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L’AMF se penche sur les problématiques de gouvernance et de rémunération

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires N°1375 du 03 décembre 2018

L’AMF vient de publier son rapport 2018 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées. Cette 15e édition se concentre sur les problématiques spécifiques qui se posent à l’occasion des mouvements de dirigeants et sur le vote des actionnaires sur la rémunération, deux thèmes qui ont fait l’actualité en 2018. L’occasion pour Cyril Deniaud, associé en droit boursier au sein du cabinet Jeantet, de dresser un état des lieux.

Quel est l’apport de ce rapport en matière de renouvellement des dirigeants ?

L’arrivée à échéance de nombreux mandats de dirigeants en 2018 (43 sociétés du SBF 120, dont 17 du CAC 40, étaient concernées) a été l’occasion pour l’AMF de mettre un coup de projecteur sur les problématiques de gouvernance et de rémunération qui se posent. S’agissant de l’organisation de la gouvernance, l’AMF recommande aux sociétés de donner plus d’informations sur la mise en place du plan de succession et insiste en particulier sur l’horizon de temps dans lequel il est élaboré. L’IFA notamment recommande de préparer un plan à court terme pour les successions imprévues (empêchement, démission voire décès comme ce fut le cas pour le PDG de Total en 2014), un plan à moyen terme pour les successions prévues (arrivée à échéance du mandat, départ à la retraite) et un plan à long terme axé sur le vivier existant de candidats potentiels. L’actualité récente, avec l’arrestation de Carlos Ghosn au Japon le 19 novembre dernier, démontre que ce sujet est loin d’être théorique. On peut noter à cet égard que, lorsqu’il a fallu nommer une nouvelle gouvernance à titre temporaire, le conseil d’administration de Renault ne s’est pas retrouvé démuni car la succession de Carlos Ghosn (prévue en 2022) avait été anticipée avec la nomination de Thierry Bolloré en tant que directeur général adjoint en février 2018. D’autres questions intéressantes sont posées, notamment quant à l’opportunité d’impliquer ou non le dirigeant en place dans l’élaboration du plan, ou encore la fréquence de revue dudit plan par le comité compétent.

Que relève-t-il en matière de rémunération des dirigeants ?

Le rapport se concentre également sur la détermination de la rémunération, tant lors de l’arrivée d’un dirigeant que lors de son départ. à l’occasion de leur arrivée, l’AMF note qu’en 2018, 11 % des nouveaux dirigeants, ayant antérieurement exercé une fonction au sein de la société, ont conservé leur contrat de travail (en le suspendant), ce qui représente un niveau de non-conformité au code AFEP-MEDEF relativement élevé. Les sociétés justifient la plupart du temps ce maintien par la durée de l’ancienneté du nouveau dirigeant au sein du groupe, mais l’AMF alerte sur le fait que ce maintien ne doit pas aboutir à un non-respect d’autres recommandations du code AFEP-MEDEF notamment si, en cas de révocation de leur mandat, retrouver leur ancienne fonction de salarié leur permettrait de toucher une indemnité de départ prévue dans leur contrat de travail. Quant aux « golden parachutes » versés à l’occasion du départ d’un dirigeant, l’AMF appelle à plus de transparence encore, en recommandant que ces informations soient, non seulement publiées sur le site internet de la société (comme c’est déjà le cas aujourd’hui, mais parfois de façon dispersée), mais également dans un communiqué de presse récapitulatif synthétisant les sommes dues et versées au dirigeant à l’occasion de son départ. L’AMF souligne par ailleurs qu’une bonne pratique consiste à ne verser la rémunération variable long terme (qui s’apprécie sur plusieurs années) que sur une base pro rata temporis, sans accélération du versement au moment du départ. Enfin, il est rappelé que depuis l’affaire Georges Plassat (du nom de l’ancien PDG de Carrefour qui avait fait valoir ses droits à la retraite en juillet 2017 et qui devait initialement percevoir 3,9 M€ en application d’une clause de non-concurrence, avant de finalement y renoncer), le code AFEP-MEDEF a été modifié pour ne plus permettre le versement d’une clause de non-concurrence existante en cas de départ à la retraite et au-delà d’une limite d’âge que le code fixe à 65 ans. Il est par ailleurs recommandé d’exclure la conclusion d’un tel accord au moment du départ du dirigeant.

Quid du vote sur les rémunérations ?

L’année 2018 correspond à la deuxième année de mise en œuvre du vote « ex ante » sur la politique de rémunération mais a surtout été marquée par l’entrée en vigueur du vote « ex post » visant à approuver les rémunérations versées et attribuées en 2017. L’AMF s’intéresse à la façon dont les informations ont été présentées cette année dans le nouveau rapport du conseil sur le gouvernement d’entreprise ainsi que dans les projets de résolutions (lesquelles ont été assez largement approuvées en 2018 avec des taux d’approbation de 88 % et 90,9 % respectivement). Il est rappelé que l’adoption de la loi Pacte en 2019 pourrait apporter quelques nouveautés sur ce sujet, avec notamment la transposition de la directive « Droits des actionnaires II » (qui ne devrait pas être une révolution puisque la France avait instauré le mécanisme du « say on pay » sur une base volontaire dès la loi Sapin II) mais également l’obligation de publier l’écart entre la rémunération des mandataires sociaux et la rémunération moyenne et médiane des salariés de la société, dans leur rapport sur le gouvernement d’entreprise. En définitive, à la lecture de ce rapport, on constate surtout que, même si des améliorations sont toujours possibles en termes d’exhaustivité de l’information fournie au marché, les bonnes pratiques sont de mieux en mieux intégrées par les sociétés cotées françaises.

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