer le pouvoir de certains d’entre eux dont les décisions sont suivies presque aveuglément par les tribunaux. Et d’en conclure que finalement, le véritable patron, c’est bien l’administrateur judiciaire.

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