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L’AFA ne se prive de rien dans la lutte anti-corruption

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1403 du 1er juillet 2019
Par Jeanne Disset

Deux événements pour l’AFA ces derniers jours : la sortie de son rapport annuel et la première audience de sa commission des sanctions. Revue de détails.

«Lutter contre la corruption, c’est, avant de punir, prévenir, écrit Charles Duchaine, le directeur de l’AFA dans le rapport annuel qui vient d’être publié. Si les dispositifs audités restent largement perfectibles, le mouvement est bel et bien lancé. » La loi dite « Sapin 2 » se concrétise un peu plus tous les jours. L’AFA souhaite accompagner le mouvement. Et de façon très volontariste, car elle a déployé une activité tous azimuts, vers toute sorte de public : former les agents publics, former les magistrats, sensibiliser les associations, passer des partenariats, intervenir dans des colloques, des congrès, auprès de juristes, d’entreprises, de compliance officers… Pédagogie, accompagnement, formation, sensibilisation sont des notions essentielles dans son action.

Conseil ciblé, réponses directes et guides

Mais mettre en place un référentiel anticorruption français va plus loin. D’abord, l’AFA développe du conseil. Les missions d’accompagnement individuel ont concerné près d’une vingtaine de structures en 2018 : 2 villes, 2 départements, 2 communautés de communes, 1 grand syndicat technique, 2 EPIC et 8 sociétés. Un exemple est d’ailleurs détaillé : Solocal. L’AFA a dégagé 6 thématiques « destinées à répondre aux besoins prioritaires d’appui aux acteurs économiques » : « 1 > la fonction conformité anticorruption (enjeux, positionnement, articulation avec les autres fonctions de l’entreprise) ; 2 > la gestion des cadeaux, invitations et autres avantages dans l’entreprise ; 3 > la gestion des conflits d’intérêts ; 4 > les vérifications anticorruption opérées dans le cadre des fusions‑acquisitions ; 5 > les points de vigilance en matière d’enquête interne ; 6 > la conformité anticorruption et la protection des données personnelles ». Autant de thèmes pour lesquels des fiches pratiques sont envisagées. Car c’est un autre axe important de l’action de l’AFA : l’information pratique pour agir. Les guides sont à la fois des outils de d’information, mais aussi de pédagogie et d’action lors des contrôles. Le futur guide relatif aux fusions-acquisitions, en consultation entre avril et mai dernier, très attendu par le marché, sera publié à la rentrée. Ainsi les chartes d’appui, le questionnaire du contrôle, les fiches périmètres, la charte du contrôle, le guide CJIP… Tous contribuent à l’instauration du référentiel anticorruption. Enfin, l’AFA a été saisie 152 fois pour des questions, très variées, principalement sur les missions de l’agence. 48 % de ces questions provenaient d’entreprises, de groupements ou d’associations. Même si l’AFA n’est pas concernée par le lanceur d’alerte, elle a reçu 303 signalements en 2018. Un a été transmis au parquet, 5 ont abouti à l’ouverture d’un contrôle.

Les contrôles

47 contrôles ont eu lieu en 2018, avec 43 contrôles d’initiatives, 4 en exécution de la CJIP. Sur ces 43, 28 ont concerné des acteurs économiques et 15 des acteurs publics. Aucun nom d’entreprise n’est cité, seul les profils des contrôlés sont décrits : chiffre d’affaires entre 297 M€ et 78,9 Mds€ et nombre de collaborateurs entre 600 et 376 000. Bref, de tout. L’AFA constate que l’engagement des instances dirigeantes des entreprises/entités publiques contrôlées est insuffisant, que les systèmes de management des risques mis en place sont lacunaires (notamment au niveau des dispositifs d’évaluation des tiers). Elle souligne néanmoins des bonnes pratiques, notamment lorsque « la réalisation des diligences raisonnables est externalisée, l’entreprise ne se contente pas d’acheter une prestation, mais participe à l’élaboration d’une méthode adaptée à ses besoins ».

La sanction, pour 2019…

Mais, alors que le rapport venait à peine de sortir, la semaine dernière, la première audience publique de sa commission des sanctions était annoncée. Elle a eu lieu cette semaine, dans les locaux de l’AFA. Plus de 300 personnes (avocats, journalistes, compliance officers, juristes d’entreprises ou d’entités publiques…) s’étaient déplacées. La salle de retransmission ne disposant que de 35 places, seuls quelques happy few ont pu y assister. « Au-delà d’une question d’expert, l’anticorruption est bien un enjeu de société », a réagi l’AFA sur Twitter pour expliquer cette affluence. La société concernée, Sonepar, est un groupe français familial de distribution de matériel électrique aux professionnels. Les griefs ont été présentés par le rapporteur : une cartographie des risques inefficace, « ratée », absence d’un code de conduite, absence d’une procédure d’évaluation des tiers (clients, fournisseurs, intermédiaires…), aucune mise en place d’une d’évaluation interne des mesures anticorruption et « de ne pas avoir intégré à ses procédures de contrôle comptable des dispositions permettant de s’assurer que ses livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence ». La direction de Sonepar (son secrétaire général, Olivier Catherine, et sa présidente, Marie-Christine Coisne-Roquette), assistée de Jonathan Mattout d’Herbert Smith Freehills, a dénoncé de se retrouver contrôlée « sur la base de règles et de référentiels en gestation » et constate ce « contrôle inquisitorial d’une ampleur inédite », se chiffrant en 8 000 heures de travail et un million d’euros de frais d’avocat. Sonepar a souligné n’avoir jamais fait l’objet d’enquête pour faits de corruption en vertu du FCPA aux USA. Charles Duchaine, s’il se félicite de la mobilisation de la société, demande néanmoins la mise en conformité totale et un nouveau contrôle. La commission des sanctions doit se prononcer dans un délai maximum de 4 semaines.

Notes  :

(1) https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/RA%20Annuel%20AFA_WEB_0.pdf

Herbert Smith Freehills CJIP AFA Charles Duchaine FCPA LJA1403 Solocal Jonathan Mattout Marie-Christine Coisne-Roquette