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La France cherche à redynamiser ses dépôts de brevets

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1395 du 29 avril 2019

L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) a récemment publié son rapport annuel pour l’année 2018. Des données stagnantes par rapport à celles de l’Office européen des brevets (OEB). L’INPI cherche donc les moyens de renforcer son attractivité en présentant un plan stratégique à horizon 2025 qui surfe sur l’impulsion donnée par la loi PACTE, adoptée en deuxième lecture le 11 avril dernier.

16 222 brevets déposés en 2018 à l’INPI. Un chiffre stagnant depuis plusieurs années. Parmi les groupes français les plus actifs, le top 4 n’a pas changé depuis trois éditions : Valeo (1355 dépôts), PSA (1074), Safran (783) et CEA (674). L’industrie automobile demeure le principal déposant en France. Le top 10 rassemble en effet quatre groupes de ce secteur comme Michelin - qui signe l’évolution la plus marquante de l’année avec 332 demandes publiées en 2018 soit une hausse de 16 % - ainsi que Renault qui monte d’un cran, passant de 400 brevets déposés à 453. « Il est étonnant de ne trouver dans le top 10 aucune société active dans les nouvelles technologies ou les télécoms, alors que la France compte des pépites dans le domaine », note Marianne Schaffner, associée du cabinet Dentons.

Bien sûr on est loin des 175 000 demandes déposées auprès de l’Office européen des brevets (OEB), en hausse de 4,6 % par rapport à 2017. « La France a également reculé parmi les déposants de brevets devant l’OEB. Elle est à contre-courant des autres pays européens », déplore l’associée qui ajoute : « la situation est inquiétante et est hélas le reflet de la situation économique française, mais peut aussi résulter d’un déficit de confiance dans le système des brevets, car nos sociétés sont en réalité innovantes ».

La stagnation des demandes de brevets français est en effet une source de préoccupation des parlementaires, qui en ont longuement discuté dans le cadre des débats sur la loi PACTE. Ils ont alors entrepris de rendre plus forte la place française en redonnant confiance dans notre système de brevets. L’INPI est donc entré en campagne en faisant valoir ses atouts : la dématérialisation complète de ses procédures, le renforcement de ses actions au plan international, l’ouverture de ses données de façon plus large (la base brevets compte par exemple 9,3 M de données, et la base marques 4,7 M), l’enrichissement de son offre à destination des start-up et l’homologation récente de quatre nouvelles indications géographiques. Sa devise : « La propriété intellectuelle pour dynamiser notre économie ». Tout est dit.

Des axes de transformation

L’office français a également entrepris de construire un plan stratégique à horizon 2025. « L’offre de propriété industrielle sera plus progressive, plus flexible et plus accessible aux petites entreprises et aux jeunes entreprises innovantes, moins outillées que les grands groupes dans ce domaine, alors même qu’elles innovent souvent très vite », explique Pascal Faure, directeur général de l’INPI. Il présente trois axes de transformation : « nous centrer sur les besoins des clients ; faciliter les relations entre les entreprises et l’écosystème de l’innovation ; adapter notre fonctionnement à nos ambitions ». L’office français va donc se positionner sur une approche plus personnalisée et adaptée aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux start-up, là où l’OEB est définitivement à la manœuvre auprès des grands groupes qui recherchent avant tout des brevets européens. Rappelons en effet que selon le rapport 2018 de l’office européen, 71 % des demandes ont été déposées par de grandes entreprises. Or en France, seulement 21 % des brevets d’invention sont pour le moment déposés par des PME, alors que 57 % le sont par des grands groupes. Les PME françaises déposeraient en outre deux fois moins de brevets que les PME allemandes, selon France Brevets.

Une transition facilitée par la loi PACTE

« Aujourd’hui, l’INPI vit un moment historique car l’impulsion politique donnée par la loi PACTE va renforcer considérablement la confiance dans les titres que nous délivrons et affirmer la place de notre office au plan international », assure le directeur général. Les articles 40 et 42 relatifs « à la protection des inventions de nos entreprises » du projet de loi PACTE visent à inciter les entreprises à déposer plus de brevets. L’Assemblée nationale vient de les adopter en 2e lecture. Le premier article vise à renforcer le certificat d’utilité, peu utilisé par les entreprises, qui protège une invention secondaire sur une durée plus courte que celle d’un brevet. Il est donc proposé de l’allonger de 6 à 10 ans. Il est également envisagé de le transformer en brevet d’invention si celle-ci le nécessite. « La loi PACTE étend également l’examen par l’INPI des demandes de brevet à l’activité inventive, a l’instar de ce qui se pratique devant l’OEB et devant de nombreux offices nationaux, explique Marianne Schaffner. Cette disposition pourrait être de nature à améliorer la confiance dans le système français des brevets en le rendant plus attractif. Nos entreprises pourront ainsi gagner en compétitivité ». Enfin, l’article 42 introduit un droit d’opposition direct devant l’INPI, permettant à un tiers de contester le caractère inventif d’un brevet. Un nouveau recours administratif qui vient pallier les insuffisances d’un voie judiciaire unique et donc encombrée. Des dispositions qui viennent compléter celles du Paquet Marques, bientôt transposée, qui instaure devant l’INPI une nouvelle procédure administrative de nullité et de déchéance en matière de marques. Le rapport annuel n’en fait d’ailleurs – et de façon surprenante- pas mention.

Le changement est donc en marche. Mais une interrogation demeure sur la mise en pratique de ces réformes. Comment l’INPI va-t-il pouvoir répondre efficacement à l’extension de ces nouvelles missions sans se voir doter de moyens financiers adaptés ?

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