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La marque avocat, pour quoi faire ?

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1357 du 02 juillet 2018
Par Jeanne DISSET

Le barreau entrepreneurial et le think tank d’avocats « cabinets de croissance » ont organisé le 26 juin dernier un colloque sur la marque avocat. L’auditorium de la Maison du Barreau était plein, signe que les questions de développement de leurs activités et de leurs cabinets intéressent maintenant très vivement les avocats.

La marque « avocat », bonne image, mais quelle promesse ?

La question de la marque « avocat » renvoie à celle de son image. Dans le contexte d’une confiance en leur justice très mitigée, les Français ont cependant une image positive des avocats. Seulement 55 % des Français font confiance à la Justice, d’après Fabienne Gomant, directrice adjointe du département opinion de l’IFOP, qui a présenté différents chiffres, mais ils sont 63 à 64 % à avoir une bonne opinion des avocats. Sans doute sont-ils, parmi les professions liées à la justice, la mieux identifiée par les Français : 71 % d’entre eux pensant être bien informés sur le rôle de l’avocat, alors que les citoyens ne sont qu’un tiers à se dire informés des actions du ministre ou des déroulements des procédures. Surtout, 75 % des Français ne comprennent pas bien le langage judiciaire, alors que nombre d’entre eux ont fait appel à un avocat.

Très vite, cependant, les débats ont montré les limites de cette image positive. L’avocat appartient à une profession très diversifiée, donc difficile à appréhender ; l’avocat a une parole médiatisée trop monopolisée par les pénalistes, ce qui connote son image ; l’avocat ne peut plus n’avoir qu’une réponse technico-juridique, surtout maintenant que l’information sur le droit est disponible sur internet ; l’avocat brouille son image en se disant conseil ; l’avocat, c’est de lintuitu personae, pas qu’une marque ; l’avocat ne doit pas être qu’un recours (pompier-éteignant-le-feu), il doit être en amont ; l’avocat n’est pas assez pédagogue, pas assez passeur vers le juridique… De nombreuses ombres au tableau. La marque « avocat », ce n’est donc pas qu’une bonne image de marque.

Complément n°178897

" Pour l’avocat Jean-Georges Betto, la marque avocat veut dire qu’il y a des valeurs, un ADN, des particularités, c’est un actif qui permet de construire . Être avocat c’est bien autre chose qu’être un Business Partner de l’entreprise comme d’autres professionnels."


Quel est le projet et la promesse de l’avocat ?

Il gagnerait à investir un rôle de passeur voire de médiateur vers l’univers du droit. Et à être innovant. Une facette de la promesse de marque de l’avocat, celle d’accompagnateur « au service de ses clients », n’est pas assez développée. Marc Mossé, président de l’AFJE, souligne que la diversité des avocats les conduit trop souvent à être sur la défensive, ce que Dominique Perben confirme. En tant que garde des Sceaux, il garde en mémoire une image des avocats « compliquée du côté des pouvoirs publics et des élus » : Leur diversité et l’éclatement de la représentation de la profession les conduisent à ne pas être force de proposition et à rester en position de défense, de contestation de toute nouvelle idée voire de conservatisme. L’unité de parole et d’action affichée, pratiquée et en place depuis 6 mois avec la présidence de Christiane Féral-Schuhl au CNB pourrait peut-être ouvrir une nouvelle ère.

Business Partner ou Avocat ?

Avocat entrepreneur ! Si tous les intervenants sont d’accord pour expliquer que les avocats sont souvent ceux qui analysent le mieux le monde qui vient, ils constatent aussi que souvent, les avocats ne savent pas l’exprimer pour eux-mêmes. Marc Mossé déplore également qu’ils n’aillent pas assez vers les nouvelles attentes de leurs clients entreprises : « les avocats ont tendance à s’enfermer dans leur propre récit ». Il leur recommande de s’attacher aux besoins de l’entreprise et de devenir un Business Partner. Il pense que cela n’est faisable que si les avocats et les juristes d’entreprises se rapprochent. Pour l’avocat Jean-Georges Betto, la marque « avocat » veut dire qu’il y a des valeurs, un ADN, des particularités, « c’est un actif qui permet de construire ». Être avocat c’est bien autre chose qu’être un Business Partner de l’entreprise comme d’autres professionnels.

D’ailleurs, tous les avocats présents témoignant de leur expérience de création de cabinets donc de marques d’avocats (Éric Deprez, Arthur Dethomas, Delphine Meillet ou Mahasti Razavi) se reconnaissent dans l’aventure entrepreneuriale. La nouvelle facette de l’avocat, c’est l’entrepreneur du droit et il s’appuie sur la marque avocat pour installer la sienne. Car la marque, qu’elle soit d’avocat (la profession) ou de l’avocat (des cabinets), se construit sur un projet, un positionnement, des cibles, des valeurs et des gens. Cette construction débute par une réponse à la question : « qu’est-ce que j’apporte de différent au marché ? ». Chacun convient que tous nourrissent la marque « avocat » et s’en nourrissent, idem au niveau de la marque spécifique de chaque structure d’exercice. Alors, pour préserver l’actif de la marque avocat, il faut investir. « Il faut communiquer. Chacun à sa manière, mais communiquer. Et faire du marketing, bien travailler son positionnement ». Les instances le font pour la marque globale, mais les investissements de chaque avocat pour sa propre marque contribuent à la marque globale ! Or les avocats n’ont pas la culture de l’investissement. Chacun l’a rappelé, « il faut inverser cette tendance » et devenir sur ce point plus entrepreneur !

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